Politique
De la "Fête de Commémoration" à la fête du Trône
05/08/2021 - 15:48
SNRTnewsUne proposition des nationalistes
L'historiographe du Royaume, Abdelhak El Merini, raconte que l’idée de l’instauration de la fête du trône provenait de jeunes nationalistes enthousiastes qui luttaient contre la colonisation française du Maroc et qui publiaient sans cesse des articles dans les journaux nationaux, tels que "Al Atlas", "Al Maghrib", et "Aâmal Achaâb" (Action du Peuple). À travers ces articles ils défendaient l’entité du Maroc et son intégralité religieuse et territoriale. Dans une interview avec Maghreb Arabe Presse (MAP), à l’occasion du 13e anniversaire de la fête du trône, El Merini évoque que la première cérémonie de commémoration de cette fête a été organisée de façon officieuse. Ce fut le 18 novembre 1933 au Jardin de Jnane Sbil à Fès, au siège du "Bureau islamique", qui devint plus tard école Annahda, à la ville de Salé, avec un groupe de jeunes de Rabat, et à "Kissariat Semarrine" à la ville de Marrakech que les cérémonies furent organisées.
Ces cérémonies de commémoration de la Fête du trône avaient été organisées quatre ans après que Sidi Mohammed Ben Youssef ait succédé, le 18 novembre 1927 (correspondant au 23 Joumada Al Oula 1346 de l’hégire) à son père le Sultan Moulay Youssef qui est décédé le 17 novembre 1927 après 15 ans de règne.
En effet, ce fût Moulay Idriss, le fils aîné de Moulay Youssef, qui était supposé s’asseoir sur le trône, explique l’historien. Néanmoins, ce fut le plus jeune des fils du Sultan, Moulay Mohammed, qui fut nommé pour devenir Roi. Moulay Mohammed Ben Youssef, âgé alors de 22 ans, devint Sultan du Maroc grâce notamment à son intelligence, sa sagesse et sa clairvoyance.
Les Oulamas (savants religieux) ainsi que les conseillers et les juges de la ville de Fès et les officiers et dignitaires du Makhzen Yousoufi (gouvernement de Moulay Youssef) ont prêté allégeance au jeune Sultan au parvis Dakakine à Fès (Bab Al Makina). Le 21 novembre 1927, Moulay Mohammed s’installa à Rabat, ville désignée, vu son emplacement stratégique donnant sur l’Atlantique et permettant de contrôler les routes principales menant à Fès, Oujda, Marrakech et Agadir, capitale du Royaume, par le général Lyautey, premier résident général au Maroc (1912-1925).
À cette occasion, le Sultan a organisé une grande fête au palais Royal de Rabat. Les officiers du makhzen, les conseillers de l’État ainsi que le résident général Théodore Steeg, qui a succédé au général Lyautey en 1925, avant la fin de la guerre du Rif, y ont assisté. Ce fut également l’occasion pour le Sultan et le résident général d'adresser des discours au peuple.
L’officialisation de la fête du Trône
En 1934, lors du septième anniversaire de l’accession de Moulay Mohammed Ben Youssef au Trône de ses glorieux ancêtres, la commémoration de la fête du Trône se revêtit un caractère officiel, lorsque le Grand vizir (titre réservé au premier ministre du gouvernement makhzani) Hajj Mohamed Al-Mokri a promulgué un arrêté viziriel qui a été ratifié par le résident général à l’époque, Henri Ponsot. En vertu de cet arrêté promulgué, le 26 octobre 1934 (correspondant au 16 Rajab 1353 de l’hégire), par ce ministre, qui a servi sous le règne de cinq Sultans depuis le règne de Hassan Ier au règne de Mohammed V et qui a vécu la période du protectorat depuis son début jusqu’à sa fin, la fête du Trône est devenue une fête nationale officielle.
Daté du 31 octobre 1934 et publié dans le bulletin officiel du 2 novembre 1934, l’arrêté contenait plusieurs articles. Les principaux articles prévoyaient que le Pacha de chaque ville organise les festivités et les fêtes musicales célébrant cette occasion. Dans ce cadre, l’arrêté disposait que les Pachas sont tenus de décorer leurs villes et de distribuer des habits neufs et de la nourriture aux pensionnaires des centres caritatifs. En outre, l’arrêté stipulait que la fête du trône soit commémorée le 18 novembre de chaque année, et que ce jour soit considéré un jour férié, et ce, à condition qu’aucun discours royal ne soit adressé à la nation, une recommandation avancée par les agents du protectorat qui craignaient toute action anti-protectorat.
Dès lors, le peuple marocain célèbre chaque année l’anniversaire de la fête du trône dans les écoles, les instituts, les sièges des partis politiques et des associations, dans les parcs et dans les souks, explique Abdehak El Merini. L’historien souligne, ainsi, que la fête du trône est devenue une occasion à laquelle sont adressés des discours à la gloire du Sultan et récités des poèmes faisant l’éloge du souverain et rendant hommage à son règne et ses efforts visant à faire avancer le peuple marocain et à briser les chaines du colonialisme.
Dans ce sens, l'historiographe du Royaume rappelle qu’à l'anniversaire d'argent de la fête du Trône le 18 novembre 1952, feu Mohammed V a prononcé un discours grandiose au Palais royal de Rabat, un discours qui fut la forte étincelle précédant la Révolution du Roi et du Peuple le 20 août 1953. Dans ce discours historique, le Sultan avait prononcé une phrase phare qui changea à jamais le destin du Royaume et qui déclencha un séisme dans les rangs du protectorat français et de ses partisans : "Le protectorat est comme une chemise pour un petit enfant, l'enfant grandit et grandit et grandit, et la chemise est restée telle qu'elle était et est donc devenue inutilisable, car elle est portée par un homme adulte" (c'est-à-dire le Maroc).
Au retour de feu Mohammed V de l’exil en 1955, la fête du Trône est devenue l'une des trois glorieuses : à savoir la fête du retour (le 16 novembre), la fête de la renaissance (17 novembre) et la fête de l’indépendance et du Trône (18 novembre). Et lorsque feu Hassan II fut intronisé, la fête du Trône fut célébrée le 3 mars, date de son intronisation en 1961. Le 18 novembre devint donc la fête de l’indépendance.
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