Economie
Le Maroc: un acteur important pour la sécurité alimentaire en Afrique
16/06/2022 - 12:00
Mohammed FizaziLa présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a accusé Moscou de "militariser" la famine et de l'utiliser contre l'Afrique. La sécurité alimentaire de cette dernière était déjà en péril bien avant la guerre en Ukraine : de toutes les régions du monde, c’est le continent qui compte le plus haut taux de famine (21%). Un rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture datant de 2021, portant sur l'état de la sécurité alimentaire dans le monde indique qu'il y aurait 282 millions de personnes sous-alimentées en Afrique, soit 85 % de la population totale des États-Unis. L’offensive russe sur l’Ukraine rend la situation d’autant plus préoccupante, surtout que la majorité des pays africains importent leurs céréales principalement des deux pays en guerre.
Sécurité alimentaire en Afrique : une situation préoccupante malgré les promesses
Le président sénégalais Macky Sall s’est dit toutefois rassuré après sa rencontre avec Vladimir Poutine, le 3 juin dernier, où le président russe a évoqué "plusieurs moyens de faciliter l'exportation, soit par le port d'Odessa", qui doit toutefois être déminé, soit "par le port de Marioupol", qui a récemment repris du service avec la conquête de la ville par Moscou, ou encore "par le Danube" ou "la Biélorussie".
Le président sénégalais, également président en exercice de l’Union africaine (UA), s’est ensuite tourné vers l’occident, appelant à ce que le secteur alimentaire soit "hors des sanctions" imposées par les Occidentaux contre Moscou. En raison de ces mesures punitives, "nous n'avons plus accès aux céréales venant de Russie, mais surtout aux engrais", avait affirmé Macky Sall, jugeant que cela créait "de sérieuses menaces sur la sécurité alimentaire du continent". D’autre part, la Turquie et la Russie étaient parvenues à un préaccord pour débloquer l’exportation des céréales ukrainiennes via un corridor maritime en mer noire depuis le port d’Odessa.
En attendant que cela entre en application, la position avantageuse de la Russie vis-à-vis de l'Occident est amplifiée par son statut de deuxième producteur mondial de gaz naturel, le gaz étant un composant principal des engrais à base d'azote. L'azote, un macronutriment nécessaire à la croissance des plantes, est fourni par les engrais sous forme de composés azote-hydrogène, l'ammoniac et l'urée. L'hydrogène provient du gaz naturel, dont le prix représente 80 % du coût variable des engrais.
Avant même la guerre en Ukraine, les prix du gaz naturel étaient en forte hausse. En octobre 2021, les prix du gaz naturel en Europe avaient augmenté de 400 % depuis janvier de cette année-là. Cette flambée des prix a vu le coût de l'ammoniac passer à 1.000 dollars la tonne en novembre 2021, contre 110 dollars plus tôt dans l'année. En conséquence, le prix des engrais a atteint son niveau le plus élevé depuis 10 ans, indique l’auteur de l’étude.
Le Maroc : acteur stratégique pour la sécurité alimentaire du continent
Dans ce contexte, le Middle East Institute estime que le rôle du Maroc dans la lutte contre la militarisation de la crise alimentaire est stratégique pour la sécurité alimentaire de l'Afrique subsaharienne. "Comme le note une étude de l'IEDM (Institut européen de Diététique et de Micronutrition, NDLR.) sur le rayonnement agricole du Maroc en Afrique, l'OCP a ouvert des filiales dans 12 pays africains depuis 2016, en construisant des installations de mélange locales pour adapter les engrais spécifiquement au sol de chaque pays africain et en donnant aux petits exploitants agricoles les moyens de mieux participe et de manière plus rentable aux chaînes de valeur agricoles", note l’étude. Et d’ajouter qu’en conséquence, le rendement du millet au Sénégal a bondi de 63 % et celui du maïs au Nigeria de 48 %, avec des résultats similaires au Ghana et ailleurs. L'engagement de l'OCP en Éthiopie a permis d'augmenter le rendement du blé, du maïs jusqu'à 37 %.
L’OCP construit des usines d'engrais en Afrique subsaharienne dans le cadre de coentreprises avec des acteurs locaux. Au Nigeria, où se trouvent les plus grandes réserves de gaz naturel du continent, OCP et ses partenaires nigérians construisent une usine d'ammoniac et d'engrais d'une valeur de 1,4 milliard de dollars, dans le but de tripler la quantité d'engrais utilisée par les agriculteurs nigérians en cinq ans.
L’Office investit, par ailleurs, 1,3 milliard de dollars dans la construction d'un complexe industriel d'engrais au Ghana, qui utilisera le gaz naturel ghanéen et desservira les marchés d'Afrique occidentale. Pour les marchés d'Afrique de l'Est, OCP construit le deuxième plus grand complexe de production d'engrais d'Afrique en Éthiopie, sous forme de coentreprise et en utilisant les ressources gazières locales. OCP prévoit que la première phase de développement, d'un coût de 2,4 milliards de dollars, approvisionnera le marché éthiopien des engrais en 2023.
L’étude conclut qu’”en investissant un total de 6,3 milliards de dollars pour construire des usines d'engrais en Afrique subsaharienne, le Maroc a fait preuve d'une remarquable clairvoyance stratégique”. La stratégie du Maroc contribue, selon l’Institut, à contrer "la menace russe de militarisation du lien entre alimentation et énergie".
Le Royaume démontre ainsi son importance croissante pour l'Europe et les États-Unis en tant que partenaire géopolitique en Afrique subsaharienne. "Avec la géoéconomie de la connectivité et du near-shoring qui met l'accent sur l'importance géopolitique de l'Afrique, l'engagement stratégique de l'Europe et des États-Unis avec le Maroc va probablement se renforcer", conclut l’auteur de l’étude.
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