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Les Lions de l'Atlas: au cœur de l'épopée du stade Al Thumama
29/11/2022 - 21:45
Amine Oubaha
Le thermostat affiche une température de 32°C en ce dimanche 27 novembre 2022 matin. Une chaleur rude et qui peut se révéler insupportable pour les supporters étrangers, venus à Doha pour soutenir les sélections de leurs pays. Cette Coupe du monde, si particulière et qui se joue pour la première fois dans l’histoire dans un pays arabe, est arrivée à son 7e jour.
A l’affiche de cette journée ensoleillée et estivale, trois matchs, le Japon face au Costa-Rica, le Maroc contre la Belgique et le choc Allemagne-Espagne. Des affiches attrayantes pour tous les férus du ballon rond. Mais ce jour-là, ce rendez-vous footballistique prend des allures d’un "Aid" pour tous les Marocains. Car, les Lions de l’Atlas jouent leur deuxième match en Coupe du monde face à la Belgique et ils doivent impérativement gagner, pour optimiser leurs chances de se qualifier au deuxième tour, pour la deuxième fois, après avoir atteint ce niveau de la compétition en 1986.
Doha revêt les couleurs rouge et vert
A 11h00, presque toutes les stations du métro, moyen de transport le plus utilisé par les supporters, sont déjà, envahies par les fans marocains. Le rouge et le vert sont partout. Deux couleurs omniprésentes, que ce soit dans les grands centres commerciaux, les lieux publics comme les cafés ou restaurants. A 3h du coup d’envoi du match, les fans marocains se montrent mobilisés comme des guerriers et prêts à donner le ton dans le stade Al Thumama. Venus de la Belgique, du Canada, de la France, de l’Angleterre, mais aussi du Maroc, les fidèles des Lions de l’Atlas, emplis par une énergie positive, optimistes et confiants, ont répondu largement présents.

La ferveur des fans, de toutes tranches d'âge, jeune filles, femmes, hommes ou même des enfants, se fait ressentir et l’ambiance commence à prendre forme au sein du métro, avec des "olé olé olé, viva Maroc", ou avec des chants du Wydad ou du Raja. Les battements du tambour, la trompette qui retentit dans les couloirs de la station, drapeaux rouges et verts visibles dans tous les coins, la fête est déjà à l’heure. L’ambiance ne présage que du bon et fait souffler un vent d’espoir chez tous ces spectateurs.
A midi, des dizaines de fans ont pris le métro menant à la station "Free zone", située à 20 kilomètres du stade Al Thumama. Des bus ont été mis à leur disposition, comme d’habitude, gratuitement à leur arrivée à la station "Oqba Ibn Nafie", pour les transporter directement au stade.
"Il faut être logique. La Belgique est une équipe difficile à battre"
Pendant ce petit déplacement, dans un bus de presque 20 places, des supporters marocains, dont la plupart font partie de la "diaspora marocaine", discutent des choix tactiques de Hoalid Regragui, du résultat du premier match face à la Croatie (0-0) de l’adversaire du jour, la Belgique, et livrent aussi leurs pronostics. Ils ont presque unanimement donné le Maroc... vainqueur.
Sauf Maria (28 ans). Portant le tarbouch marocain, lunettes de soleil, cette jeune fille marocaine a préféré se montrer "logique" au lieu d’afficher un excès d’optimisme, comme la plupart des supporters. "Il vaut mieux ne pas vous dire mon pronostic du match. Moi je suis là pour supporter l’équipe nationale, mais franchement je dirais que le Maroc fera un nul (1-1), il faut être logique. La Belgique est une équipe difficile à battre. Elle a des joueurs de renommée mondiale", s’exprime-t-elle à SNRTnews sur un ton ironique.

Certains sont confiants, enthousiastes, d’autres ont la même foi, mais regrettent (selon eux) une ambiance "moins intense du public". Karim, 25 ans, jeune marocain résidant à Marseille est venu à peine un jour, avant le deuxième match du Maroc. Il dit ne pas avoir senti la "vraie ambiance" de la Coupe du monde. "Jusqu’à présent, je n’ai pas beaucoup aimé l’ambiance de nos supporters surtout dans le métro, mais on va voir si ça serait le cas au stade", s’exprime-t-il avec des traits de regret.
Un stade Al Thumama aux allures de "Donor"
Il est 13h00, le bus débarque à Al Thumama. La chaleur augmente. Dès l’arrivée, le stress, l’excitation de tous les fans montent. Pour dégager cette pression, ils lancent encore une fois des chants, vibrent au rythme du tambour et prennent la dernière ligne droite vers le stade. Il faut parcourir une distance d’un kilomètre pour arriver au terrain, en serpentant une trajectoire tracée, par des barrières mises en place par les organisateurs, histoire d’orienter les fans et les conduire vers l’enceinte Al Thumama.
A force de s’approcher, le bruit des supporters commence à s’amplifier. Des foules de supporters s’organisent petit-à petit pour gagner les tribunes du stade Al Thumama, dont la conception réalisée sous une forme circulaire et inspirée de la "gahfiya", le bonnet tissé traditionnel, porté par les hommes du monde arabe.
Il est 14h00, les tribunes du stade sont encore à moitié vides, mais au fil du temps, les sièges du virage sud se remplissent de plus en plus. Des supporters montent le ton, avec le slogan "Jibouha ya Loulad" font vibrer les gradins, alors que d’autres trépignent d’impatience et attendent le coup d’envoi.

En face, le public belge a répondu aussi présent… mais timidement. La puissance vocale du public marocain a régné haut la main. A deux heures du coup d’envoi, l’ambiance avant match a continué d’impressionner, donnant ainsi un beau spectacle dans les gradins.
L’heure de vérité approche. A 45 minutes du démarrage de cette rencontre tant attendue, les joueurs de l’équipe nationale foulent la pelouse pour faire les derniers échauffements. A leur entrée, des cris explosifs ont retenti. Tous les Marocains présents au stade scandent le nom de chaque joueur, leur demandant de triompher et honorer les couleurs nationales. Pendant une heure, les tribunes du virage sud ont presque atteint leur comble. Tous les ingrédients d’un exploit historique sont réunis, pour les joueurs de Hoalid Regragui.
L’hymne… moment spirituel de tous les Marocains
A 15h50, le moment très attendu est arrivé. Les milliers de fans marocains ont chanté en chœur l’hymne nationale. Une scène qui donne des frissons. C’est un moment spirituel où les âmes marocaines ont fusionné. Un moment d’extase qui a camouflé la scène captée par (notre photographe, Abdelmjid Rizkou) de Yassine Bounou où il a senti un malaise. Mauvaise nouvelle, le portier du FC Séville ne jouera pas. Il est remplacé par Munir Mohamedi.

En zone presse, les journalistes marocains sont en quête de l’information exacte. Pour quelles raisons, Yassine Bounou a été remplacé à la toute dernière minute? Ils cherchent des sources officielles pour avoir l’information, en vain.
Dominés, dominants… Vainqueurs
Il est 16h00, l’arbitre mexicain Cesar Arturo Ramos Palazuelos lance le duel. Le début de la rencontre s’est annoncé compliqué pour le Maroc. Les Belges haussent le rythme dès les 15 premières minutes, montent leur blocs et ne lâchent rien. Les Lions de l’Atlas eux, restent intraitables au niveau de la défense et jouent sur les contre-attaques. De Bruyne et Eden Hazard conservent beaucoup la balle, tentent de pénétrer à travers les couloirs, mais ne trouvent aucune issue. Eveillés, Romain Saiss et Nayef Aguerd et même Achraf Hakimi ont sorti le grand jeu. En gros, les Diables rouges ont dominé le jeu lors de ce premier acte et les chiffres le démontrent: possession du ballon de 66% pour la Belqique contre 34% pour les Lions de l’Atlas, et 7 corners des Belges contre 0 pour le Maroc.

A la toute dernière minute, l’équipe nationale obtient un coup franc dans le couloir gauche de la sélection belge à quelques centimètres de la surface de réparation et c’est Hakim Ziyech qui s’en charge. Avec un tir-centre, le médian de Chelsea met le ballon dans les filets de Thibaut Courtois et fait exploser la joie des supporters dans les tribunes. Dans la foulée, interpelé par les arbitres de la VAR, le Mexicain a annulé le but, faisant ainsi descendre tous les Marocains sur terre. Un ascenseur émotionnel pour tout le monde. Entre les mi-temps, la déception était visible sur le visage des journalistes marocains. Oui, le but du Maroc était hors-jeu après l’implication de Roumain Saiss dans l'action.

Les choses ont complétement changé en deuxième mi-temps. On ressent que les joueurs abordent ce deuxième acte avec un nouvel état d’esprit. La métamorphose totale! A la 56e minute, Soufian Boufal tente de dribbler Thomas Meunier, lui fait une feinte, s’ouvre un angle et lance un brossage qui passe juste à côté du deuxième poteau. Les Belges répliquent deux fois, mais trouvent un Munir Mohamedi décisif.

On arrive à la 72e minute, Abdelhamid Sabiri qui vient à peine de fouler la pelouse, offre au Maroc son premier but sur coup franc et montre la voie de la victoire à ses coéquipiers. La joie hystérique des supporters a enflammé le match. Menés au score, les Diables rouges ont pressé fort sans pouvoir revenir au score. Hoalid Regragui a utilisé son joker, en faisant entrer Zakaria Aboukhlal qui a tué les ambitions des Belges avec un but, dont l’auteur principal n’était autre que Hakim Ziyech, un des grands artisans de cette victoire historique. Résultat final: 2-0 pour le Maroc, les Lions de l’Atlas ont écrit l’histoire au stade Al Thumama.
Le beau geste de Hakimi et Sabiri
Après le coup de sifflet finale, dans un geste plein d’émotions, Achraf Hakimi et Abdelhamid Sabiri ont monté dans les tribunes pour rencontrer leurs familles, et leur dédier cette consécration qui restera dans les annales du football marocain.

Les Marocains en liesse à Souq Waqif
La fin du match était spectaculaire. Un match qui a laissé des joueurs et des journalistes en larmes de joie et des fans au septième ciel. "Loulad" étaient en rendez-vous et ont réussi d’honorer tout un peuple! Les Marocains ont fêté ce triomphe comme il le faut. La fête s’est prolongée tard dans la nuit à Souq Waqef et dans toutes les artères de la capitale Doha. La confiance des supporters a augmenté, au point que certains prédisent que la sélection marocaine peut même atteindre la demi-finale de la Coupe du monde!
D’autres disent que rien n’est encore assuré, malgré la grande prestation face aux Belges: "Les joueurs étaient des hommes. Ils ont mouillé le maillot et se sont battus jusqu’à la dernière minute. Mais nous ne sommes pas encore qualifiés, ils doivent garder leur pieds sur terre. On doit d'abord penser au prochain match car le Canada est une équipe à ne pas sous-estimer", dit Rachid, 36 ans, tout sourire.

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