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FIFM 2022: les particularités de la 19e édition étayées par le directeur artistique, Rémi Bonhomme
25/10/2022 - 11:54
Mohammed FizaziSNRTnews: le FIFM est de retour pour sa 19e édition, quelles sont les nouveautés de cette année?
Rémi Bonhomme: le retour du Festival international du film de Marrakech est très attendu par le public mais aussi par les artistes et cinéastes qui sont impatients de venir y présenter leurs films. L’ambition de cette reprise est avant tout de célébrer le retour du festival et les retrouvailles avec le public marocain. Cette 19e édition célèbrera le cinéma mondial sous toutes ses formes, à travers un programme riche de 76 films en provenance de 33 pays mais aussi des hommages à de grands noms du cinéma et une série de conversations avec les personnalités les plus passionnantes du cinéma mondial. Le public retrouvera également les projections sur la Place Jemaa el Fna, qui font vivre le Festival au cœur de la ville de Marrakech.
La crise du Covid-19 a impacté à plusieurs niveaux différents festivals, comment le FIFM a pu la surmonter?
La Crise de la Covid-19, qui a conduit à la fermeture des salles de cinéma pendant de longs mois, a empêché la tenue de deux éditions du festival. Cette crise sanitaire a non seulement, impacté les festivals mais surtout l’ensemble de la filière du cinéma. Pendant ces deux années, la Fondation du Festival International du Film de Marrakech a souhaité maintenir son programme professionnel, les Ateliers de l’Atlas, qui a pu se décliner en ligne. Dans cette période délicate, il était essentiel de soutenir les cinéastes marocains, arabes et africains dans le développement de leurs projets. Aujourd’hui, alors que les manifestations culturelles peuvent à nouveau se tenir en présentiel, le rôle d’un festival comme celui de Marrakech est de contribuer au retour du public dans les salles de cinéma.
Les participations de Netflix augmentent à chaque édition, comment évaluez-vous le partenariat avec cette plateforme?
Le FIFM entretient de très bonnes relations avec Netflix, qui produit désormais les films de grands cinéastes. Cette collaboration permet d’offrir l’opportunité au public marocain de découvrir sur grand écran des œuvres qui seront ensuite diffusées sur la plateforme. Ainsi, cette 19e édition présentera en avant-première deux films avant leur diffusion sur Netflix: Guillermo del Toro’s Pinocchio, la nouvelle merveille du cinéaste primé aux Oscars Guillermo del Toro, réalisée avec Mark Gustafson ainsi que The Swimmers, le film bouleversant de Sally El Hosaini, qui met en scène l’histoire vraie de deux sœurs nageuses qui ont fui la Syrie pour participer aux Jeux Olympiques de 2016.
Comment le cinéma marocain pourrait profiter de ce partenariat, notamment au niveau de l'investissement et de la production?
Netflix est un acteur incontournable de la production cinématographique mondiale. Depuis quelques années, la plateforme développe plus de productions régionales notamment dans le monde arabe. Netflix a acquis les droits de plusieurs films marocains qui sont diffusés sur la plateforme mais n’a pas encore produit de séries ou de films marocains. C’est notamment à cet endroit que les Ateliers de l’Atlas, le programme professionnel du Festival, peut jouer un rôle, en participant à une meilleure reconnaissance des cinéastes et producteurs marocains.
A ce propos, quel est le bilan des "Ateliers de l'Atlas" après 4 éditions?
Les Ateliers de l’Atlas accompagnent des cinéastes marocains, arabes et africains, dès le stade de développement de leurs projets. Il faut souvent plusieurs années de financement avant qu’un film ne voit le jour. En réunissant chaque année plus de 200 professionnels internationaux autour de talents du monde arabe et d’Afrique, le programme professionnel du Festival joue un rôle d’accélérateur de ce processus mais aussi un tremplin vers l’international. En quatre éditions, les "Ateliers de l’Atlas" ont accompagné 88 projets en développement et films en postproduction dont plusieurs ont ensuite été primés dans des festivals prestigieux, à l’instar de Feathers d’Omar El Zohairy, premier film arabe à recevoir le Grand Prix de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes (2020) ou La Femme du fossoyeur de Khadar Ahmed, récent lauréat de l’Etalon d’Or au Fespaco et première entrée de la Somalie aux Oscars (2020).
Après quatre éditions, les résultats des "Ateliers de l’Atlas" sont désormais visibles. Ainsi, 7 films, dont 5 marocains, soutenus précédemment par les Ateliers de l’Atlas, seront présentés dans la programmation de la 19e édition du Festival de Marrakech: Les Damnés ne pleurent pas de Fyzal Boulifa (Maroc), Reines de Yasmine Benkiran (Maroc), Fragments from Heaven de Adnane Baraka (Maroc), Abdelinho de Hicham Ayouch (Maroc), Poissons rouges de Abdeslam Kelai (Maroc), Ashkal de Youssef Chebbi (Tunisie) et Sous les figues de Erige Sehiri (Tunisie).
La production nationale jouit d'une programmation spéciale pour cette 19e édition, notamment via le "Panorama du cinéma marocai", à quel point le FIFM pourrait-il être une vitrine de ce cinéma, lui permettant de s’ouvrir sur le Monde?
La présence exceptionnelle du cinéma marocain lors de cette édition reflète notamment l’arrivée d’une nouvelle génération de cinéastes, dont certains ont déjà été célébrés par de prestigieux festivals internationaux. La programmation de cette 19e édition proposera au public de découvrir, en plus des films présentés dans le cadre de l’hommage à une personnalité marocaine, 11 films marocains contemporains, dont 7 sont des premiers ou seconds films. Maryam Touzani sera pour la première fois en compétition avec Le Bleu du Caftan, un film d’une grande délicatesse, célébré dans le monde entier depuis sa présentation lors du dernier Festival de Cannes. Quant aux cinéastes Yasmine Benkiran, Fyzal Boulifa et Adnane Baraka, ils présenteront leurs films en Séances Spéciales ou dans la section du 11e Continent. En parallèle, 5 films sont programmés dans le cadre du Panorama du cinéma marocain qui s’ouvrira avec la première mondiale de Jours d’Eté, le dernier film de Faouzi Bensaïdi.
A chaque édition, le festival accorde une place importante aux enfants dans son programme "Jeune public", pourrait-on considérer que le Festival forme une nouvelle génération de cinéphiles?
C’est le rôle de tout festival de cinéma que de participer à la formation du public de demain. Pour sa 19e édition, le Festival de Marrakech développera les actions tournées vers le jeune public en lui dédiant 9 séances. Cette programmation s’adresse notamment aux enfants de 4 à 10 ans, pour qui ces projections représentent souvent la première expérience de la salle obscure. Pour la première fois, le festival proposera également des projections à destination des collégiens et lycéens, prolongées de rencontres avec des cinéastes. Cette dimension pédagogique autour des films est essentielle: apprendre à lire des images, à discuter et débattre autour de films, participe aussi à la formation d’un esprit critique.
Les films sélectionnés pour le festival sont généralement le premier ou deuxième film du réalisateur, quels sont les autres critères?
Seule la compétition officielle est réservée aux premiers et seconds films, avec pour ambition de révéler les nouveaux talents des cinémas du monde. En dédiant sa compétition à la découverte, le Festival entend jouer un rôle essentiel de mise en lumière des cinéastes émergents, notamment en exposant leurs films au regard d’un jury prestigieux, présidé cette année par Paolo Sorrentino. Ce qui rend passionnant l’exercice de sélection de premières et secondes œuvres, c’est d’assister à la naissance de réalisateurs qui vont compter dans le cinéma de demain. Le travail du comité de sélection est guidé par la recherche de nouveaux regards sur le monde, d’écritures cinématographiques singulières mais aussi de films qui font bouger les lignes de la cinématographie de leur pays d’origine. C’est le cas de Chevalier noir, un film qui détonne dans la production cinématographique iranienne ; d’Ashkal, un film tunisien qui ose le fantastique ; de Petrol, une délicate rêverie à l’atmosphère feutrée venue d’Australie ; et de Snow and the Bear, une première œuvre turque qui explore le thriller pour dénoncer le patriarcat. Sélectionner des premiers et seconds films, c’est aussi se plonger dans les sujets qui préoccupent les jeunes générations à travers le monde. Parmi les thèmes abordés par les 14 films de la compétition, on retrouve la construction identitaire et la nécessité d’avoir des modèles, la place des femmes dans nos sociétés contemporaines, mais aussi les questions de transmission qu’il s’agisse de tradition, d’héritage politique ou tout simplement d’amour.
Cette sélection sur la base de première ou deuxième réalisation, ne rend-elle pas la tâche difficile pour le festival, dans la mesure où cela le priverait de la participation d'autres films de qualité?
La singularité de la ligne éditoriale du Festival réside justement dans la rencontre entre des jeunes talents et les plus grandes personnalités du cinéma. En dehors de la compétition, toutes les autres sections du festival sont également ouvertes aux cinéastes confirmés. Lors de cette 19e édition, le public pourra ainsi découvrir les derniers films de cinéastes majeurs comme James Gray, l’héritier brillant du Nouvel Hollywood, Paul Schrader, l’inoubliable scénariste de Taxi driver, Neil Jordan, cinéaste oscarisé et lauréat d’un Lion d’or ou encore Jafar Panahi, l’un des plus prolifiques cinéastes iraniens. En parallèle, la section du 11e Continent ouvre la programmation du festival vers de nouveaux horizons: celui du cinéma d’avant-garde présenté à travers une programmation composée de documentaires, de films d’archives et d’œuvres classiques récemment restaurées. Les différentes sections du festival permettent d’offrir au public une programmation d’une grande richesse qui reflète toutes les facettes du cinéma mondial.
Il s'agit de la première édition du festival où il y a un recours à la digitalisation, quelles sont les principales innovations dans ce sens?
La période que nous venons de traverser a permis de mettre en place ou d’accentuer la digitalisation de certaines pratiques. Aujourd’hui, il est devenu commun de dématérialiser certains documents comme un badge, un pass ou une invitation. Nous avons voulu profiter de ces nouvelles habitudes qui se sont installées pour permettre au spectateur d’entamer toutes les démarches d’accès aux projections et activités en ligne et faciliter ainsi son expérience festivalière. Pour cela, le festival a été doté d’un nouveau site web qui a été mis en ligne récemment et l’accréditation se fait 100 % en ligne. Elle est gratuite et réservée à un public adulte uniquement. Pour obtenir son E- badge, il suffit d’en faire la demande sur : www.marrakech-festival.com. Afin de faciliter l’accès aux informations et personnaliser son programme, le festival a également lancé une nouvelle application, disponible sur Apple Store et Google Play, sous l’appellation Marrakech Festival.
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