Société
Programme gouvernemental: ce qu'en pensent les personnes en situation de handicap
24/10/2021 - 12:00
Khaoula BenhaddouL’exécutif s’engage durant son mandat 2021-2026 à améliorer la situation des personnes en situation de handicap. Le gouvernement s’est basé sur les données du recensement général de la population de 2014 qui précise que 1.703.424 personnes soit 5,1% de la population vit en situation de handicap. Ces personnes "n’ont pas tous les mêmes besoins selon les domaines de leurs incapacités, mais elles rencontrent toutes de nombreux obstacles qui freinent leur inclusion sociale", lit-on dans le programme qui précise qu'"afin d’assurer l’accès aux droits fondamentaux et la participation sociale des personnes à besoins spécifiques, le gouvernement a prévu de nombreuses dispositions qui permettront de prévenir la discrimination fondée sur le handicap".
Dans son programme 2021-2026, l’Exécutif s’engage à mettre en place une politique publique claire, intégrée et multidimensionnelle en faveur des personnes à besoins spécifiques. Un budget annuel de 500 MDH sera alloué aux ONG actives dans le domaine afin d’offrir, selon un cahier des charges, un ensemble de services à cette frange de la population.
Dépistage précoce, assurance maladie gratuite, aide aux familles, renforcement des compétences des cadres pédagogiques, allocations pour les familles nécessiteuses, création d’emplois et aide aux associations sont entre autres les promesses du nouveau gouvernement.
Est-ce suffisant?
Pour Idir Ouguindi, militant associatif et expert dans le domaine des droits des personnes en situation de handicap et du développement inclusif, ces mesures ne sont pas suffisantes pour aider cette population qui représente le maillon faible de la société. "Il est vrai qu’en lisant le programme gouvernemental, on ne peut que se féliciter de voir un gouvernement qui nous cite et qui pense à nous dans son programme. Mais concrètement, ce programme ne nous réserve qu’une page et demie sur un total de 79 pages".
Le militant se demande aussi pourquoi le nouvel exécutif s’est basé sur les statistiques du recensement et non pas sur l’enquête nationale. "Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne s'est pas basé sur la 2e étude nationale sur le handicap qui a été réalisée en 2014 et qui respecte les normes internationales. La différence entre les deux statistiques est juste flagrante".
Pour le militant, à un moment où le recensement rapporte que cette catégorie de personnes constitue 5% de la population, l’étude, elle, confirme le taux de 6,8%, soit 2.264.672 personnes.
Une approche de charité?
À part les chiffres, le militant refuse "l’approche caritative" que laisse entendre le programme. "Le gouvernement évoque 500 millions de dirhams d’aide pour les associations d’ici la fin du mandat. Ces associations qui accompagnent les personnes en situation de handicap devront encore une fois offrir les droits fondamentaux et assurer l’accès de ces personnes à la santé, à l’éducation et à l’emploi. Or, cette mission incombe à l’Etat. Certes, les associations font un travail remarquable, mais leur mission doit se limiter à changer les stéréotypes et les discriminations et à accompagner les familles. Elles ne peuvent en aucun cas remplacer le gouvernement". Et d’ajouter: "dans le programme, l'Exécutif adopte une approche caritative, voire dans les meilleurs des cas médicaux. Aujourd’hui, la communauté internationale appelle à une approche citoyenne", martèle le militant qui rappelle qu’un ménage sur 4 est directement touché par le handicap, ce qui représente 25% de la population.
Les attentes
Au Maroc, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est 6 fois plus élevé que celui des non handicapés. 66,1% de ces personnes sont non scolarisées notamment les filles en milieux urbain et rural sans parler de l’exclusion du système de la santé et l’inaccessibilité aux moyens de transport, aux administrations et aux centres de loisirs.
"Je m’attendais à ce que le gouvernement donne une vision claire, des dates et des prévisions chiffrées notamment sur le taux de scolarité à atteindre d’ici la fin du mandat ainsi que sur le taux d'emploi. Sur le plan réglementaire, il fallait aussi faire évoquer la loi qui date de 2003 et la nécessité de faire ressortir les textes de la loi-cadre de 2015. J’espère que cela sera rattrapé au cours de ce mandat. Nous avons besoin de réalisations et non pas de bonnes intentions".
Le militant ne manque pas de rappeler la nécessité de l’intégration de cette tranche de la société dans le projet de la protection sociale et du Registre social unifié (RSU). "Quand je vois les grands risques annoncés par la loi-cadre de la protection sociale, notamment la maladie ainsi que les risques liés à la perte d’emploi, je constate que le handicap est relégué aux oubliettes. Pourtant, la communauté internationale considère le handicap comme un grand risque de précarité qui nécessite une protection sociale de ces personnes", précise le militant qui appelle également à améliorer les accessibilités. "On peut prendre l’exemple de Casablanca qui n’est pas accessible. Les moyens de transport ne le sont pas non plus. Les personnes en situation de handicap lancent des messages d’exclusion à longueur de journée", a-t-il poursuivi. Du coup, "on ne pas parler de la volonté d’inclure ces personnes alors que les transports, les écoles et les hôpitaux ne sont pas accessibles. Ces accessibilités ne coûtent rien et peuvent apporter énormément au Maroc. Je rappelle qu’une personne en situation de handicap consomme 17 fois plus qu’une personne dite normale. Rien que pour l’emploi, on est obligé de consommer plus pour être au même niveau que les autres. Ce qui ne peut que contribuer à accélérer le moteur de la croissance économique", conclut-il.
Articles en relations
Politique
Société
Société