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"Terminal": la sitcom revient, les rires en bande-son aussi
07/04/2024 - 11:10
AFPComme dans la comédie hospitalière "H", qui a révélé l'humoriste il y a 25 ans, des spectateurs invisibles s'esclaffent quasiment à chaque réplique de Ramzy Bedia, Camille Chamoux ou encore Tristan Lopin, dans la peau d'employés d'une compagnie aérienne low-cost.
De quoi déstabiliser quelques minutes, au premier visionnage, les téléspectateurs qui n'ont plus l'habitude de ce procédé tiré des "comédies de situations" (personnages et décors récurrents, tournage en présence de spectateurs) nées Outre-Atlantique à la fin des années 1940.
"Il y a un petit temps d'adaptation, on le sait", concède à l'AFP Mohamed Hamidi, co-réalisateur de "Terminal". "On avait même envisagé l'idée de pas mettre de rires. Le problème, c'est qu'ils sont là, ils repassent dans les micros des comédiens, ce sont vraiment les rires du public, c'est compliqué de les enlever".
"Il n'y a aucun rire qui a été enregistré, ce ne sont que des vrais vrais rires", a insisté Jamel Debbouze en amont de la projection de la série vendredi à Canneseries, même s'ils ont été "réédités", "diminués" ou "augmentés" au mixage, selon Mohamed Hamidi.
Une précision qui s'impose, de nombreuses sitcoms, françaises comme américaines, recourant à des banques de rires prêts à l'emploi, rajoutés en post-production pour simuler un public.
Cette pratique s'est répandue aux Etats-Unis dans les années 1950 avec l'essor des tournages sans public et l'invention de la "laff box" (boîte à rires) par un ingénieur du son, Charley Douglass, sollicité entre autres pour "Ma sorcière bien aimée".
Elle a fait des émules dès les années 1980 et 1990 en France, où les sitcoms étaient rarement enregistrées en public, même si l'emblématique série d'Antenne 2 "Maguy" l'a été à ses débuts.
"On montrait des extraits de séries à des gens, on enregistrait leur rires et on les répartissait aux endroits qui nous semblaient drôles", relate ainsi pour l'AFP le producteur Jean-Luc Azoulay, à l'origine de l'invasion des sitcoms AB ("Salut les musclés", "Hélène et les garçons") sur TF1. "Parfois, il y en avait un peu trop", concède-t-il.
"théâtre vide"
Vrais ou artificiels, ces rires, qui ont rythmé des séries comme "H" jusqu'à sa fin en 2002, ont disparu des productions françaises en même temps que le genre de la sitcom, auquel producteurs et diffuseurs ont préféré notamment les "shortcoms", ces comédies courtes (et sans rires) comme "Un gars, une fille" ou "Caméra café".
Même la télé américaine a fini par délaisser cet habillage sonore, si irritant pour certains, depuis la fin de "The big bang theory" en 2019.
"Ca a commencé à disparaître à mesure que la télévision est devenue plus sophistiquée", explique à l'AFP le journaliste américain Saul Austerlitz, auteur d'un livre sur l'histoire des sitcoms, de "I love Lucy" à "Community".
"Les sitcoms qui sont arrivées après +Friends+ et +Seinfeld+, en particulier sur NBC, comme +The Office+ ou +Parks and Recreation+, ont abandonné les rires enregistrés ("laugh track"). C'est dû en partie à leur format, le mockumentaire (faux documentaire, genre popularisé dans les années 2000). Mais aussi au fait que les rires enregistrés sont un emblème du passé qu'il fallait laisser derrière soi".
"La leçon tirée de cette nouvelle génération de séries, c'est que l'on n'a pas vraiment besoin de ces rires pour inciter les gens à rigoler ou leur rappeler qu'une situation est amusante", ajoute l'auteur.
"Le rire fait partie de la musique de la sitcom", assure au contraire Jean-Luc Azoulay. "Si vous allez dans un théâtre vide voir une pièce, si personne ne rit, ça n'est pas pareil que si la salle est pleine".
"Avec Jamel, on a fait 10 ou 11 +Marrakech du rire+ (festival d'humour diffusé chaque année sur M6), on est habitué à ce que ça fasse partie du programme", tranche Mohamed Hamidi.
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