Société
Révision de la Moudawana : sur le chemin de la parité
28/09/2023 - 10:46
Khaoula BenhaddouDeux décennies après son entrée en vigueur, la Moudawana de 2004 ne suit plus les changements de la société et se trouve souvent en contradiction avec les textes de lois stipulant l’égalité entre les sexes. De ce fait, SM le Roi Mohammed VI, qui accorde un grand intérêt à la promotion des questions de la femme et de la famille, a adressé une lettre au chef de gouvernement appelant à réviser le code de la famille. Cette initiative royale a été largement applaudie par la société civile qui a longuement appelé à dépoussiérer ces textes de loi.
Garde des enfants, tutelle, pension alimentaire, héritage et mariage des mineurs sont des dossiers épineux qui ont fait couler beaucoup d’encre durant la dernière décennie
Considérés comme caduques dans la majorité des cas, ces textes ont souvent été un frein devant des mères divorcées qui ne pouvaient voyager avec leurs enfants sans l’autorisation du père ou encore qui perdaient la garde de leurs enfants si elles décident de refaire leurs vies.
Ces mêmes textes privent, en cas de divorce, des pères de passer du temps avec leurs enfants puisqu’ils ne peuvent les garder qu’une fois par semaine.
Le code de la famille ne s’adapte plus au développement de la société!
Contactée par SNRTnews, Maitre Khadija El Amrani, avocate et présidente de l’association Wlady ne cache pas son émotion; "c’est un moment historique pour nous. C’est la concrétisation de plusieurs années de travail et de lutte pour le droit de la famille. La lettre de SM le Roi adressée au chef du gouvernement concrétise la décision royale annoncée lors du discours du Trône de l’année 2022. Aujourd’hui, nous avons un délai pour la mise en œuvre de ce projet que nous attendons avec impatience", exprime avec fierté la militante qui ne rate pas l’occasion pour souligner les failles de la Moudawana de 2004.
"Considéré comme révolutionnaire à l’époque, le code de la famille ne suit plus le développement de la société. Il y a 24 ans, le taux de divorce était moins important qu’aujourd’hui. Selon les derniers statistiques, nous enregistrons plus de 5000 divorces par an, des divorces qui impactent bien évidemment sur la société, sur le père, l’enfant et la femme qui se voit privée de plusieurs droits comme la tutelle, la garde en cas de mariage, de voyage avec son enfant sans l’autorisation du père ou d’inscrire son fils dans une école de son choix".
Et d’ajouter "beaucoup de textes sont également à revoir notamment concernant la situation des enfants issus d’une relation extraconjugale. ces enfants sont les nôtres, on ne peut pas les ignorer et les priver de leur droit. Il y a également le dossier de l’héritage qui peut être révisé tout en restant conforme aux textes coraniques et c’est tout à fait possible, et bien évidemment, il y a la question de la tutelle et de la garde des enfants en cas de divorce qui doit se faire d’une manière partagée pour le bien de l’ enfant mais aussi des parents".
Des textes contradictoires!
Dans le même contexte, Maitre Khadija Rougani soulignent plusieurs textes contradictoires dans le code de la famille notamment l’article 19 et l’article 175 qui "sont complètement contradictoires et ne respectent pas le principe de la parité".
Dans le détail, l’article 19 stipule que "l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution…".
Pour sa part, l’article 175 de la Moudawana stipule que "Le mariage de la mère chargée de la garde de son enfant entraîne la déchéance de son droit de garde si le nouvel époux n’est pas un parent de l’enfant avec lequel il a un empêchement à mariage ou s’il n’est pas son représentant légal".
Maitre Khadija Rougani ne cache pas son étonnement; "c’est injuste, la mère perd la garde de son enfant si elle décide de refaire sa vie alors que l’homme ne perd pas la garde même s’il se remarie plusieurs fois. De quelle parité parle-t-on?".
Un autre problème se pose en cas de divorce, c’est la pension alimentaire; "il est inconcevable aujourd’hui que certains juges décident d’une pension de 400 dhs pour un père qui touche un bon salaire tout simplement parce qu’il a réussi à présenter des preuves et des documents falsifiés. Nous devons mettre en place des mécanismes et des assistantes sociales pour faire le suivi des dossiers et vérifier les documents présentés ".
Ce n’est pas tout. L’avocat appelle à simplifier les procédures du divorce et éliminer des formes de divorces devenus obsolètes; "il y a plusieurs formes de divorce comme par le divorce par Khol, pour discorde, pour préjudice subi, pour vice rédhibitoire ou pour serment de continence ou le délaissement… Toutes ces formes de divorces doivent être supprimés et n’en ont gardé que deux types, notamment le divorce par consentement mutuel ou le divorce à la demande de l’un des époux".
Avant de conclure, maitre Rougani tire la sonnette d’alarme sur le viol conjugal qui se répand dans la société marocaine; "il est impératif de préparer des textes clairs et concrets concernant cette problématique. Certains époux pensent qu’ils ont le droit de violer leurs épouses et cette dernière ne peut même pas porter plainte faute de témoins et de textes qui la protègent".
D’autres dossiers seront également sur la table des institutions juridiques et gouvernementales chargées de la révision de la Moudawana et ce dans un délai n’excédant pas six mois.
Pour rappel, Aziz Akhannouch a tenu, ce mercredi 27 septembre une réunion consacrée à la mise en œuvre du contenu de la Lettre Royale relative à la révision du Code de la famille que SM le Roi Mohammed VI, a adressée au Chef du gouvernement.
Ont pris part à cette réunion, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, le Président délégué du Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire, Mohammed Abdennabaoui et le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, Président du Ministère public, El Hassan Daki.
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