Société
Étude: les patients déjà infectés par la Covid pouvaient ne pas développer des anticorps
07/09/2021 - 12:45
Imane BenichouDes personnes contaminées par le coronavirus pourraient ne pas développer des anticorps, selon une récente étude du Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).
Les auteurs de l’étude intitulée : «Facteurs prédictifs de la non-séroconversion après une infection par le SRAS-CoV-2» ont examiné 72 personnes, qui avaient toutes déjà eu un test PCR positif, mais qui n'avaient pas eu de symptômes pendant plus de trois semaines avant le prélèvement de sang pour cette analyse. Seules deux personnes (3 %) n'ont signalé aucun symptôme, tandis que 13 (18 %) personnes ont signalé une maladie légère, 48 (67 %) une maladie modérée et 9 (12 %) une maladie grave.
Après avoir testé des échantillons de plasma prélevés pour détecter les anticorps dirigés, 46 des 72 participants présentaient des réponses IgG (immunoglobulines de type G), des réponses IgA (immunoglobulines A) ou les deux détectables. En revanche, les 26 autres participants sont restés séronégatifs, malgré les tests effectués sur 3 échantillons par personne pour les IgA, IgM et IgG contre de multiples antigènes ainsi que pour les anticorps neutralisants. Ainsi, 36 % des personnes étudiées n’ont pas développé d’anticorps.
Pr. Said Moutawakil, anesthésiste réanimateur et membre du Comité scientifique et technique contre la Covid-19, explique à SNRTnews que le virus ARN utilise son pouvoir de mutation, en produisant des composantes virales qui sont associées à des molécules immunitaires, et ce pour tromper le système immunitaire de l’hôte et échapper à sa reconnaissance. Le corps ne produit pas ainsi d’anticorps. "Ce mécanisme d’échappement immunitaire rencontré dans les maladies intracellulaires est la raison pour laquelle nous avons des progrès difficiles à mettre en évidence"
Il explique en outre que le virus ARN tel que celui du SARS-COV-2 a un taux de mutation beaucoup plus élevé que celui rencontré chez un virus à ADN. En effet, l’ARN polymérase, cet enzyme qui va répliquer le génome du virus ARN durant sa production en masse, n’a pas une fonction d’émission pour reproduire la même chose comme dans les virus ADN.
Le système immunitaire se trompe ainsi et ne fabrique pas d’anticorps neutralisants. "Ce mécanisme fait que certaines personnes ne vont pas développer des anticorps neutralisant parce qu’il y a une dysrégulation au niveau du système immunitaire lié au virus et au mécanisme de réplication de l’ARN qui va submerger la cellule et qui ne va pas reconnaître le virus et reproduire des anticorps neutralisant", précise le professeur.
Raisons
Pour étudier les raisons potentielles de l'absence de séroconversion, les chercheurs ont examiné les données démographiques, cliniques et de laboratoire disponibles. Ils ont comparé la race/l’ethnie, le sexe et la gravité des symptômes et aucune association significative avec le statut sérologique n’a été trouvée, bien qu’une tendance à l'augmentation de la positivité des anticorps, en parallèle avec l'augmentation de la gravité des symptômes a été observée. Les chercheurs n’ont pas non plus trouvé de différences significatives en matière de séroconversion entre les patients, déclarant ou non, divers symptômes, y compris les symptômes caractéristiques de la Covid-19.
Cependant, l’étude fait ressortir que les personnes séronégatives étaient en moyenne 10 ans plus jeunes que les personnes séropositives et présentaient des valeurs de Ct (le nombre de cycles d'amplification) supérieures de 11 cycles. Les chercheurs soulignent en outre qu’une chute précipitée de la probabilité de séroconversion est liée à des valeurs de Ct plus élevées. En d’autres termes, plus un Ct est élevé, plus la probabilité de séroconversion est basse. Ainsi, il en ressort que les charges virales nasopharyngées représentent un corrélat majeur de la réponse anticorps systémique, et l'âge ne semble avoir qu'un effet mineur. Il convient de noter que la valeur Ct est inversement proportionnelle à la charge virale : plus la valeur de Ct est élevée, plus la charge virale est faible.
"Les malades qui ont une charge virale basse et qui ont une immunité innée, c’est-à-dire que le virus a été attaqué au niveau des fosses nasales, ne vont pas certainement développer la séroconversion parce que la charge virale n’est pas assez importante et parce que le système immunitaire inné a été attaqué en premier", affirme Pr. Moutawakil.
L’étude a en outre pris en considération les délais de réalisation des tests RT-PCR et des tests d'anticorps par rapport à l'apparition des symptômes. Les distributions des temps d'échantillonnage étaient similaires pour les répondeurs et les non-répondeurs sérologiques. Les résultats ont ainsi exclu la possibilité que les personnes séronégatives aient eu des valeurs de Ct plus élevées parce qu'elles ont été testées trop tard ou qu'elles manquaient d'anticorps parce qu'elles ont été testées trop tôt.
Conséquences
Les auteurs de l’étude précisent, d’autre part, que le fait qu'un nombre considérable de personnes positives à la RT-PCR ne se convertisse pas a des implications pratiques. Ces personnes ne sont pas détectées dans les études de séroprévalence, y compris dans les études vaccinales qui évaluent la protection contre une infection asymptomatique en mesurant les anticorps contre des antigènes non inclus dans le vaccin.
Les personnes présentant une preuve de séroconversion et celles ne présentant aucune réponse de séroconversion réagiront probablement aussi différemment à la vaccination. Des études récentes ont révélé que les personnes séropositives présentent une réponse accrue en anticorps après la première, mais pas la deuxième, dose d'un vaccin à ARNm, ce qui suggère qu'une seule dose est suffisante. Les non-répondants sérologiques pourraient ne pas présenter une réponse anamnestique aussi intense.
Les chercheurs mettent ainsi en garde contre l’idée qui consisterait à croire que les personnes ayant obtenu un résultat positif à la RT-PCR et ayant présenté des symptômes de la Covid-19 pourraient ne pas se faire vacciner, se croyant protégées.
Articles en relations
Monde
Monde
Société