Economie
Essor des investisseurs individuels marocains à la bourse: entre opportunités et défis
01/01/2025 - 16:03
Mohammed Fizazi
Le marché boursier marocain connaît une mutation importante, marquée par une participation croissante des investisseurs individuels. Selon la 11ᵉ édition de la Revue du Marché des Capitaux publiée par l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), les personnes physiques marocaines représentaient 27% des transactions sur la bourse au deuxième trimestre 2024, contre seulement 11% un an plus tôt. Ce bond de 16 points de pourcentage témoigne d’un intérêt accru pour les marchés financiers parmi les particuliers.
En parallèle à cette hausse de la part des transactions, le nombre de comptes-titres détenus par les personnes physiques a progressé de 11%, atteignant 169.863 au T2 2024, contre 152.676 un an auparavant. Cette dynamique révèle une évolution structurelle dans le paysage des investisseurs, caractérisée par une plus grande maturité et une meilleure compréhension des mécanismes boursiers.
Pour l’économiste Mehdi Fakir, plusieurs facteurs expliquent cet engouement. "Les particuliers marocains s’engagent aujourd’hui avec des attentes précises. Ils sont davantage tournés vers une logique financière et cherchent à maximiser leurs rendements. Cette approche, plus sophistiquée qu’auparavant, s’inscrit dans une dynamique culturelle et économique plus large", a-t-il affirmé.
Malgré cette avancée, Fakir souligne que des défis structurels subsistent, notamment en matière d’infrastructures et de services de conseil financier. Selon lui, l’absence de conseillers spécialisés et de structures adaptées freine encore le potentiel des investisseurs individuels. Il souligne à ce propos: "Les particuliers doivent pouvoir s’appuyer sur des professionnels compétents, capables de les accompagner dans leurs décisions. Or, ce type de services reste rare au Maroc, ce qui peut limiter la confiance des investisseurs."
M. Fakir met également en lumière une problématique spécifique: l’obstacle linguistique. "Une partie des particuliers qui souhaitent investir n’ont pas toujours accès à une documentation ou à des explications claires dans une langue qu’ils maîtrisent pleinement. Ce manque de vulgarisation dans des langues accessibles, comme l’arabe ou la darija, peut constituer une barrière importante", explique-t-il.
Il ajoute que cette question de langue est cruciale pour démocratiser l’accès à la bourse, soulignant que si nous voulons que davantage de Marocains participent au marché des capitaux, il est impératif de leur fournir des outils pédagogiques adaptés, dans une langue qui leur parle. "Aujourd’hui, beaucoup de contenus restent limités au français, ce qui exclut une partie significative de la population", a-t-il déploré.
En parallèle, M. Fakir pointe les limites des banques et institutions financières dans leur rôle d’accompagnement. "Les banques, bien qu’essentielles pour la gestion des dépôts classiques, ne proposent pas encore de services adaptés aux besoins spécifiques des petits investisseurs", a-t-il déclaré, ajoutant que les banques doivent évoluer pour répondre à cette demande croissante et contribuer à renforcer la confiance dans le marché."
Selon lui, la création de solutions financières sur mesure, combinée à une communication plus accessible et inclusive, et prenant en compte l'aspect linguistique est essentielle pour maintenir cette dynamique. "Le marché a besoin de services conçus pour les particuliers, allant au-delà des modèles traditionnels, et d’un effort massif pour mieux éduquer les investisseurs potentiels."
Malgré les obstacles, le potentiel du marché boursier marocain reste énorme, selon M. Fakir. L'économiste estime que des dizaines de milliers de Marocains pourraient être intégrés au marché s’ils avaient accès à une information adaptée et à des services d’accompagnement efficaces, et dans une langue qu'ils comprennent.
Il souligne également l’importance de consolider la confiance des investisseurs dans les institutions: "La finance repose sur la confiance. Si nous voulons que les particuliers s’impliquent davantage, ils doivent se sentir soutenus et compris. Cela passe par des conseillers compétents, des outils adaptés et une véritable ouverture du marché à toutes les catégories sociales."
Pour Mehdi Fakir, l’essor des investisseurs individuels marque une opportunité unique pour la bourse. "Cette dynamique, si elle est bien accompagnée, pourrait transformer le paysage financier marocain. Mais pour cela, il est essentiel de lever les barrières linguistiques, d’améliorer les infrastructures et de proposer des solutions pédagogiques inclusives", insiste-t-il

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