Politique
PJD: après la défaite aux élections, quel avenir?
16/09/2021 - 22:00
Youness Oubaali | Lina IbrizAprès une nuit cauchemardesque, et face à la défaite choquante aux élections du 8 septembre, le PJD vit aujourd’hui un vide politique. Au lendemain des élections, à l’issue d’une session extraordinaire du Conseil national du parti, les membres du secrétariat général ont déposé leur démission. Ils continueront donc seulement à gérer les affaires courantes du parti jusqu’à la tenue d’une session extraordinaire du Conseil national le samedi 18 septembre. Cette session sera décisive pour l’avenir du parti, un avenir qui reste flou et qui suscite plusieurs questionnements.
Alors que le professeur de géopolitique et d’évaluation des politiques publiques, Moustapha El Yahyaoui, explique la défaite du PJD par les résolutions du parti à l’issue du Congrès national tenu en 2016 et les décisions de gestion qui ont suivi, l’ex-président du groupe parlementaire du PJD à la chambre des députés, Moustapha El Ibrahimi insiste que l’état actuel du parti ne peut être appréhendé hors du contexte des dernières élections.
Des facteurs transversaux
La défaite du PJD, selon El Yahyaoui, ne peut pas "être justifiée en entier par des facteurs contextuels et par des pratiques malsaines dans le champ électoral au Maroc. Une grande partie des facteurs sont directement liés à la structure interne du parti". La situation actuelle du parti serait donc le résultat de problèmes organisationnels, selon le professeur qui souligne que "le parti n’est plus au même niveau d’organisation. La gestion du Congrès national en 2016 a fait preuve d’une faiblesse à ce niveau".
En effet, "les problèmes organisationnels" au sein du parti sont devenus évidents à l’issue du Congrès national de 2016 et se sont reflétés sur les résolutions adoptées à ce moment. Ces problèmes se sont perpétués au niveau des discussions menées par le Secrétariat général du parti suite à la désignation de Saad Dine El Otmani à la tête de l’Exécutif. "On voyait clairement que la solidarité et l’unité qui caractérisaient l’organisation du PJD n’étaient plus les mêmes, car l’approche et la culture, qui étaient le fondement de cette unité se basaient sur la présence d’un adversaire idéologique qui nourrit le sentiment de solidarité au sein du groupe politique".
Or, cela changea après 2016, date à partir de laquelle sont apparus au sein du parti "des conflits éthiques et de valeurs qui ont donné lieu à une révision de l’organisation et à de nouveaux groupements au sein du même parti, notamment avec les positions de Benkirane", explique El Yahyaoui.
La crise de formation du gouvernement qui a coûté à Abdelillah Benkirane sa place à la tête du parti pour qu’il soit par la suite remplacé par El Otmani s’est traduite en une crise au sein du parti même. "Cela a impacté la légitimité du Secrétariat général et sa manière de réagir face aux groupements qui se formaient en interne", estime l’universitaire. Bien que la division parmi les membres du PJD soit partiellement liée au changement du leadership, elle s’est également reflétée sur "le débat à l’intérieur du parti, notamment le débat autour des libertés individuelles".
Avec le temps, l’organisation du parti s’est affaiblie et il était visible qu'il commençait à avoir du recul au niveau de la préparation des élections, alors qu’il faisait preuve d’un manque de manœuvre. Cette faiblesse tactique et organisationnelle a poussé le Secrétariat général à adopter "la position de victime" afin de mobiliser les sympathisants du parti lors des élections. Néanmoins, face à la crise liée à la Covid-19 et en la présence d’un fort concurrent dans les réseaux sociaux, le parti a été incapable de faire face aux nouvelles approches électorales qui engage les électeurs dans un nouveau pacte.
Dès lors, le PJD avait "une seule solution pour gérer ces facteurs ; adopter une approche qui consiste à attaquer les actions de ses adversaires afin de consacrer le discours de victimisation auprès des sympathisants du parti", indique le politologue qui considère que le Secrétariat général du parti devait défendre fermement ses orientations et convictions politiques au lieu d’avancer le prétexte des "pressions exercées sur lui".
En conséquence, les membres du parti n’ont pas pu atteindre une unanimité qui pourrait jouer le rôle de vecteur pour les militants du PJD, dont certains se sont engagés dans "une rébellion symbolique". Selon El Yahyaoui, le parti fait face à un "dysfonctionnement partisan". Le PJD est appelé donc à "revoir sa vision politique et à séparer la politique de la prédication".
"Le parti restera uni autour d’un noyau solide"
De sa part, Moustapha Al Ibrahimi, ex-président d'un groupe parlementaire du PJD à la Chambre des représentants, considère que la situation dans laquelle se trouve actuellement le parti ne peut pas être appréhendée en dehors du contexte des élections, et que c’est le congrès exceptionnel prévu pour le mois de décembre qui permettra de fixer les nouvelles orientations du parti.
Il estime que les résultats des élections soulèvent des questions fondamentales par rapport à l’aspect organisationnel et que les procès-verbaux des élections, qui n’ont toujours pas été remis aux candidats, constituent la "clé" pour répondre à ces questions.
Selon le membre du PJD, "le parti a réalisé des résultats respectables dans plusieurs domaines, les événements récents ne doivent pas pousser le parti à changer son orientation et ses principes. Il est possible de changer les dirigeants du parti à cause de la manière dont ils ont géré cette étape. Néanmoins, le mandat du parti à la tête du gouvernement s’est déroulé dans un autre contexte", précise le membre du PJD.
Dans ce sens, il est compréhensible, selon notre interlocuteur, que le nombre des sièges parlementaires remportés par le PJD ait baissé, "mais ce qu’on ne comprend pas c’est la chute du nombre des sièges remportés au niveau des communes, alors que plusieurs villes dirigées par le parti ont enregistré un développement considérable. Aucune évaluation objective du recul de la popularité du parti ne peut être établie. Où sont les procès-verbaux de votes pour parler d’un vote sanction ?", conclu-t-il.
Selon le PJDiste, bien que certains s’attendent à une division au sein du parti, ce dernier restera uni autour d’un "noyau solide" et restera attaché à "son organisation et à ses processus démocratiques internes" qui font de lui "une formation qui ne peut être facilement supprimée".
Le lendemain des élections, le secrétariat général du PJD a annoncé que le parti rejoindra l’opposition. Abordant le futur du PJD dans le cadre de cette nouvelle configuration du pouvoir, Al Ibrahimi rappelle que "nous étions accusés de jouer le rôle de l’opposition, alors que nous étions au pouvoir, à cause des travaux que nous avons menés et les commissions d’enquêtes que nous avons présidées. Maintenant que nous faisons partie de l’opposition, il faut s’attendre à beaucoup plus, surtout que nous avons une grande connaissance d’un nombre de dossiers".
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