Sport
Droits TV du sport: les chaînes frémissent face aux moyens des GAFA
28/12/2022 - 17:00
Nassim El Kerf
Cette semaine, le géant de Google, Youtube, a frappé l'un des plus grands coups de l'histoire de la diffusion et retransmission du sport en officialisant l'acquisition des droits du "Sunday Ticket", synonyme de diffusion de tous les matchs de football américain du dimanche après-midi. Un marché estimé à des milliards de dollars, compte tenu de la popularité du sport roi aux Etats-Unis, et de son marché publicitaire.
Youtube ne se contente pas de taper fort au-delà de l'Atlantique, mais ce géant du web frappe aussi sur des marchés qu'on croyait intouchable comme celui du football italien. Officiellement, c'est suite à une décision de la Fédération italienne que la plateforme de streaming a diffusé la quasi-intégralité de la Coupe d'Italie 2022, officieusement, Youtube a saisi cette occasion pour tâter le terrain du sport en Europe après avoir réussi des premiers essais aux Etats-Unis, et en NBA notamment.
L'octroi des droits TV pour des compétitions phares comme la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques ou encore l'Euro et la Coupe d'Afrique des Nations, a toujours été une question qui fâche, et les sommes ne sont pas révélées au grand jour, sauf pour quelques exceptions.
Chiffres faramineux
Pour acquérir les droits de diffusion du football américain les dimanches, la course a été effrénée entre des chaînes pionnières comme Fox, NBC ou encore DirecTV, qui diffusaient les sports phares aux Etats-Unis. Le deal de 7 ans a été conclu pour un peu plus de 2 milliards de dollars par an, soit 14 milliards de dollars au total.
Ce qui est appliqué aux sports US est appliqué tout naturellement au football. La FIFA, son instance dirigeante, a été même pionnière dans le domaine de la vente des droits TV de ses compétitions phares à des sommes astronomiques, au plus offrant, vers la fin du 20e siècle.
Quand il s'agit de Coupe du Monde, dont la finale bat des records d’audience tous les 4 ans, la FIFA peut se frotter les mains (plus d’un milliard de téléspectateurs pour les finales ndlr). Entre les chaînes qui souhaitent acquérir les droits de retransmission terrestres (TNT) et ceux qui ont les moyens de s’offrir la diffusion satellitaire, des milliards d’euros sont en jeu. Ces chaînes qui obtiennent les droits de diffusion satellitaires peuvent même revendre leur licence à d’autres tiers, comme ce qui était le cas en 2018.
L’exclusivité diffusion des matchs de la Coupe du Monde 2018 en Russie avait été cédée au groupe TF1 pour plus de 130 millions d’euros, pour un beau retour sur investissement puisque la chaîne avait à l’époque, battue des records d’audience pour les matchs de l’équipe de France qui avait été championne du Monde.
Pour quel retour sur investissement?
Rares sont les chaînes qui ont réussi à survivre à la crise économique. Les chaînes privées, détenues par des milliardaires ou des groupes affiliés à des multinationales arrivent à suivre la dure loi du marché des droits TV, mais quel avenir pour le reste?
Le football que prône la FIFA, est un football pour tous. La démocratisation de ce sport est l’un des axes que développe l’instance pour le rendre accessible pour le plus grand nombre de personnes possible, dans les quatre coins de la planète. Mais cette idée de démocratisation s’arrête aux droits de retransmission terrestre qui coûtent également très cher. Pas aussi cher que les droits satellitaires, mais rien n’est donné dès qu’il s’agit de la Coupe du Monde.
Même son de cloche lorsqu’on évoque les droits de retransmission des compétitions interclubs phares, comme la Ligue des Champions et l’Europa League. Pour les 4 prochaines saisons (jusqu’en 2027), Canal+ a pu s’offrir ces droits pour un total de 480 millions d’euros.
Les droits se vendent aujourd’hui au match par match, ou par packs de matchs. Mais le retour sur investissement est loin d’être encourageant, surtout pour les pays africains, où le marché de la publicité télévisée ne compense pas les dépenses. Or, pour offrir les matchs de football aux citoyens, des sociétés se retrouvent perdantes dans cette équation, contrairement à des pays où les chiffres de leur marché publicitaire encouragent à l’investissement.
A titre d’exemple, la grille tarifaire de la chaîne TF1 pour le match France-Danemark de la phase de groupe a changé de sphère. Pour un spot de 30 secondes diffusé dans le premier écran de coupure à la mi-temps, il faut compter pas moins de 200.000 euros. A l’horaire du match (17h), le tarif est d’habitude inférieur à 20.000 euros, rapportent nos sources.
Pour une question de publicité, la diffusion du match France-Tunisie (0-1) sur TF1 a été coupée avant le coup de sifflet final, ratant pour le coup, le verdict de la VAR, qui a annulé le but égalisateur d’Antoine Griezmann en toute fin de match.
Menace GAFA
Avec l’avènement des GAFA, le scénario de les voir contrôler le marché de la diffusion des sports est de plus en plus crédible alors qu’il semblait si extravagant et inenvisageable il y a quelques années. Ces géants du net qui se démarquent en obtenant des accords pour tourner des documentaires dans les coulisses des grands clubs de football, dans des universités huppées et connues pour leurs programmes "sport-études", ou même dans des sports si fermés comme la Formule 1, s’attaquent clairement à la diffusion en direct des compétitions.
Ces documentaires vus plusieurs centaines de millions de fois, étaient autrefois la spécialité des chaînes de télévision. Aujourd’hui, la priorité est accordée à Amazon Prime et Netflix qui touchent à tous les sports populaires en signant des contrats à des millions de dollars avec les clubs, les fédérations ou les instances dirigeantes.
En France toujours, Amazon Prime détient aujourd’hui les droits de diffusion de l’essentiel des matchs de Ligue 1 jusqu’en 2024, en diffusant également des sessions de Roland-Garros, le mythique grand-chelem. Facebook détient à son tour les droits de diffusion des compétitions de cricket en Inde, le sport phare prisé par des centaines de millions de citoyens.
Une concurrence correcte certes, mais pas si loyale déontologiquement. Les moyens ne sont pas les mêmes, et ne le seront plus jamais. Ces GAFA paraissent intouchables et indétrônables au marché du divertissement en ciblant enfants, adolescents et adultes grâce à des algorithmes et divers moyens technologiques. Des moyens que les chaînes de télévision traditionnelles ont bien du mal à s’offrir, dans un avenir promis aux géants du web.

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