Economie
Et si on parlait de l'ère post-Covid ?
17/12/2020 - 14:50
Younes SaouryL’économie marocaine fait face à une année 2020 extrêmement difficile et complexe. Le constat est dressé par le Policy Center for the New South qui a publié, ce mercredi 16 décembre 2020, en partenariat avec la Faculté de Gouvernance, sciences économiques et sociales (FGSES) de l’Université Mohammed VI polytechnique, une analyse de l’impact de la pandémie Covid-19 sur l’économie du Maroc. Il s’agit d’un premier bilan qui s’assigne pour objectif de « dresser une première évaluation circonstanciée des ramifications de cette crise, qui permettrait de mieux poser les défis et les enjeux de la politique économique pour les années à venir, devant un bilan économique a priori lourd », lit-on dans le communiqué diffusé à cette occasion.
Une récession économique
Les analyses des économistes du Policy Center Abdelaaziz Ait Ali, Karim El Aynaoui, Badr Mandri, et de Fayçal El Hossaini, enseignant-chercheur de la FGSES s’accordent sur l’ampleur de cette crise sanitaire à fort impact économique. L’évaluation a révélé une contraction sévère de l’activité économique de près de 7%. Une récession qui s’explique par l’effet des mesures de confinement et par la baisse drastique de la demande étrangère.
Selon les chercheurs précités, l’impact de cette crise n’est pas uniforme et son impact diffère suivant trois critères : le degré d’exposition des régions où le secteur informel et important, le taux d’implantation du secteur public et la prépondérance des activités touristiques et manufacturières. Ainsi, « les plus grandes pertes économiques devraient être observées dans les régions de Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al-Hoceima et Marrakech-Safi, alors que les régions les moins touchées, éventuellement, sont celles de Dakhla-Oued Ed-dahab, Guelmim-Oued Noun et Laâyoune Sakia el-Hamra », font observer les économistes.
Une récession à fort impact socioéconomique
Des simulations ont été élaborées pour soumettre les équilibres sociaux et macroéconomiques domestiques à ce scénario de crise économique. Sur le plan social, la récession économique profonde agirait davantage sur les classes sociales les plus précaires, précisent les auteurs de l’analyse. Cette crise basculerait environ un million de personnes vers la pauvreté et, à peu près, 900 mille autres sous la ligne de la vulnérabilité.
Sur le plan économique, les équilibres macroéconomiques internes et externes seraient soumis à de rudes épreuves en cette année 2020 et les déficits jumeaux seraient compris entre 6% et 8% du PIB. Il est aussi relevé, à l’échelle interne, que la détérioration du déficit budgétaire traduirait davantage une baisse prévisible des recettes fiscales plutôt qu’un accroissement volontariste des dépenses budgétaires.
Un impact sur le budget de l’État
La crise économique causée par la Covid-19 a aussi impacté le budget de l’État. Les économistes précisent dans ce sens que les actions de soutiens aux agents économiques les plus touchés se sont appuyées sur le Fonds spécial du Covid-19, dont le montant alloué avoisine 3% du PIB. Qui plus est, sur la balance des paiements, le compte courant aurait considérablement pâti de l’arrêt soudain des recettes touristiques et la contraction profonde des exportations des biens et autres services. Toutefois, l’ajustement des importations et la forte résilience des transferts des Marocains résidents à l’Étranger (MRE) « auraient apaisé considérablement la pression sur les réserves de change ». Le recours exceptionnel au financement extérieur a plus que comblé le déficit en devises et s’est soldé par une augmentation des stocks des avoirs de réserves à des niveaux élevés, au point d’observer une relative appréciation nominale du Dirham face au panier d’ancrage.
Des pistes pour relancer l’économie
Face à cette crise, les décideurs économiques « seraient tiraillés entre, d’une part, l’objectif de restauration des équilibres comptables et, d’autre part, le déclenchement de politiques expansionnistes à même de revigorer la reprise économique », souligne le rapport. Les auteurs proposent que les pouvoirs publics activent tous les leviers budgétaires et monétaires à leur disposition, y compris un élargissement des bandes de fluctuation du Dirham, en anticipation des pressions sur les réserves de change.
Dans ce contexte, les annonces successives de découverte de potentiels vaccins et le déclenchement prévisible de la campagne de vaccination au Maroc et dans les pays partenaires seraient de bon augure pour la reprise de l’économie marocaine et la dissipation progressive des facteurs d’incertitude économique et sanitaire. Ceci dit, relever les défis de relance et de retour à la normale ne serait pas le seul enjeu des politiques publiques à l’ère post-Covid-19, car de nouvelles tendances mondiales sont à l’œuvre et qui requièrent des politiques publiques adaptées, territorialisées et visionnaires.