Economie
Quelles sont les déterminants du sous-emploi au Maroc?
15/07/2022 - 19:00
Mohamed BerradaLa Direction des Etudes et des Prévisions Financières, relevant du ministère de l’Economie et des finances, a publié en collaboration avec l’Observatoire National du Développement Humain (ONDH) une policy brief qui a pour objectif d’examiner dans quelles mesures les facteurs démographiques et économiques pourraient être à l’origine du sous-emploi lié au temps de travail et aux situations d’emplois inadéquats au Maroc.
Dans son introduction, l’étude estime que malgré plusieurs efforts déployés par l’Etat pour dynamiser le marché du travail national, ce dernier souffre encore de quelques dysfonctionnements d’ordre quantitatif, qualitatif et de gouvernance. "L’élasticité croissance-emploi est, en effet, relativement faible au Maroc, se situant à 0,3 au début des années 2000-2007 et avoisinant 0,2 pour la période 2008-2020 (12.550 emplois crées, en moyenne, pour chaque point de PIB durant la période 2008-2020 contre 32.264 emplois crées en 2000-2007)", peut-on lire également. Et d’ajouter que sur la base des données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), l’effectif de la population sous-employée a atteint, au niveau national, plus d'un million de personnes en 2021 (550.000 personnes dans les villes et 453.000 à la campagne), soit un taux de sous-emploi de 9,3% contre 14,6% en 2000.
Le papier définit deux formes de sous-emploi qui sont reconnues dans les normes internationales actuelles, le sous-emploi lié au temps de travail, et celui lié aux situations aux situations d’emploi inadéquat. "Le sous-emploi lié au temps de travail, qui reflète un nombre insuffisant d'heures de travail par rapport à une situation d'emploi alternative dans laquelle une personne est disposée et disponible à s'engager, et le sous-emploi lié aux situations d'emploi inadéquat, qui se réfère à tous ceux qui ont un emploi et qui souhaitent modifier leurs activités et/ou leur environnement de travail pour un ensemble de raisons choisies en fonction des circonstances nationales".
Le sous-emploi et le salariat
Pour contextualiser l’ampleur du sous-emploi dans le marché de travail marocain, les auteurs de l’étude avancent des chiffres fournis par le Haut-commissariat au Plan. Ils rappellent que le taux de sous-emploi au Maroc est passé de 14,6% en 2000 à 9,3% en 2021. "Cette évolution tendancielle moyenne du sous- emploi met en exergue une population active occupée sous employée en majorité masculine (86%), rurale à 52,8%, jeune ne dépassant pas l’âge de 35 ans à 26,6% et sans diplôme à 57,8%", précise le texte. Le niveau élevé du sous-emploi parmi les jeunes est expliqué, entres autres, "par un taux de chômage élevé qui, dès lors, se trouvent souvent dans l’obligation d’accepter des emplois plus précaires et générateurs de faibles revenus"
Notons également que le secteur privé demeure très touché par le phénomène du sous-emploi. Durant la période 2000-2021, le secteur privé compte la grande part des personnes en situation de sous-emploi, "avec une part de 95,7% en moyenne de la population sous-employée totale contre seulement 2,7% dans le secteur public". Par statut professionnel, les salariés sont également les plus touchés par ce phénomène, soit 49,9% en moyenne, suivi par les indépendants de 28,1% et les employés non rémunérés de 21,9% en moyenne pendant la même période.
Grosses disparités selon le genre, l’âge etc.
En ce qui concerne les déterminants individuels et spécifiques au sous-emploi au Maroc, l’étude conclut que les dimensions suivantes sont significativement associées au sous-emploi à un niveau de signification de 5%: le genre, le milieu de résidence, l’âge, le statut matrimonial, la dépense annuelle moyenne par personne (DAMP), le diplôme, l'éducation, le secteur d’emploi et le type de contrat de travail.
D’abord, en ce qui concerne la dimension genre, être une femme augmente la probabilité d’être sous-employée de 4%. "Ce résultat s’explique notamment par le recours des femmes au travail à temps partiel pour concilier entre la vie professionnelle et familiale et par la position vulnérable des femmes en termes d’accès au marché du travail", explique l’étude. La probabilité d'être en sous-emploi décroit progressivement avec l'âge, apprend-on également en ce qui concerne la dimension de l’âge. Il en va de même pour la situation matrimoniale, puisque l’estimation montre qu’être veuf(ve) ou divorcé(e) augmente la probabilité d’être sous-employé de 4% comparé au statut de célibataire.
S'agissant de la dimension de travail, avoir un contrat de travail diminue le risque de tomber en sous-emploi de 9,2% par rapport au fait de ne pas avoir de contrat de travail. Pour la situation géographique, les personnes résidant dans le milieu rural sont plus susceptibles d'être sous-employées avec une probabilité supérieure de 21% à celles des résidents dans le milieu urbain. Les personnes ayant terminé des études supérieures (facultés et grandes écoles) ont également moins de risque d'être sous-employées par rapport à celles sans diplôme avec une probabilité en baisse de 62%. Enfin, en ce qui concerne le secteur professionnel, les travailleurs exerçant dans le secteur Ménages voient leur probabilité d’être sous-employés quatre fois plus importante par rapport aux personnes engagées dans le secteur public et semi public.
L’étude conclut que les développements technologiques, les changements dans les besoins en compétences et les mutations démographiques "pourraient également influencer le sous-emploi, et nécessiteraient une anticipation et une réponse adéquate dans la mise-en-œuvre des politiques publiques". Les décideurs publics devraient dans ce sens, se concentrer sur le développement de compétences et de programmes conformes aux évolutions du marché du travail et aux caractéristiques du travail.
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