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Le FIFM 2022 rend hommage à l’acteur indien Ranveer Singh
01/11/2022 - 12:39
Mohammed FizaziAvec plus de dix films en une décennie, Ranveer Singh a transformé le cinéma populaire indien. Il doit sa naissance cinématographique à la comédie romantique "Band Baajaa Baaraat", réalisée par le réalisateur, alors débutant, Maneesh Sharma en 2010. Grâce à ce film, l’acteur décroche le Filmfare du meilleur espoir masculin pour son rôle de wedding planner.
Visage neuf, charmeur et léger, il continue sur sa lancée de séducteur à la plastique irréprochable, avec le même réalisateur dans "Ladies vs Ricky Bahl" en 2011, avant de prendre le contre-pied avec un rôle dramatique dans "Lootera" de Vikramaditya Motwane, film où son jeu sensible sur la trahison de l’être aimé lui donne une épaisseur nouvelle.
Une part importante de la construction de sa personnalité d’acteur a lieu devant la caméra d’un maître confirmé du cinéma indien: Sanjay Leela Bhansali, qui fait de lui un corps de cinéma en trois films. Dans "Goliyon Ki Rasleela Ram-Leela" (2013), il est un Roméo sensuel, joueur et dangereux. Marque du cinéaste, les grandes chorégraphies si appréciées du cinéma populaire indien deviennent un véritable terrain de jeu pour l’acteur, qui renouvelle avec impertinence la danse masculine; la chanson "Tattad Tattad" résonne encore, presque dix ans après, dans les mémoires… "Bajirao Mastani" (2015) fait de lui un empereur du XVIIIe siècle, hiératique et fier, tendu entre les deux femmes qu’il aime.
Incrusté dans les décors de palais somptueux, sa sobriété n’annonce rien de son rôle suivant pour le cinéaste, Alauddin Khilji dans "Padmavaat" (2018). Hirsute, il y incarne la sauvagerie brutale d’un envahisseur afghan du XIIIe siècle, performance troublante de celui qui, jusqu’alors, était le héros par excellence. Avec ces trois films, Bhansali fabrique par ailleurs un couple mythique d’acteurs comme le cinéma populaire aime tant les former, Ranveer Singh et Deepika Padukone.
Un mot revient souvent pour évoquer la carrière que Ranveer Singh construit, celui de "caméléon", tant il est capable de se fondre dans des styles de jeu différents. En tant que spectateur, Ranveer Singh admire l’immense Amitabh Bachchan pour ses rôles de jeune homme en colère des années 1970, soit la définition même du héros filmique: le poing serré prêt à la bagarre, à la parole rare mais qui résonne comme un coup de tonnerre dans la bande-son.
Ce rôle de héros plus grand que nature lui est offert par l’un des maîtres en la matière, Rohit Shetty, qui fait de Ranveer Singh un policier à la moustache lustrée et aux scènes d’action décuplées par les effets visuels et le montage. Avec "Simmba" (2018), il devient à son tour le héros d’action clinquant si emblématique du film populaire, luttant contre le mal avec style et éclat.
Le caméléon change à nouveau de couleur avec "Gully Boy", un film jalon tant il offre à Ranveer Singh l’occasion de prouver qu’il peut jouer l’homme du peuple, là un apprenti rappeur venu du quartier défavorisé de Dharavi et qui, grâce au rap, questionne sa condition sociale. Présenté à la Berlinale, le film réinvente les enjeux musicaux du cinéma indien, poésie et rap entremêlés et filmés bien loin des riches décors, faisant le pari d’un réel quasi documentaire rarement montré. Le personnage de Murad explore son amour des mots, de la mélodie et de la ligne poétique, ce qui rejoint par ailleurs un certain talent d’écriture de l’acteur: son intérêt pour le scénario et l’écriture de ses dialogues est connu.
L’acteur efface aussi toute flamboyance lorsqu’il enfile, en 2021, la tenue du capitaine de l’équipe de cricket Kapil Dev, joueur de légende qui emmène son équipe vers la victoire en coupe du monde, dans "83" de Kabir Khan. Le personnage historique qu’il incarne réclame un jeu en sourdine, qu’il retrouvera en 2022 avec le personnage de Jayesh, héros timide et non-violent de "Jayeshbhai Jordaar" de Divyang Thakkar, une comédie sociale sur les fœticides féminins. Mari révolté contre un système patriarchal qui l’empêche de vivre, Ranveer Singh ajoute une corde à son arc, le comique doux-amer au service d’un message national et féministe.
Ranveer Singh secoue ainsi une industrie habituée à des codes fixes et son style vestimentaire personnel n’est pas qu’une simple anecdote de tapis rouge: portant des robes, de longs pyjamas de soie bariolés, des rangs de perles, brillants aux oreilles, des accessoires excentriques, il déplace les codes de la masculinité, tournant en ridicule tout machisme caricatural. Cette persona joyeuse, construite en parallèle de ses rôles, est aussi d’une volonté affirmée de traverser ainsi l’existence, comme il le dit en interview, le désir d’avancer avec "légèreté et esprit burlesque".
En cela, le FIFM ne rendra pas hommage à la relève des grandes stars qui ont fait et qui font le cinéma populaire indien, mais bien à une voie nouvelle, un chemin qu’il initie et qui, à n’en pas douter, mène les films vers un éventail de rôles et de sentiments plus variés. Le héros de Gully Boy prédisait "Apna time aayega/Mon heure de gloire arrivera": celle de Ranveer Singh, elle, a bel et bien sonnée.
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