Société
Une étude de la HACA révèle la persistance d’une représentation discriminante à l’égard des femmes malgré quelques évolutions positives
03/04/2024 - 12:57
Khaoula Benhaddou | Hamza BAMMOULa représentation de la femme dans les publicités est un sujet épineux qui a fait l’objet de plusieurs études nationales et internationales. Sexisme, stéréotypes et clichés sont des mots clés qui reviennent souvent dans ces études qui confirment que les femmes sont représentées dans certaines publicités comme des femmes objets, des fées du logis ou comme des femmes à tout faire. Ce sujet a été au cœur d’une rencontre organisée ce mardi 2 avril par la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) qui a présenté une étude réalisée sur la base de 750 spots publicitaires. Les détails
Malgré l’évolution de la société, la publicité au Maroc, comme ailleurs dans le monde, continue de présenter une image stéréotypée de la femme. Certes, la femme fait des études supérieurs, se libère et occupe des postes importants, mais elle reste pour certains annonceurs et publicitaires une fée du logis, une bonne mère et une femme objet. Ces clichés viennent d’être confirmés encore une fois par une étude réalisée par la HACA.
Basée sur une analyse pluriannuelle de plus de 750 spots publicitaires diffusés en prime time sur les deux chaines de télévision publiques pendant le mois de ramadan des années 2020, 2021, 2022 et 2023, cette étude confirme une persistance discriminatoire à l’égard des femmes malgré quelques évolutions positifs.
Pourquoi la HACA s’intéresse à ce sujet?
Cette étude réalisée dans le cadre de l’engagement de la HACA en matière de promotion de la culture de la parité et en tant que signataire de la Déclaration de Marrakech initiée par son Altesse Royale la princesse Lalla Meryem, présidente de l’Union Nationale des Femmes du Maroc, pour remobiliser l’effort national en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, a été présentée devant un parterre de professionnels du secteur publicitaire et médiatique.
En vue de sa mission principale, La HACA contribue à la promotion de la culture d’égalité et de parité entre l’homme et la femme et à lutter contre toutes formes de discrimination et d’images stéréotypées portant atteinte à la dignité de la femme. Elle a également une mission spécifique en matière de lutte contre la discrimination basée sur le genre, y compris les images stéréotypées qui portent atteinte à la dignité de la femme dans les contenus publicitaires.
Quel est le rôle de la publicité?
Lors de sa présentation, Latifa Akharbach, présidente de la HACA, a rappelé que la publicité fait partie de la scène publique; "par son omniprésence, son accessibilité et sa créativité, la publicité façonne des croyances et des comportements concernant les identités et les pratiques sociales. Elle joue un grand rôle dans la circulation des représentations de genre et participe à la construction de la figure de la femme dans l’imaginaire collectif".
Certes, l’objectif d’une publicité est de vendre une marque ou un produit en le rendant désirable et parfait aux yeux du consommateur, mais au-delà de son aspect commercial, la publicité peut influencer sur les choix mais aussi sur les croyances du public.
Ainsi, la publicité continue depuis des années a véhiculé des images et des fausses croyances sur la femme comme l’a précisé Latifa Akharbach; "partout dans le monde, on trouve des injonctions symboliques de la publicité concernant la femme. Paradoxalement, cette femme est à la fois une ménagère performante et une femme séduisante fatale! Fort heureusement, la sexualisation du corps de la femme est quasi-absente de la publicité télévisuelle marocaine".
Une prudente progression!
En comparant la représentation des femmes dans la publicité audiovisuelle avec une étude réalisée par la HACA en 2014, une remarquable évolution a été enregistrée.
Le principal progrès est relatif à la diminution du nombre de publicités contenant des stéréotypes de genre; «L’étude a démontré que 51% des spots diffusés ne contiennent pas de stéréotypes, soit une baisse de 42 points par rapport à 2014».
La HACA a également noté une tendance vers plus de mixité et d’équilibre dans la représentation des femmes et des hommes dans les publicités de certains secteurs.
Selon l’étude de 2014, les hommes étaient représentés majoritairement dans les secteurs de l’immobilier, télécom, finances et assurances alors que les femmes étaient plus présentes dans l’alimentaire, l’hygiène, la beauté et l’équipement des foyers.
Dans le détail, en 2014, la publicité des secteurs de distribution et restauration, des sports, du voyage et du loisir étaient dominés à 100% par les femmes. La publicité des produits cosmétiques et d’hygiène ont également été dominée par les femmes à 90%.
Le secteur l’automobile et de l’énergie était dominé quant à lui à 100% par les hommes. La donne a remarquablement changée entre 2020 et 2023 puisque le secteur du cosmétique et de l’hygiène a connu l’entrée de l’homme avec 24%, même chose pour l’alimentation à 36%, l’entretien ménager 41%. La représentation des hommes dans la cuisine a également doublé en 4 ans.
Entre 2020 et 2023, la proportion des femmes mises en scène dans les publicités portant sur les services financiers est passée de 20% en 2014 à 42% en 2023. La présence des femmes dans les publicités du secteur de l’automobile est également passée de 0% en 2014 à 50 % en 2023.
Le diable se cache dans les détails!
Malgré la diminution des publicités comportant des stéréotypes flagrants et l’entrée des femmes dans des secteurs réservés aux hommes, les clichés sexués sont toujours présents dans la publicité.
Ces clichés ont été minutieusement étudiés par les équipes de l’instance de régulation qui ont réussi à pointer du doigt des détails qui passent souvent inaperçus.
Certes, la proportion des hommes mis en scène dans la cuisine a été multipliée par deux en 4 ans, mais les équipes de l’instance ont remarqué que cela est considéré comme exceptionnel; "lorsque l’homme est représenté en action de tâche ménagère, c’est un événement exceptionnel, ludique ou bien c’est un échec, ce qui permet de dire que l’homme n’a pas sa place dans l’espace domestique", souligne Latifa Akharbach. Et d’ajouter "quand un homme fait la publicité d’un liquide vaisselle, il parle souvent de son efficacité technologique alors que lorsqu’une femme fait la promotion du même produit elle parle de sa douceur sur les mains, son parfum ou sa mousse… Le plus souvent les hommes tiennent un discours expert et rationnel tandis que les femmes tiennent un discours émotionnel et impressionniste!".
Ce n’est pas tout, l’étude pointe du doigt la légitimation de la charge mentale des femmes "en tant que responsables premières et parfois exclusives du bien-être de la famille, de la gestion des tâches ménagères, des soins aux enfants…".
Si les femmes sont plus représentées en situation de parentalité que les hommes; (53% en 2020; 60% en 2023), les hommes, quant à eux, sont plus représentés en situation de pouvoir et de contrôle, comparativement, les femmes plus représentées en subalternes…
Pour conclure, Latifa Akharbach a appelé à une mobilisation collective en faveur d’une représentation juste des femmes dans les médias; "la représentation discriminante et stéréotypée des femmes et des hommes dans les médias obère le potentiel des sociétés en matière de développement et de démocratisation; or, au moment où le chantier décisif de la réforme de la Moudawana est ouvert dans notre pays, la consolidation de la culture de la parité , de la diversité et de l’égalité citoyenne apparait comme une urgence et un atout fondamental pour réussir les réformes et pérenniser les acquis dans ce domaine".
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