Société
Gestion des ressources hydriques : un défi face à la sécheresse et le changement climatique
25/12/2023 - 09:37
Mohammed FizaziFace à cette réalité alarmante, le ministre de l'Équipement et de l'Eau, Nizar Baraka, avait annoncé lors d'une intervention devant la chambre des représentants, un vaste plan pour contrer les défis liés à la sécurité hydrique.
Ce grand chantier vise à assurer que le manque d'eau ne devienne pas un obstacle au développement économique et social du Maroc. Il repose sur plusieurs piliers, notamment la fourniture de plus d'un milliard de mètres cubes d'eau dessalée chaque année pour l'eau potable, l'industrie, le tourisme et l'irrigation. La conversion de 500 à 800 millions de mètres cubes d'eau du bassin du Sebou vers les bassins de Bouregreg et de l'Oum Er-Rbia est également prévue comme volume moyen annuel excédentaire. En outre, 70 millions de mètres cubes seront alloués à la préservation de la nappe phréatique de Berrechid et 125 millions pour celle de Saïss.
Le projet inclut la fourniture de 100 millions de mètres cubes d'eaux usées traitées pour l'irrigation des espaces verts, des terrains de sport, l'utilisation industrielle et l'irrigation de certaines cultures agricoles. L'amélioration de l'efficacité des réseaux de distribution d'eau potable dans les zones urbaines est également un objectif majeur, visant à atteindre 80% d'efficacité d'ici 2030.
Selon Baraka, ces initiatives contribueront significativement à l'économie de l'eau agricole et assureront un approvisionnement continu en eau potable, touristique et industrielle pour les grandes villes, tout en réduisant le déficit hydrique dans les secteurs d'irrigation. Des mesures ont été prises pour surmonter la situation de stress hydrique, notamment la signature d'accords concernant les bassins de Moulouya, Oum Er-Rbia, Tensift et la région de Drâa-Tafilalet, totalisant un coût d'environ 2,3 milliards de dirhams.
En parallèle, la réalisation de 129 petits barrages, d'un coût de 4,27 millions de dirhams, ainsi que le soutien à l'approvisionnement en eau potable des zones rurales pour un coût de 4,31 millions de dirhams sont prévus. Ces mesures incluent l'adoption d'un programme d'urgence comprenant l'achat de stations mobiles de dessalement d'eau de mer et de stations de déminéralisation des eaux usées, d'un montant de 600 millions de dirhams, ainsi que l'achat et la location de camions citernes pour un coût de 971 millions de dirhams.
Recommandations du CESE
Dans ce sillage, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait publié, plus tôt cette année, son rapport annuel 2022, dans le quel il a souligné l'urgence de la situation hydrique, notant que le Maroc a dû faire face à une sécheresse d’une intensité sévère durant les dernières décennies. Le potentiel du pays en ressources hydriques renouvelables est évalué officiellement à 22 milliards de m³ par an, soit 606 m³ par habitant, une baisse significative par rapport à 1960. Cette tendance à la baisse est également observée au niveau des ressources hydriques disponibles depuis 1945.
Les ressources en eau de surface au Maroc montrent une tendance à la raréfaction et une répartition spatiale et temporelle hétérogène. Les niveaux des eaux souterraines connaissent un recul inquiétant, allant de 3 à 6,85 m, notamment dans les nappes de Saïss, Zagora, ainsi que celles de Souss, Errachidia, Tadla, Berrechid, El Haouz et Angad. Ce recul est principalement dû à un prélèvement excessif pour l'irrigation et l'approvisionnement en eau potable.
Face à cette réalité, le CESE a proposé des recommandations pour une gestion efficace de la sécheresse, incluant le développement d'un plan national de sécheresse basé sur un système d’alerte précoce et la mise en place d'un mécanisme institutionnel d’arbitrage et de coordination en période de sécheresse. Le CESE suggère également de généraliser l’assurance agricole au profit des petits agriculteurs pour atténuer les effets de la sécheresse.
L'impact du changement climatique est un autre facteur aggravant, avec une baisse notable des chutes de neige, particulièrement dans le Moyen et le Haut Atlas, réduisant les apports d'eau issus de la fonte des neiges. Cette baisse tendancielle de l’enneigement, probablement liée au changement climatique, complique encore la gestion des ressources hydriques.
Des projets ambitieux
Le Maroc, sous la conduite de SM le Roi Mohammed VI, se concentre sur des initiatives et projets ambitieux pour faire face à ces défis. L'utilisation des eaux usées traitées pour l'irrigation des espaces verts en milieu urbain est un exemple concret de ces efforts. La région de Rabat-Salé-Kénitra est pionnière dans cette approche, avec des projets visant à utiliser ces eaux pour l'irrigation non seulement des espaces verts mais aussi des zones agricoles.
A ce propos, le vice-président de la Région Rabat-Salé-Kénitra, Aziz Hilali, avait précédemment déclaré à SNRTnews que Rabat a décidé il y a un an d'irriguer les espaces verts avec des eaux usées traitées, et que Salé, Témara et Kénitra devraient lui emboîter le pas prochainement.
Hilali souligne qu'on ne devrait pas se contenter de traiter les eaux usées apurées pour irriguer les espaces verts, mais aussi les zones agricoles, d'autant plus que l'agriculture consomme environ 85% de la réserve en eau. Pour sa part, le Président de la Région, Rachid El Abdi, a indiqué que la tutelle et le Conseil de la Région travaillent en collaboration dans le cadre des projets liés au traitement de l'eau.
Il convient de noter que le traitement des eaux usées vise à dépolluer l'eau avant sa réutilisation pour l'irrigation des jardins et des champs agricoles ou pour la reconstitution des nappes phréatiques.
Son utilisation peut également répondre aux besoins spécifiques des citoyens, notamment dans leurs logements pour tout ce qui est lié au nettoyage ou encore aux besoins des industriels.
Ce processus contribue de manière significative à la préservation des ressources naturelles en eau, à la réduction de leur rareté et du risque de la sécheresse, ainsi qu'à l'atténuation des pressions sur les eaux souterraines et autres ressources d'eau naturelles.
De plus, grâce à un accord signé le 5 juillet dernier avec l'Office Chérifien des Phosphates (OCP), les villes de Safi et El Jadida recevront respectivement 10 et 30 millions de m³ d'eau dessalée, des volumes destinés à augmenter dans les années futures.
Au début de cette année, le projet de Chefchaouen a franchi une étape importante avec la mise en production progressive de la première tranche, accroissant la capacité de débit d'eau potable d'environ 13.820 m³ par jour à partir du barrage local, et visant à améliorer significativement l'approvisionnement en eau pour la ville et les douars avoisinants.
Quant au projet de Laâyoune, la première livraison d'eau dessalée provenant de la nouvelle station de dessalement a été effectuée l'année dernière.
Cette station, couplée à une batterie de forages côtiers, trois nouveaux réservoirs d'une capacité de stockage de 5.500 m³, des stations de pompage avancées et un système de télégestion, a pour objectif de renforcer de manière significative l'approvisionnement en eau potable pour Laâyoune et les localités environnantes telles qu'El Marsa, Foum El Oued et Tarouma.
Ainsi, la capacité installée actuelle des stations de dessalement atteint 179 millions de m³ par an, renforcée récemment par 110 millions de m³ supplémentaires grâce aux stations de Safi et Jorf Lasfar réalisées par l'OCP. Le Maroc a renforcé sa capacité de dessalement de l'eau de mer avec 12 stations existantes, ayant une capacité globale installée de 179 millions de mètres cubes par an.
De futurs projets de dessalement devraient voir le jour grâce à des partenariats public-privé (PPP), considérés comme un moyen efficace de capitaliser sur l'expertise du secteur privé.
Ressources hydriques de plus en plus rares
Le ministre de l'Équipement et de l'Eau, Nizar Baraka, a déclaré que tous les indicateurs actuels montrent que le Maroc se dirige vers une deuxième année consécutive de sécheresse. Il a évoqué des statistiques et des chiffres alarmants concernant le déficit hydrique du pays.
Lors de la conférence de presse ayant suivi le conseil de gouvernement du jeudi 21 décembre 2023, le Maroc est entré dans une phase critique après cinq années de faibles précipitations. Il a affirmé que les indicateurs enregistrés ces derniers mois indiquent une autre année de sécheresse.
Selon les données présentées, les précipitations au cours des trois derniers mois n'ont pas dépassé 21 mm, soit une baisse de 67% par rapport à l'année précédente.
Un autre indicateur inquiétant mentionné par Baraka est que le Maroc a dépassé la température annuelle moyenne de 1,30 degré, ce qui implique une augmentation de l'évaporation de l'eau dans les barrages.
Au cours des trois derniers mois, seulement 190,5 millions de mètres cubes d'eau ont atteint les barrages, contre 1,5 milliard de mètres cubes l'année précédente, soit une baisse de deux tiers. Cette diminution représente une baisse de 50% sur les cinq dernières années, a confirmé le ministre.
La sécheresse est particulièrement évidente dans certaines régions. Par exemple, la région du Loukos, qui est le plus grand réservoir d'eau au Maroc, reçoit normalement 282 millions de mètres cubes d'eau par an, mais cette année, ses barrages n'ont reçu que 23 millions de mètres cubes.
Dans la région de Moulouya, où les barrages recevaient habituellement 311 millions de mètres cubes par an, seulement 121 millions ont été enregistrés cette année. La région de Sebou, abritant le grand barrage d'Al Wahda, a enregistré 90 millions de mètres cubes, bien en deçà de la moyenne annuelle de 758 millions.
La région du Bouregreg, qui avait une moyenne annuelle de 147 millions de mètres cubes, n'a reçu cette année que 14 millions. La région d'Oum Er-Rbia a reçu 195 millions de mètres cubes au lieu des 694 millions habituels, et le barrage d'Al Massira est dans une situation très difficile.
Pour la région de Tansift, qui avait une moyenne annuelle de 98 millions de mètres cubes, seulement 41 millions ont été enregistrés cette année. La région de Souss-Massaa a reçu 10 millions cette année, contre une moyenne annuelle de 160 millions.
Dans la région de Drâa-Tafilalet, seulement 4 millions de mètres cubes ont été enregistrés cette année, par rapport à une moyenne annuelle de 165 millions. Dans la région de Ziz-Ghris, 21 millions ont été enregistrés cette année (50 millions étant la moyenne annuelle).
Le ministre a décrit la situation comme "très grave" et a exprimé sa surprise face à l'ampleur de la crise. Il a noté que la capacité actuelle des barrages n'est que de 23,5%, contre 31% l'année dernière.
Vers des mesures de régulation
Le ministre a expliqué que les comités régionaux, présidés par les walis et gouverneurs, responsables du suivi quotidien de la situation de l'eau, prendront toutes les mesures possibles pour rationaliser la demande en eau, afin d'utiliser les capacités disponibles pendant la plus longue période possible.
Parmi les mesures mentionnées, le ministre ajoute la réduction du débit de l'eau et sa coupure pendant une certaine période, indiquant que ces mesures seront prises localement en fonction de l'évolution de la situation hydrique de chaque ville ou commune.
Nizar Baraka a confirmé que la sévère sécheresse que le royaume a connue ces dernières années a imposé au Maroc la nécessité d'adapter sa politique de l'eau et de lui donner une nouvelle dynamique, à travers le développement de davantage de projets de dessalement de l'eau de mer et le recours à l'utilisation des énergies renouvelables comme orientation stratégique.
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