Sport
Ghizlane Chebbak, une Lionne inspirante et conquérante
14/07/2022 - 22:00
Nassim El Kerf
Cris de joie, larmes aux yeux et poings serrés vers le ciel. Ghizlane Chebbak jouera la prochaine Coupe du Monde 2023 avec les Lionnes de l’Atlas dont elle est capitaine.
Au moment où l’arbitre du match Maroc-Botswana comptant pour les quarts de finales de la CAN 2022, a sifflé la fin du match avec la victoire de l’équipe nationale, synonyme de qualification au Mondial, les onze joueuses se sont écroulées. Dans un grand moment d’émotion, elles ont été rejointes par les joueuses sur le banc et par le staff de Reynald Pedros pour fêter ce moment historique dans l’histoire du football marocain. Un moment d’extase, pour plusieurs joueuses qui ont cru en leurs rêves, dans des conditions souvent difficiles pour les femmes, dans un contexte d’amateurisme et d’incertitudes.
Au Royaume, le football n’est plus un sport exclusivement masculin, grâce aux efforts fournis par toutes les composantes de ce système, de la Fédération aux parents, en passant par les formateurs. Aujourd’hui, notre équipe nationale féminine fait aussi bien que son homologue masculine avec la qualification au prochain mondial. "Je remercie toutes les filles et le staff, qui ont été des ‘Homme’ aujourd’hui", a déclaré Ghizlane en fin de match, dans l’émotion. Un lapsus des plus révélateurs, dans une société où la femme a toujours lutté pour être égale à l’homme… cette fois-ci, niveau football, elles ont su faire mieux. Car c’est bien une qualification en demi-finale de la CAN, qui a validé le ticket pour le Mondial. Un exploit que nos «hommes» n’ont plus réalisé depuis 2004 et la génération Badou Zaki.
Si on se souvient de l’équipe de 2004 comme celle de Zaki, l’histoire retiendra que cette équipe nationale féminine 2022 est celle de Chebbak Ghizlane, qui préfère qu’on l’appelle par son nom de famille celui qu’elle a hérité de son défunt père, l’un des meilleurs footballeurs de sa génération (années 70).
De père en fille, pour boucler la boucle
Ghizlane Chebbak n’est pas une simple joueuse de football, elle est le symbole de ces femmes qui ont lutté contre vents et marrées pour mériter un tour d’honneur, drapeau à la main. Mercredi 13 juillet, elles ont réalisé leur rêve puisqu’elles se sont offert ce tour d’honneur du Complexe Moulay Abdellah de Rabat, pour fêter leur exploit en compagnie des milliers de supporters venus les soutenir.

Capitaine des Lionnes version Pedros, son sélectionneur disait plus tôt dans la compétition que "Ghizlane apportait sérénité et calme à ses coéquipières, une sorte de coach sur la pelouse qui a toutes les qualités requises pour mener un groupe". Vedette de l’AS FAR, après avoir débuté au plus bas de l’échelle et plus précisément au club d’Ain Sbaa, et au Rachad Bernoussi avant de tenter une expérience en Egypte avec El Maqasa, elle réalisera le rêve de «Ba Larbi», son père qui a cru en elle.
Lors d’une interview avec le site du club militaire, elle évoque un papa qui l’a soutenue lorsque sa mère doutait de l’avenir d’une «footballeuse» au Maroc, et insistait pour que Ghizlane finisse ses études. "Laisse-la faire ce qu’elle a envie de faire, j’ai comme l’impression qu’elle va redorer notre nom de famille dans ce domaine", disait celui qui était à l’époque l’un des piliers de l’équipe nationale entre 1970 et 1980 avant de raccrocher les crampons.
Larbi le malchanceux, blessé avant la Coupe du Monde 1970, ne fera pas de l’aventure. Rebelote à l’approche de la CAN 1976 remportée par les coéquipiers de Faras, une autre blessure éloignera Chebbak de l’équipe nationale. Qui aurait cru que c’est sa fille qui fera mondialement rayonner le nom de Chebbak? Personne, sauf Ghizlane. D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, elle ne cache pas sa fierté d’avoir réalisé cet exploit en la mémoire de son père pour boucler la boucle.
"Capitaine courage"
Passionnée de ce sport, Ghizlane luttera pour arriver à porter le maillot de l’équipe nationale et marquer l’histoire, en étant la capitaine de la première génération mondialiste, du football féminin marocain. Et comme un symbole (encore), c'est elle qui inscrira le premier but des Lionnes dans cette compétition, d'un coup franc direct pour offrir la victoire au Maroc lors du match d'ouverture contre le Burkina Faso le 2 juillet.
Véritable inspiration pour toutes les futures générations de jeunes femmes qui rêvent de devenir star du football malgré des conditions difficiles, et des barrières psychologiques et sociales, Ghizlane a mené d’une main de fer son groupe sur la pelouse, et en dehors. Première à fêter les exploits avec ses coéquipières dans les vestiaires, et en tête de file des célébrations en zone mixtes elle n’hésitait pas à taper des poings sur la table (le gazon pour ce coup), lorsque ça n’allait pas sur la pelouse.
Constante depuis le début de la Coupe d’Afrique des Nations 2022 disputée au Royaume, elle tire ses coéquipières vers le haut par son calme, sa sérénité mais surtout sa technique et sa rage de vaincre. Ghizlane n’est pas une cheffe, mais un leader. Toujours à l’écoute, mais souvent dans le conseil, en bonne capitaine elle échange avec ses «lieutenants» de chaque ligne. Sa capacité à garder le ballon dans les moments difficiles, son engagement dans les duels, et sa lecture du jeu font sa force et ses coéquipières le savent. Avec Fatima Tagnaout, Salma Amani et Rosella Ayane et Sanaa Mssoudy, Ghizlane et les siennes font trembler toutes les défenses de cette CAN, et se montrent à la hauteur des attentes du public marocain.
Autre point fort du profil de Ghizlane qui fête cette année ses 31 ans, c’est sa capacité à léguer la responsabilité des coups de pied arrêtés à ses coéquipières lorsque son pied est «moins chaud». Fatima Tagnaout s’en occupe, Salma Amani aussi. Mais toujours est-il que l’apport de Chebbak à ce niveau, et sa frappe de balle font d’elle une joueuse d’exception. D’ailleurs, la CAF n'a pas manqué de la nominer dans la liste finale pour le titre de joueuse africaine de l’année (CAF Awards), et pour le titre de joueuse de l’année interclubs africains. Un accomplissement qui passera obligatoirement par ses prochaines prestations avec les Lionnes de l’Atlas. Pourvu qu'elles gardent le même état d'esprit, peu importe le résultat maintenant que l'essentiel est fait, pour qu'elles puissent progresser et surtout inspirer les jeunes marocaines qui rêvent en grand.


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