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Projet d’interdiction de TikTok aux Etats-Unis: entre soucis sécuritaires et concurrence technologique
19/03/2024 - 12:03
MAPLe texte, qui a été renvoyé au Sénat, obligerait ByteDance, la société mère de TikTok, à vendre l’application dans un délai de six mois, faute de quoi l'application de partage de vidéos serait exclue des boutiques d’Apple et de Google aux Etats-Unis.
L'adoption de ce projet de loi a suscité l'ire de Pékin, qui a condamné une décision "contraire au principe de concurrence". "Si un soi-disant prétexte de sécurité nationale peut être utilisé pour écarter arbitrairement des entreprises performantes d’autres pays, alors il n’y a plus d’équité ni de justice", a lancé Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Pour sa part, le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a appelé les utilisateurs de l'application aux États-Unis à réagir avec force. "Faites-vous entendre", a-t-il écrit sur TikTok et sur X après le vote de la chambre basse du Congrès.
Le réseau social, qui compte 170 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis, est depuis plusieurs mois dans le collimateur des autorités américaines et suscite des craintes concernant les menaces qui pèseraient sur la sécurité nationale. Plusieurs Etats ainsi que le gouvernement fédéral ont interdit l’utilisation de l’application sur les appareils officiels du gouvernement, invoquant des risques pour la sécurité nationale.
Le directeur du FBI, Christopher Wray, avait exprimé de graves préoccupations relatives à l’application vidéo chinoise. "Nous avons des préoccupations en matière de sécurité nationale concernant TikTok," avait souligné Wray devant la commission de la sécurité intérieure à la Chambre des représentants.
Wray avait souligné que le gouvernement chinois pourrait utiliser l'application pour contrôler les données ou les logiciels de millions d'utilisateurs, mettant en garde contre l'algorithme de recommandation de la plateforme, qui détermine les vidéos que les utilisateurs verront ensuite.
"En vertu de la loi chinoise, les entreprises chinoises sont tenues essentiellement de faire tout ce que le gouvernement chinois veut qu'elles fassent en termes de partage d'informations", avait estimé le directeur du FBI.
La veille du vote à la Chambre des représentants, de hauts responsables de la sécurité nationale américaine avaient tenu une réunion d’information à huis clos avec les législateurs pour discuter de TikTok et des implications pour la sécurité nationale.
Pourtant, la société a nié, à plusieurs reprises, avoir transmis des informations aux autorités chinoises, assurant qu’elle refuserait toute requête éventuelle en ce sens. En outre, le gouvernement américain n’a pas non plus fourni de preuves démontrant que TikTok a partagé les données de ses utilisateurs avec les autorités chinoises.
La balle est désormais dans le camp du Sénat, dont les dirigeants ont indiqué que le texte sera soumis à un examen approfondi. De son côté, le président américain, Joe Biden, qui a lui-même rejoint l'application en février pour booster sa campagne électorale en vue du scrutin présidentiel de novembre prochain, a affirmé que si le Congrès adoptait la mesure, il la signerait.
Pour certains analystes, l'adoption du projet de loi à la chambre basse est le dernier exemple des tensions accrues entre la Chine et les États-Unis et de la concurrence technologique entre les deux pays.
En s'attaquant à TikTok, le Congrès cible une plateforme populaire auprès de millions de personnes qui représente une vitrine pour Pékin et reflète les grands progrès technologiques réalisés par le géant asiatique.
Dans une vidéo publiée mercredi soir, le PDG de TikTok a déclaré que la société avait investi pour protéger les données des utilisateurs et protéger la plateforme TikTok de toute manipulation extérieure. "Nous n’arrêterons pas de nous battre et de défendre vos intérêts. Nous continuerons à faire tout ce que nous pouvons, y compris en exerçant nos droits légaux, pour protéger cette incroyable plateforme que nous avons construite avec vous", a ajouté Chew.
Toutefois, l'interdiction de l'application ne fait pas l'unanimité à Capitol Hill, où certains députés démocrates ont mis en garde contre l’impact de cette décision sur les entrepreneurs et les propriétaires d’entreprises.
Dans un revirement remarquable, l'ancien président Donald Trump s'est prononcé contre une interdiction de l'application chinoise, principalement parce qu’elle renforcerait Meta, la société mère d’Instagram et de Facebook, qu’il a qualifié d’"ennemi du peuple".
Pourtant, Trump avait tenté, lorsqu’il était président, d’arracher le contrôle de TikTok à ByteDance avant d’en être empêché par les tribunaux américains.
Quant aux Américains, ils demeurent divisés sur la question. Un récent sondage réalisé par l’Associated Press et le Center for Public Affairs Research indique que 31% des personnes interrogées soutiennent une interdiction totale de l’application, alors que 35% s'y opposent.
Par Jihad BENCHEKROUN
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