Société
Conditions climatiques extrêmes: quels impact sur les nappes phréatiques?
21/04/2024 - 15:07
Mohammed FizaziSelon Mohammed Said Karrouk, professeur de climatologie à l'université Hassan II de Casablanca, pour appréhender la crise de l'eau au Maroc, il est crucial de comprendre ce que sont les nappes phréatiques et le stress hydrique. "Une nappe phréatique est une réserve naturelle d'eau située sous la surface de la terre, qui se reconstitue grâce aux précipitations qui s'infiltrent à travers le sol," explique-t-il dans une déclaration à SNRTnews. Toutefois, il souligne un problème majeur : "Si le sol est imperméable, comme c'est souvent le cas dans les zones urbanisées où le sol est bétonné, la recharge de ces nappes est grandement compromise".
Le stress hydrique, quant à lui, survient lorsque l'eau est utilisée au-delà de sa disponibilité naturelle. "Cela signifie que nous pompions et utilisons l'eau à un rythme qui ne permet pas son renouvellement naturel, créant une situation où la demande dépasse l'offre," ajoute Karrouk.
Le Maroc subit une sécheresse continue depuis 2018, ce qui représente un défi majeur pour la gestion de l'eau. "Cela fait maintenant 6 ans consécutifs que la sécheresse frappe le Maroc, avec des années comme celle-ci où les précipitations ont été particulièrement faibles même pendant la saison normalement pluvieuse du printemps", précise Karrouk. Ce manque persistant de pluie a des répercussions directes sur le cycle de l'eau, qui est intrinsèquement lié à la température et aux précipitations.
Normalement, les précipitations devraient reprendre à l'automne et se prolonger jusqu'au printemps, suivant les cycles naturels de l'eau, qui sont influencés par les températures. Ces cycles débutent par l'évaporation, le mouvement de l'eau vers l'atmosphère, où elle reste sous forme de vapeur avant de se condenser en eau liquide ou en glace, selon la température. "Le cycle de l'eau commence par l'évaporation, suivie par la condensation de cette vapeur en eau liquide ou en glace, selon la baisse de températures", explique le professeur. Cependant, il note qu'au Maroc, en raison de températures généralement élevées, notamment en dehors des montagnes, l'évaporation est intense et peu d'eau revient au lieu d'évaporation original. Cette vapeur d'eau se déplace souvent et peut retomber loin de son origine, entraînée par les courants aériens.
Pour répondre à ces défis, le Maroc a investi dans des infrastructures significatives. "Le Maroc a développé un grand nombre de barrages et de canaux pour redistribuer l'eau, ce qui est essentiel pour maintenir notre sécurité hydrique", affirme Karrouk. Ces structures sont vitales pour stocker l'eau durant les périodes de précipitations et la redistribuer en temps de besoin.
Un exemple notable de cette adaptation est la réponse au nord du Maroc. "Cette région a bénéficié d'un retour important de l'eau grâce à sa position géographique qui attire les perturbations des fronts polaires, contrairement à d'autres régions du pays," dit Karrouk. Malgré cela, le professeur rappelle que même dans ces zones plus favorisées, la gestion de l'eau reste un défi constant.
Cette région n'a pas subi les mêmes pénuries d'eau que d'autres régions du Maroc, bénéficiant ainsi d'une restauration notable de ses ressources hydriques. Ceci est illustré par le remplissage complet de certains barrages à 100%. En revanche, d'autres parties du pays n'ont pas eu cette chance, les nappes phréatiques n'étant pas reconstituées de manière équivalente. La chaleur a moins d'impact sur l'évaporation naturelle dans cette région, mais le pompage et l'usage intensif de l'eau restent préoccupants. Sans une gestion adéquate, cette pratique peut mener à une utilisation insoutenable de l'eau, qui n'est pas assurée de se renouveler.
De ce fait, au-delà des problèmes naturels, Karrouk met en lumière un aspect souvent négligé : le stress hydrique anthropique, ou stress hydrique causé par les activités humaines. "Si nous ne contrôlons pas nos actions, notamment l'excès de pompage et l'utilisation non durable de l'eau, nous ne faisons qu'exacerber le problème du stress hydrique", prévient-il. Il appelle à une meilleure gouvernance imposée par l'État et les autorités locales et à une régulation stricte de l'utilisation de l'eau pour prévenir l'aggravation de la situation.
Face à ces défis, le professeur Karrouk appelle à une vigilance accrue et à des efforts continus pour une gestion durable de l'eau. "Il est impératif que nous maintenions une gestion efficace de nos ressources hydriques pour assurer la stabilité environnementale, économique et sociale de notre pays," conclut-il.
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