Société
Zaynab Nefzaouia, la femme qui a conçu la ville de Marrakech
10/04/2022 - 21:30
Aïcha Debouza
L’héroïne de cet épisode de notre série sur les femmes ayant marqué l’histoire du Maroc a été une importante figure de la dynastie des Almoravides. Belle, forte de caractère et surtout intelligente, Zaynab Nefzaouia se verra attribuer le titre de reine alors que la tradition du pays l’interdisait. Qui est donc cette femme qui a conçu les plans de la future ville de Marrakech ?
Belle, intelligente et passionnée de politique, Zaynab Nefzaouia (زينب النفزاوية) est originaire de la tribu amazigh de Nafza de l’Est d’Ifriquia, qui est l’actuelle Tunisie. Pour fuir les guerres tribales, son père a choisi de s’exiler à Aghmat dans l’Atlas marocain. C’est là qu’elle nait en 1039 et qu’elle grandit. Avec le temps, la protagoniste de notre histoire se distinguera par son esprit d’analyse ainsi que son intelligence.
D’ailleurs, Zaynab se marie très jeune en premières noces à Youssef Ibn Ali, un chef de tribu amazighe. Mais le fort caractère de la jeune femme fait que l’union ne perdure pas. Zaynab épouse ensuite l’émir Luqut Al Maghrawi, qui meurt au combat contre les Almoravides et dont elle hérite la fortune. Suite à la guerre vers 1068, Zaynab Nefzaouia épouse Abu Bakr Ibn Omar, roi et fondateur du mouvement almoravide. Tout comme les anciennes unions, celle-ci de dure pas. Abu Bakr est appelé pour maîtriser une révolte au sein du désert du Sahara. Considérant que son épouse ne peut pas le suivre, il la quitte et lui conseille d’épouser son cousin Youssef ben Tachfine as-Sanhaji, à qui il laisse le commandement en son absence.
En 1071, l’héroïne de notre histoire suit le conseil de son ex-mari. Elle et son nouvel époux de 27 ans, semblent être heureux. Ils auront deux enfants : Ali Ben Youssef et Tamima Ben Youssef ibn Tachfine. En 1072, Abu Bakr annonce son intention de rentrer du Sahara et de reprendre sa position, mais Youssef n’est plus décidé à la lui rendre. Il ne sait pas comment s’y opposer sans déclarer une guerre intestine à son cousin et c’est Zaynab qui le conseille. Et la stratégie de Nefzaouia semble bien fonctionner. La rencontre entre les deux hommes se déroule parfaitement et Abu Bakr repart dans le Sahara.
Au total, Zaynab Nefzaouia épousera quatre sultans. Elle se voit donc attribuer le titre de malika (reine), qui n’est pas automatiquement donné aux épouses des rois. Quand Youssef rêve d’étendre les frontières de son empire, Zaynab le conseille et l’assiste dans ses conquêtes comme dans la création de la dynastie Almoravide. Youssef conquiert notamment des terres au Maroc, en Algérie, en Espagne ; il s’empare de Grenade, de Séville et de Valence. Les historiens s'accordent pour dire qu'elle partage le pouvoir de son époux. Elle s’occupait souvent des négociations diplomatiques, rôle qu’elle remplissait si bien qu’on la qualifiait de "magicienne", en référence à son éloquence.
La ville Ocre, imaginée par une femme
En 1062, Zaynab établit son campement au lieu appelé Marrakech (Terre de Dieu), qu’elle gouverne avec fermeté et qui devient au fil du temps une cité prospère et la capitale du Sud marocain. Elle en conçoit même les plans et les attributions, en attendant le retour de son mari parti en guerre. À son retour, elle les lui présente. Ibn Tachfine fait donc construire la ville conformément aux plans qu'elle a créés. Raison de plus pour confirmer l’hypothèse de "magicienne". Beaucoup de gens pensaient qu'elle communiquait avec les génies et qu'elle avait des pouvoirs surnaturels. Elle décède environ 11 ans après son mari, mais l'année de sa mort est contestée et on suppose qu'elle est morte aux alentours de 1117 ou après.
Son influence s’est ressentie sur les mœurs du Maroc Almoravide, ayant permis aux femmes royales de prendre part à la politique et à l'éducation. En plus de la politique qu’elle maîtrisait à la perfection, Zaynab organisait pareillement des cours pour femmes nobles avec Hafsa bint Al Hajj, une des poètes les plus célèbres de la littérature arabe médiévale et avait même employé deux femmes médecins au palais, dans un temps où c’était à l’homme uniquement de remplir ce rôle. Après cela, les princesses ont participé aux affaires politiques, à la réflexion sur des points cruciaux et on recense même une poignée de femmes médecins à l’époque. Une société en avance sur son temps.

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