Société
La loi protège-t-elle suffisamment les données personnelles des Marocains?
24/05/2022 - 12:00
Mohammed FizaziLe Maroc possède en effet un cadre légal protégeant les données personnelles. Promulguée par le dahir n° 1-09-15, le 18 février 2009, la Loi 09-08 est entrée en vigueur au Maroc le 15 novembre 2012. Cet instrument juridique a pour principale finalité d’assurer la protection des données personnelles des citoyens en vue de protéger leur vie privée.
Le chapitre 7 de la Loi 09-08 prévoit plusieurs sanctions en cas de non-respect de ladite loi. En cas d’infraction, les personnes concernées sont passibles d’une amende comprise entre 10.000 et 300.000 dirhams, selon la situation. Les personnes non conformes à la loi 09-08 peuvent également être condamnées à l’emprisonnement pour une durée comprise entre 3 mois et un an.
Toutefois, les citoyens ne semblent toujours pas saisir l’importance de la protection des données personnelles. Manque de sensibilisation ou de conscience, ou de clarté sur les différentes clauses du cadre légal, les cas de "profanation" des données personnelles sont légion, et les victimes se retrouvent souvent sans protection.
À la lumière de cela, une question se pose : est-ce que les données personnelles des Marocains sont suffisamment protégées par la Loi?
À ce propos, Me Rabia Elaoual El Koutri, avocat à Marrakech, estime que le législateur marocain est à la traîne en ce qui concerne l'opérationnalisation des exigences légales concernant la protection des données personnelles. "Le problème ici est l'absence d'un arsenal pratique pour l'opérationnalisation de la Loi 09-08, c'est-à-dire l'absence d'outils pour contrôler de tels crimes. Prouver de tels crimes est ainsi quasi-impossible sauf dans de rares cas, par exemple l’affaire Dounia Batma. Quant aux citoyens ordinaires, ils ne peuvent pas prouver de tels crimes, malgré le fait qu'ils en soient victimes. Nous revenons ici à l'absence de moyens et d'outils de traçage ce qui nous renvoie à l'absence de formations dans ce domaine", a-t-il déclaré à SNRTnews.
Même son de cloche chez Me Soulimane Thaili, avocat au barreau de Casablanca. Le juriste évoque l'article 24 de la Constitution de 2011 qui stipule que "toute personne a droit à la protection de sa vie privée… Les communications privées, sous quelque forme que ce soit, sont secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les conditions et selon les formes prévues par la loi, l'accès à leur contenu, leur divulgation totale ou partielle ou leur invocation à la charge de quiconque...".
Toutefois, selon Me Thaili, des questions se posent: "Est-ce que le droit édicté par la Constitution est totalement garanti par les dispositions de la loi 09.08 ? Est ce que la personne physique est totalement à l'abri de toute violation de sa vie privée notamment sur son espace numérique? La réponse positive est loin d'être catégorique : plusieurs volets de la vie privée restent insuffisamment protégés sans pour autant que des atteintes soient réprimées", a-t-il déclaré à SNRTnews.
Et d’ajouter: "certes, le législateur marocain a adopté la Loi 09-08 relative à la Protection des données des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, mais la protection exhaustive se trouve aussi dans d'autres dispositions légales en matières des droits civil et pénal qui nécessitent une nouvelle approche pour plus d'effectivité législative".
Le principal problème se pose donc au niveau de l’application de la loi. Les citoyens ne pourront voir leurs données personnelles protégées que si on veille à obtenir plus d’effectivité dans l’application du texte législatif. D’autant plus que cette notion reste relativement nouvelle dans la culture marocaine, et que les citoyens ne sont pas assez sensibilisés quant à l’importance de ce sujet. Un grand effort devra donc être mené dans ce sens. Affaire à suivre…
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