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Qui craint les influenceurs?
17/04/2022 - 17:00
Jamal El KhanoussiLa ministre du Tourisme, de l’artisanat, et de l’économie sociale et solidaire, a été sévèrement et largement critiquée, après qu’elle ait fait appel à des influenceurs pour participer au lancement du programme Forsa. Une invitation qui a suscité la colère de certains journalistes.
Ce n’est pas la première fois qu’un responsable fasse appel à des influenceurs dans le cadre d’actions de communication. Cela s’est tellement reproduit dans plusieurs occasions avec différents responsables. A tel point que la mobilisation des influenceurs est devenue gênante pour certains, les poussant à considérer que les influenceurs et les influenceuses pourraient mettre fin au métier du journalisme. Certains sont même allés à dire que les influenceurs et les influenceuses nous chasseront, jusqu’à ce qu’ils nous éliminent, nous journalistes.
Cette polémique incite à la réflexion et nous pousse à poser plusieurs questions: pourquoi certains journalistes craignent-ils les influenceurs? Qu’est ce qui fait que les chevaliers de la plume se sentent menacés par ces gens dont la signature est : "Coucou les amis" ?
La réponse est plus simple qu'on le croirait. La réalité est que nous, journalistes, nous ne confrontons pas bravement nos problèmes. Par conséquent, nous avons créé un ennemi fictif. Mais soyons honnêtes ! L’unique réel ennemi des journalistes c’est eux-même. Nous, journalistes, nous portons dans notre ADN tous ce qui pourrait causer notre disparition et éclatement.
Qui offense des journalistes si ce ne sont d’autres journalistes? Qui a traîné le métier de journaliste dans la boue, si ce ne sont des journalistes? Qui jette des miettes aux journalistes à la fin de chaque mois? Qui a ouvert les portes du journalisme à tout le monde et à n’importe qui? Qui distribue les cartes professionnelles et détermine les affiliés à cette profession?
Maintenant, regardons l’autre rive. Les journalistes de Le Monde, Libération et Le Figaro se sentent-ils menacés par Nabila Benattia ou par Squeezie? Pas du tout ! Même au moment où un grand débat s’est déclenché en France, après que le Président Emmanuel Macro a reçu Carlito et McFly, ce débat s’est focalisé sur la primauté de la mission de Président. Les journalistes n’ont pas parlé alors du fait qu’ils sont marginalisés ou que Carlito et son ami tueront le métier de journaliste.
Tout de même, recourir à ce choix trop souvent peut avoir l’effet inverse, suscitant de nombreuses critiques à celui ou celle qui en est responsable. Ce fut d’ailleurs le cas de Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur de France, chargée de la Citoyenneté, quand elle a reçu un groupe d’influenceuses ayant gagné leur célébrité de certains des pires émissions de télé-réalité. Les réactions furent alors fortes et tourbillonnantes.
Oui ! Ammor a eu tort lorsqu’elle n’a pas respecté le droit des citoyens à l’information, lorsqu’elle n’a pas priorisé l’information à travers les différents médias, lorsqu’elle n’a pas facilité la mission des journalistes et lorsqu’elle a choisi de communiquer à travers des influenceurs et des créateurs de contenu sérieux, suivis quotidiennement par des millions de jeunes sur Facebook, Instagram et autres plateformes de réseautage social.
Nous dirions, de toute bonne foi, que l’erreur de la ministre est simplement due à une mauvaise appréciation des priorités. Nonobstant, nous avertirions aussi que cela ne devrait pas devenir une alternative facile et une commodité de communicationnelle, car cela diluera certainement la relation des citoyens avec les responsables, car nulle démocratie ne peut exister en l’absence d’un véritable et fort quatrième pouvoir. Nulle démocratie ne peut exister sans des journalistes créant un équilibre en exerçant pleinement leur rôle.
Une leçon est également à tirer de cette grande illusion promue précédemment par plusieurs et qui est celle du "journaliste citoyen". Un cauchemar qui a fait de tout un chacun un journaliste. Ainsi, toute personne ayant un blog ou une page Facebook se proclame journaliste enraciné dans son téléphone et Youtube.
Il ne faut pas, à cet égard, oublier non plus que nous avons déjà témoigné à des incidents où ces soit disant "journalistes citoyens" se sont permis de raconter ce qui leur plaît, de faire des allégations, de diffuser de fausses et trompeuses informations après leur célèbre devise: "Khouti lmgharba" (Mes frères les Marocains)
Cela devrait dont nous pousser à protéger d’abord notre métier de nous-même, nous journalistes, de nos dépassements et de nos propres graves erreurs, sans nous perdre dans des batailles marginales et dérisoires que ce soit avec les bloggeurs, les influenceurs ou autre, car notre métier est plus grand que tout cela.
La ministre s’est retrouvée au milieu d’une grande tempête et au centre de grands débats dans différents journaux, sites web et réseaux sociaux … quelqu’un oserait-il donc à dire que les journalistes n’ont pas d’influence?
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