Monde
Et si on fabriquait de la viande ?
14/12/2020 - 15:29
Meryem Ait OuaannaIncroyable mais vrai ! De la viande in vitro a été proposée par des restaurants à Singapour. Il s'agit d'une première mondiale qui suscitent autant d'étonnements que d'interrogations. Les autorités sanitaires de la cité-État ont donné leur feu vert aux restaurants du pays pour vendre de la viande cellulaire, un produit complètement fabriqué en laboratoire, par la start-up californienne Eat Just.
Ce produit est le fruit d’un travail de longue haleine. Eat Just a travaillé pendant plusieurs années sur la fabrication de sa viande de poulet artificielle, présentée sous forme de nuggets. Reconnue par l’agence singapourienne de sécurité alimentaire comme étant «propre à la consommation», cette viande de synthèse créée par Eat Just à partir de cellules animales, sera surveillée par les autorités sanitaires du pays pendant au moins une vingtaine d’années.
Singapour est très dépendante du marché extérieur ; plus de 90% de son alimentation est importée du reste du monde. Le redressement des échanges commerciaux causé par la pandémie de coronavirus a levé le voile sur les failles du système alimentaire de Singapour et a révélé la nécessité d’investir dans la production locale.
Sans souffrance animale ?
En général, les chercheurs et scientifiques qui travaillent sur des projets de viande artificielle partent du principe qu’il ne faut pas faire souffrir les animaux, mais est-ce vraiment le cas ? D'abord, il faut savoir que la production de la viande cellulaire repose essentiellement sur le sérum fœtal bovin (SFB), un liquide extrait du sang de vaches gestantes. Riche en nutriments, le SFB permet aux cellules souches de survivre et proliférer. En revanche, l’utilisation de ce liquide suscite un vif débat, celui-ci est considéré comme étant responsable d’une souffrance animale, étant donné que son obtention nécessite l’abattage de vaches en gestation. Interrogée par le quotidien français Libération, l’association Agriculture cellulaire France estime que l’usage du SFB dans la production de la viande de synthèse " irait à l’encontre du bien-être des animaux, c’est pourquoi aucune entreprise de viande cultivée ne compte l’utiliser à terme ".
Espoir ou menace ?
De nombreuses études l’ont démontré. L’élevage contribue fortement à l’émission des gaz à effet de serre, principaux moteurs du réchauffement climatique. Alors qu’en est-il de la viande in vitro ? Selon un rapport publié en janvier 2019 par le Forum économique mondial, la culture de la viande artificielle permettrait une baisse de 7% des gaz à effet de serre émis, par rapport à la production bovine conventionnelle. Alors que l’élevage traditionnel émet beaucoup de méthane (CH4), la viande de laboratoire émet quant à elle du dioxyde de carbone (CO2). Une autre étude réalisée par les chercheurs de l’université d’Oxford, publiée en février 2019 sur la revue scientifique « Frontiers in Sustainable Food Systems », dévoile des résultats inquiétants. En effet, les chercheurs d’Oxford ont réalisé des projections sur 1000 ans. Ils concluent qu’à long terme, le CO2 émis par la production de la viande de synthèse serait plus néfaste que le méthane issu de l’élevage conventionnel. Dans une interview accordée à la BBC, Raymond Pierrehumbert, un des principaux auteurs de l’étude précitée, explique que " par tonne émise, le méthane a un impact beaucoup plus important sur le réchauffement climatique que le dioxyde de carbone, cependant, il ne reste dans l’atmosphère que pendant environ douze ans, lorsque le CO2 persiste et s’accumule pendant des millénaires ". Face à l'élevage intensif, la viande de synthèse serait-elle finalement plus couteuse ?
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