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Khaoula Benomar Assebab raconte les fragments d’une vie dans son roman "Presque"
03/11/2024 - 17:32
Khaoula Benhaddou | Fahd MerrounKhaoula Benomar Assebab, la réalisatrice et militante des droits des femmes, ajoute une corde à son arc en publiant son premier roman "Presque". Paru chez les Editions "la Croisée de chemins", ce livre raconte l’histoire d’Yto, une femme qui décide de tout abandonner pour entamer une nouvelle vie et trouver un sens à son existence.
Du haut de ses 42 ans, Khaoula Assebab Benomar est une artiste accomplie. Avec son talent inouï, sa finesse de perception et sa plume aiguisée, elle pianote sur les gammes de l’art et frappe aux portes du succès.
Khaoula Assebab Benomar tombe très jeune dans la marmite de la création. Fille d’une figure emblématique de la fiction télévisée marocaine, elle grandit dans les plateaux de télévision et apprend les B-A-BA de la réalisation.
De la réalisation à l’écriture
Après des études dans une école de cinéma, Khaoula Assebab Benomar enchaine la réalisation d’émissions, de documentaires et de spectacles. En 2017, elle réalise son premier long métrage "Le clair obscur" qui a été primé dans plusieurs festivals de cinéma à travers le monde.
Malgré sa réussite dans ce domaine, Assebab Benomar décide de réaliser un rêve enfouie dans sa mémoire de petite fille.
Enfant dyslexique, elle rêvait d’écrire un livre qui portera son nom; "le passage de réalisatrice à écrivaine n’était pas vraiment calculé. En essayant de préparer mon 2e scénario, je me suis lâchée sur l’écriture. Cela a réveillé en moi un certain besoin d’enfance", se souvient Khaoula Assebab Benomar.
"Enfant, j’étais passionnée par la lecture, mais finir un livre n’était jamais une tâche facile vue que j’étais dyslexique… En écrivant mes textes, je disais à mes parents qu’un jour j’aurais un livre avec mon propre nom. J’avais complétement cette histoire, mais on évolue dans la vie.Je ne me rendais pas compte que c’était aussi compliquée pour moi, mais finalement, j’ai fait la paix avec les mots, avec les phrases et au fil des pages j’ai réussi à écrire mon livre", raconte fièrement Khaoula Assebab Benomar devenue écrivaine.
Grâce à sa sensibilité exacerbée et à son esprit de militante, Khaoula Assebab Benomar est attentive au charme et à la force qui se dégage de chaque personne. Et c’est justement ce qui lui a permis d’écrire un roman empreint de sagesse, d’humanité et d’optimisme.
Dans ce roman, Khaoula Assebab Benomar raconte l’histoire d’Yto, une femme qui décide de se libérer de ses chaînes au prétexte d’un voyage sans destination et à s’offrir une seconde vie
Yto, un prénom difficile à porter!
Yto, un prénom difficile à porter. Ce prénom fait souvent penser à une femme âgée avec des cheveux gris, un tatouage au menton et un caftan usé. Pourtant, Yto ne ressemble absolument pas à ça.
Pour le choix de ce prénom, Khaoula Assebab Benomar s’est inspiré de sa propre histoire; "tout comme mon mari Raouf Sebbahi, on a porté des prénoms rares. S’appeler Khaoula dans les années 80 à Rabat ne passait pas inaperçu. Cela a un impact sur notre caractère, sur notre personnalité, sur les bêtises qu’on peut faire… Pour mon livre, je voulais que ça soit un prénom rare avec une certaine connotation culturelle".
A part Yto, Khaoula Assebab Benomar a donné d’autres prénoms Amazighes à ses personnages comme Isli, Yezza et Yan, un choix loin d’être fortuit; "ces prénoms amazighes sont issus de ma culture. Je m’appelle Khaoula Assebab. Benomar, c’est le nom artistique de mon père. On m’a toujours relié à une culture qui n’est pas la mienne et j’ai perdu le lien avec une autre culture qui est la culture amazighe. Choisir ces prénoms, c’est aussi un cheminement que je fais vers cette culture dont on m’a amputé très jeune".
Yto... une femme qui en rappelle bien d’autres!
Fragile, brave et battante, Yto ressemble aux femmes marocaines qui ont été formatées depuis leur jeune âge à être parfaite dans tous les domaines; "C'est avant tout un souci d'éducation. Une grande partie des femmes se livrent dans des combats perdus d'avance. On a des idéaux dans notre tête. Et même quand on élève nos propres enfants, on leur inculque ces mêmes idéaux. Or, il ne s'agit pas de cocher toutes les cases, il s'agit de se retrouver dedans". Et de poursuivre "On n'est pas toutes obligées d'être mariées à un certain âge, d'avoir des enfants, d'être professionnellement accomplies. Au fait, il faut qu'on inculque aux générations futures qu'on n'est pas tous pareils, que chacun a son cheminement de vie. Et l'essentiel, c'est d'évoluer avec sérénité et de savoir où on va et ce qui compte le plus pour nous", explique avec fermeté Khaoula Assebab Benomar qui n’oublie jamais sa casquette de militante.
Cette casquette, on la retrouve tout au long du roman et notamment dans les passages consacrés au deuil. "Yto était l’otage d’une société, où même dans le deuil les hommes et les femmes ne sont pas égaux, quand celui de l’homme peut prendre fin au bout d’une semaine, quand on peut l’encourager à reprendre le cours normal de sa vie active et surtout sentimentale quand on peut aller jusqu’à le pousser à se remarier pour ne pas rester seul. La femme, elle, doit cesser de vivre, on s’attend à ce qu’elle rende un perpétuel hommage au défunt mari, qu’elle devienne la pièce maîtresse du muselet que ses proches, voire ses connaissances, ont construit en sa mémoire", lit-on dans le roman.
Pour s’expliquer, Khaoula Assebab Benomar aborde les codes qui se sont installés dans la société marocaine depuis plusieurs décennies; "le deuil est flagrant dans notre société. On a commencé par cette tenue blanche qu'on impose aux femmes de porter pendant 4 mois et 10 jours. Cette tenue est d'abord un signe pour montrer que cette femme n'est pas sur le marché du mariage. D’ailleurs, on a l'impression qu'on enveloppe le défunt avec ce tissu blanc, mais qu'on enveloppe aussi sa femme avec lui, avec ce même tissu blanc".
Et de poursuivre "porter cette tenue durant toute cette durée ralentit ce processus de deuil, ça nous marque comme du bétail… C'est horrible, alors qu'il n'y a pas une tenue pareille pour un homme", s’irrite Khaoula Assebab Benomar qui souligne la disparité entre l’homme et la femme dans la société.
"Souvent, on part du principe que l'homme a besoin d'une femme dans sa vie, parce que l'homme a besoin de certaines choses dans sa vie que seule une femme peut lui offrir... On part du principe que les hommes ne sont pas complets, même dans l'autre sens. Et je trouve ça aberrant parce qu'on crée des handicaps sur des générations et des générations".
Khaoula Benomar Assebab milite pour un changement de mentalité et pour préparer des hommes et des femmes à être totalement indépendants.
L’écrivaine lance également un appel pour se libérer du fardeau de la société tout comme a fait Yto qui a choisi de partir pour comprendre, pour se donner une deuxième chance, pour trouver des réponses aux questions jamais posées... Pour devenir une personne à part entière.
Comme Yto, Khaoula Assebab Benomar écrit une nouvelle page, un nouveau livre. Entre temps, elle reprend sa casquette de réalisatrice pour lever le voile sur son nouveau long métrage "Radia" qui sera présenté en avant-première au Festival du film du Caire qui aura lieu du 13 au 22 novembre. Juste après, la réalisatrice prendra part au Festival International du film de Marrakech où elle fera partie de la liste des professionnels sélectionnés à Atlas Session.
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