Société
Marché de travail : la probabilité d’inactivité des femmes atteint les 73%!
25/03/2024 - 14:53
Khaoula BenhaddouDiplôme, âge, statut familial, contexte géographique, regard de la société… des indices qui régissent, selon l'étude du HCP, la situation de la femme dans le marché du travail…
Cette étude réalisée dans un contexte marqué par une tendance baissière du taux d’activité au Maroc rappelle que les femmes souvent les plus lésées. En 2023, l’écart entre l’homme et la femme atteignait presque 50 points de pourcentage, avec un taux d'activité des hommes de 69% contre seulement 19% pour les femmes, plaçant le Maroc parmi les pays ayant les taux d’activité féminin les plus faibles au monde.
Selon l’étude du HCP, ces inégalités, combinées à un taux de chômage plus élevé chez les femmes (18,3% pour les femmes contre 11,5 %pour les hommes), une concentration de 41,5% des femmes employées dans le secteur agricole, ainsi qu’une situation vulnérable dans l’emploi – 57% d'entre elles sont des aides familiales, non rémunérées et dépourvues de protection sociale – accentuent leur prédisposition à l'inactivité.
Le taux d'activité féminine dans l'Oriental est parmi les plus bas du pays
Réalisée sur un échantillon de femmes de milieux urbains et ruraux des régions de l’Oriental et de Casablanca-Settat, (des témoignages recueillis dans le cadre de 22 focus groupes, impliquant au total 274 femmes de milieux urbains et ruraux des régions de l'Oriental et de Casablanca-Settat) cette étude fait recours à des méthodes quantitatives et qualitatives pour identifier les obstacles à la participation des femmes au marché du travail.
Ainsi, le taux d'activité féminine dans l'Oriental est parmi les plus bas du pays, ne dépassant pas 15,6%, alors qu'à Casablanca-Settat, il atteint 28%, figurant parmi les plus élevés.
De même, Casablanca-Settat se distingue comme un centre économique majeur avec une population de 6,8 millions de personnes, contribuant à hauteur de 32% au PIB national. Cette région se caractérise également par une densité de population très élevée (353 hab/km²) et un taux d'urbanisation de 73,6%.
À l'opposé, l'Oriental, peuplée de près de 2,4 millions d'habitants, contribue à hauteur de 5% au PIB national et présente une densité et un taux d'urbanisation considérablement plus faibles de 25,7 hab/km² et 65,4% respectivement.
Comment expliquer l’inactivité des femmes au Maroc?
Les données du HCP viennent pour confirmer les idées véhiculées par la société. Ainsi, les résultats montrent que, globalement, les femmes ont une probabilité d'inactivité de 73%, bien plus élevée que celle des hommes, estimée à 7,5%. Cette disparité est d'autant plus marquée chez les femmes mariées, dont la probabilité d’être inactive atteint 81,9% (comparativement à 3,1% chez les hommes mariés), que chez les jeunes femmes âgées de 25 à 34 ans, avec une probabilité de 79,4% (contre 3,3% pour les jeunes hommes).
Cette absence du marché du travail dépend, selon le HCP, du cycle de vie de la femme où les probabilités d’inactivité tendent à baisser en passant d’une probabilité de 83% pour les plus jeunes (25-26 ans) pour atteindre une probabilité de 72% à l’âge de 43-44 ans, pour ensuite augmenter à 77,6%. Alors que pour les hommes, la probabilité d'inactivité augmente avec l'âge, passant de 5% pour les plus jeunes (25-26 ans) à 24% pour ceux âgés de 57 à 59 ans.
L'inactivité de la femme dépend également du contexte géographique puisque, selon l'étude du HCP, les femmes de la région de Laâyoune-Sakia El Hamra sont les plus exposées à l’inactivité avec une probabilité de 87% alors que les régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra présentent les probabilités les plus faibles parmi les régions, bien que toujours élevées, atteignant 68%, 70,8% et 74,9%, respectivement.
A part le contexte géographique, le statut de la femme impacte également sur sa carrière. Ainsi, les profils ayant les probabilités d'inactivité les plus élevées concernent principalement celles qui sont mariées, âgées de 25 à 34 ans, et qui ont un diplôme moyen ou aucun diplôme.
La probabilité d'inactivité pour ces femmes varie de 87,7% à 90,9%. La présence d'enfants dans le ménage ne semble pas influencer de manière significative les décisions de participation pour ces profils en particulier. En effet, l’effet cumulatif du mariage, de l'âge et du diplôme détermine en grande partie le degré restreint d’accessibilité de ces femmes au marché du travail.
Les résultats révèlent que, en contraste avec les femmes dont l’éducation demeure un déterminant important de leur inactivité, être marié et avoir des enfants au sein du ménage sont les principaux facteurs qui réduisent la probabilité d’inactivité chez l’homme.
Refus familial/situation financière
A part le niveau d’études et le statut familial, l’étude du HCP souligne que l’une des perceptions dominantes qui ressort des focus groupes est le «refus familial», perçu par une part considérable des participantes comme un frein majeur à leur participation au marché du travail. Cette barrière, souvent exprimée par le conjoint, subsiste dans les deux régions (Casablanca-Settat/ l'Oriental) même en présence d'un besoin financier explicite, mais elle est particulièrement accentuée dans la région de l'Oriental que dans Casablanca-Settat, soulignant ainsi la variabilité régionale des attitudes à l'égard de l'emploi féminin.
Ce refus familial peut disparaitre momentanément, comme le souligne le HCP que, spécifiquement dans la région de Casablanca-Settat, les participantes aux focus groupes ont souligné qu’une difficulté financière du foyer peut amener à une réévaluation des attitudes vis-à-vis de leur travail. Dans de telles circonstances, une plus grande acceptation de l'engagement des femmes dans la vie active est davantage acceptée et le travail des femmes est souvent plus accepté car il devient un recours à une situation particulière.
Charge mentale ménagère et conciliation travail-famille
Concilier la vie professionnelle et personnelle est un secret de polichinelle! Les femmes participant aux focus groupes ont souligné que la gestion inégale des responsabilités domestiques ajoute une couche supplémentaire de difficultés, engendrant une charge mentale conséquente. Ce poids supplémentaire s'avère particulièrement pesant dans le contexte de leur quête d'autonomie professionnelle. Le défi de concilier les exigences du travail professionnel avec celles du foyer est fréquemment mis en avant, notamment par les participantes de Casablanca-Settat. Par contraste, dans l'Oriental, certaines femmes bénéficient d'un soutien familial plus substantiel, en raison notamment de la taille plus importante du ménage, leur permettant ainsi de déléguer ou partager une partie des tâches ménagères et de réduire leur charge mentale.
Que faire?
Bien que le Maroc ait réalisé des avancées significatives dans sa marche vers l’égalité des genres, l'étude du HCP souligne qu'il y a encore du chemin à faire. Pour cela, il est nécéssaire, selon l'étude, de s’attaquer aux causes profondes, socio-culturelles, de la disparité sur le marché du travail entre les hommes et les femmes et entre les régions, visant à promouvoir une culture de l'égalité, notamment en termes d’accès à l’éducation pour les filles et d’encouragement à la scolarisation et à la formation continue des femmes.
L'étude appelle également à adopter des approches transformatrices en matière d’inclusion de genre dans les politiques publiques, notamment celles liées à l’amélioration de l’accès à l’emploi, mais aussi celles touchant aux champs de la famille, de l’éducation et de l’égalité de manière plus globale.
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