Politique
"Au paradis de Dakhla et à l'enfer de Tindouf"
11/04/2022 - 13:56
Imane Benichou"La providence m'a amené à voir deux endroits où vivent les mêmes personnes, mais la différence est que l'un vit dans la liberté et le développement et l'autre est kidnappé, en esclavage". C’est avec cette phrase que le journaliste péruvien Ricardo Sanchez Serra initialise son reportage intitulé «Au paradis de Dakhla et dans l'enfer de Tindouf», publié samedi 9 avril au quotidien espagnol La Ràzon.
Le vice-président de la Fédération des journalistes du Pérou précise: "De loin, on reçoit des nouvelles incohérentes et des informations biaisées, ainsi que des informations idéologiques sur le Sahara comme: à Tindouf il y a une république, inexistante soit dit en passant, car elle n'a pas les conditions pour être un Etat, selon le droit international".
Serra souligne alors que son pays, le Pérou, qui rétablit une relation diplomatique avec le Rasd, "un pays fictif", selon l’écrivain, "tombe sous la propagande et la pression du Forum de Sao Paulo". "Un fait que le ministère des Affaires étrangères (péruvien, ndlr) devrait rectifier, afin de ne pas continuer à tomber dans le ridicule et continuer à perdre des voix au sein de la communauté internationale et s'aliéner à des pays amis", commente-t-il encore.
Les conditions "les plus inhumaines"
L’écrivain raconte sa visite aux camps de Tindouf en Algérie. "Quelque 40.000 à 50.000 Sahraouis, kidnappés par le Front Polisario avec complaisance d'Alger", selon Ricardo Sanchez Serra, vivent "dans des tentes", dans la Hamada, "le désert le plus aride du Sahara" et dans "les conditions les plus inhumaines, depuis plus de 45 ans". "Leurs salles de bains sont des silos. Il n'y a ni eau, ni électricité, ce que l'Algérie a pu fournir au cours de ses nombreuses années de prospérité économique", poursuit-il.
Le journaliste souligne en outre que les habitants n’ont pas d’emplois, de libertés et pas d'espérance de vie, s’appuyant sur un article du site du HCR qui détaille que "7,6 % de la population souffre de malnutrition aiguë et 28 % de retard de croissance. 50 % des enfants souffrent d'anémie. Chez les femmes en âge de procréer, ce chiffre monte à 52 %".
Lors de sa visite, le journaliste a constaté que les habitants ne font "rien de productif" et passent leurs temps à parler dans les rues. "J'ai vu des personnes âgées faire la queue dans un hôpital semi-en ruine, attendant qu'on leur donne leurs médicaments qui manquaient. J'ai contemplé des enfants en situation de précarité, d'autres jouant au football", rapporte-t-il, soulignant que "tout le monde, de tous âges, y compris les enfants, fait son service militaire".
"Ils ne sont pas des réfugiés"
"Ils ne sont pas des réfugiés", déclare-t-il dans son article, soulignant que la population n'est pas officiellement considérée comme réfugié par les Nations Unies et que l'Algérie et le Polisario n'autorisent pas le recensement de la population, malgré les demandes du Conseil de sécurité de l'ONU. Il explique ensuite que pour être considéré comme un réfugié, l'ONU doit procéder à un recensement et délivrer une carte de réfugié, qui accorde certains droits, dont la liberté de mouvement, le droit de travailler dans le pays où ils se trouvent. "A Tindouf il n'y a pas de tels droits, ils y sont assiégés et incapables de se déplacer à l'intérieur de l'Algérie", commente-t-il.
Cette carte, "dont personne à Tindouf ne dispose", note-t-il, donne à tout réfugié dans le monde le droit à rester dans le pays où il se trouve, à retourner à son pays d'origine, ou à aller dans un pays tiers. "Si cette carte devait se concrétiser à Tindouf, toute la population n'attendrait pas une minute de plus pour retrouver sa famille à Laayoune, Dakhla, Smara, Cap Boujdour, Aousserd, entre autres, dans le Sahara marocain", assure-t-il.
Contrôle "absolu"
Dans son reportage, Ricardo Serra raconte comment il a été intercepté sur sa destination à "plusieurs reprises", alors qu’il ne faisait que marcher dans les rues. "Je leur ai demandé 'Pourquoi tant de surveillance ?' Ils se sont retournés avec des visages en colère en disant que c'était 'pour empêcher les terroristes et les trafiquants de drogue d'entrer'. La vérité, c'est que ces points de contrôle devaient empêcher les gens de fuir vers la liberté", explique-t-il.
"Déjà plus de 15.000 ont fui Tindouf, risquant leur vie et traversant le désert hostile vers la Mauritanie - comme l'actuel président de la région de Dakhla - ou d'autres sont morts en essayant", rapporte le journaliste, notant que "des rapports font état de prisons secrètes où les opposants sont torturés".
Al-Khatat Yanga, président réélu du Conseil régional de Dakhla, "un Sahraoui qui s'est échappé de Tindouf et qui a beaucoup souffert en chemin, arrivant en Mauritanie puis dans sa ville", qui a rencontré par la suite Ricardo Serra, lui a mentionné qu'il y a entre 40.000 et 50.000 Sahraouis retenus en otage à Tindouf, vivant dans toutes sortes de privations.
Ricardo souligne par ailleurs que "les seuls qui vivent bien" sont les oppresseurs, ravisseurs, dirigeants du Polisario et leurs familles, "dont les enfants sont envoyés étudier à l'étranger, et bénéficient même des bénéfices que leur procure l'aide humanitaire mondiale, selon un rapport intitulé « Détournement de l'aide humanitaire destinée aux camps de Tindouf », par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF)".
Dakhla, "le revers de la médaille"
Le vice-président de la Fédération des journalistes du Pérou a également eu l’occasion de visiter Dakhla, en compagnie d’une délégation péruvienne. "Nous avons été surpris que l'avion de Royal Air Maroc qui nous transportait soit plein, principalement de touristes, car Dakhla possède des plages magnifiques, de beaux paysages et un bon climat", s’exprime-t-il.
La délégation s’est ainsi promenée dans les rues de Dakhla et a été "agréablement impressionnée". "Nous avons vu une métropole calme, avec des gens qui travaillent, dans les magasins, une ville vivante, prospère, en développement, touristique", rapporte Serra.
Le niveau de vie à Dakhla est "le plus élevé du pays", note-t-il, et ce "grâce au programme de développement socio-économique et durable ordonné en 2015 par le Roi Mohammed VI, avec un investissement de 7 milliards d'euros, dont la législation accorde des facilités aux investisseurs". Il affirme ensuite que de nombreux projets sont en cours, notamment dans les secteurs de la pêche, de l'énergie, de l'agriculture, du tourisme et des infrastructures et que plus d'une dizaine de consulats ont été ouverts à Dakhla.
La délégation a ensuite visité le chantier du projet du méga-port de Dakhla, "qui deviendra bientôt le meilleur port de l'océan Atlantique africain, et qui prévoit des zones industrielles qui stimuleront la croissance économique et fourniront du travail à des milliers de personnes dans la région", fait savoir le journaliste.
Le président de la Commission des Affaires étrangères du Congrès péruvien, Ernesto Bustamante Donayre, faisant partie de cette délégation, avait alors affirmé que "la pleine souveraineté du Maroc sur les provinces du sud doit être reconnue" et que "la voie de l'autonomie est la seule solution viable pour résoudre le différend", rapporte Ricardo, qui termine son reportage sur une question. "Si vous étiez un Sahraoui, où voudriez-vous vivre: au Sahara marocain, en liberté, sur votre propre terre, réuni avec votre famille? ou à Tindouf, en esclavage, sur une terre étrangère, sans espoir, sans liberté?"
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