Société
Enseignement supérieur: le système Bachelor tué dans l'oeuf?
25/12/2021 - 18:32
Lina IbrizLe système Bachelor, adopté pour l’année 2021-2022, en phase expérimentale, représente un des projets phares s’inscrivant dans le cadre de la réforme de l’enseignement supérieur. Ce système mis en place pour améliorer l’employabilité des lauréats et lutter contre la déperdition universitaire, devait être généralisé à l’ensemble des institutions de l’enseignement supérieur aussi bien publiques que privées.
Néanmoins, ce projet ambitieux semble manquer de clarté tant au niveau des motifs scientifiques et pédagogiques de son implémentation, qu’au niveau de ses objectifs et les étapes de sa mise en place. C’est ce que souligne le Conseil supérieur de l’Education, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) dans son avis émis hier. "L’étude de ce projet a permis de relever un nombre de remarques et de questionnements relatifs aux motifs et objectifs derrière certains choix qui ont été pris dans le cadre du changement du premier cycle de l’enseignement supérieur", note le document. Et d’ajouter: "Ces questionnements concernent également la possibilité d’atteindre l’efficacité de la nouvelle organisation".
Un manque de clarté
La finalité du projet de décret portant l’instauration du système du Bachelor demeure floue, selon le CSEFRS. Cela est dû principalement au fait que le projet de décret soumis audit conseil n’a pas été accompagné d’une fiche présentatrice qui "clarifie les bases et choix stratégiques sur lesquels se baseront les changements que connaitra l’organisation pédagogique", indique le CSEFRS.
Cela entraîne "un manque de visibilité" et soulève un nombre de questionnements quant aux objectifs de ce changement. "Le projet vise-t-il à surmonter les difficultés et problèmes liés à la qualité et à la déperdition universitaire, ou plutôt à remplacer le système pédagogique adopté au Maroc depuis 2004 par le système anglo-saxon?, se demande le Conseil.
S’agissant des modalités de l’implémentation du nouveau système, le conseil note que le projet de décret ne spécifie pas si le système du Bachelor introduirait un changement "radical" au système «Licence – Master- Doctorat» ou si le changement concernerait uniquement la durée de la formation, puisque le texte du projet laisse entendre qu’il s’agit un cycle additionnel parallèle au cycle de la licence, ce qui engendrerait un nombre de difficultés au niveau de la gestion et de l’organisation.
Outre le fait que l’adoption d’un nouveau cycle en plus de celui de la licence ne garantit pas la réalisation des objectifs de la qualité dans les institutions à accès ouvert, l’adoption simultanée de deux cycles parallèles causera une perturbation dans la gestion de ces instituions, fait valoir le conseil, rappelant que les expériences nationales précédentes (la licence appliquée et la licence professionnelle) ont démontré l’"inefficacité" des systèmes parallèles destinés à un nombre limité d’étudiants.
Un changement au détriment des connaissances scientifiques
Les fondements et motifs scientifiques et pédagogiques qui justifient le prolongement de la durée de la formation n’ont pas été présentés, note l’avis du CSEFRS. Le prolongement de la durée de la formation se serait limité à l’intégration des modules dédiés aux Soft Skills et aux langues. De ce fait, le volume horaire réservé aux modules cognitifs aurait été réduit.
En outre, la prolongation de la durée de la licence ne justifie pas la limitation du cycle du Master en une année, estime le conseil qui alerte que ces changements impacteraient négativement le niveau de formation des étudiants du Bachelor.
Un autre point que le projet de décret n’a pas expliqué, selon l’CSEFRS, est celui de la gestion des ressources humaines et financières. Le manque d’effectif dont souffrent les institutions universitaires à accès ouvert pose de nombreuses questions, notamment sur comment les modules dédiés aux Soft Skills et langues pourront être enseignés, étant donné que l’enseignement de ces modules requiert des groupes à nombre limité. Enfin, aucune donnée sur le coût financier de la généralisation du Bachelor n’a été présentée, alors que l’apport, en termes de qualité, des investissements qui seraient déployés dans ce cadre n’est toujours pas déterminé.
Plus de 23.000 étudiants ont opté pour le nouveau système du Bachelor qui devait être généralisé à partir de la prochaine année universitaire. Aujourd’hui, alors que ce système fait l’objet de nombreux questionnements fondamentaux, l’incertitude menace l’avenir de ces étudiants.
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