Société
Khadija El Amrani : «SM le Roi Mohammed VI a écouté notre détresse»
02/08/2022 - 10:27
Khaoula BenhaddouVous luttez depuis plusieurs années pour la relecture de certains textes de la Moudawana. Que pensez-vous du discours de SM le Roi Mohammed VI qui ouvre la voie à une révision des textes ?
C’est un grand soulagement. SM le Roi Mohammed VI a écouté et a compris notre détresse. Il a posé le doigt sur les lacunes et les failles qui existent dans quelques textes de loi. On le remercie d’avoir écouté nos doléances et d’avoir ouvert le débat sur une éventuelle relecture de la Moudawana.
Quelles sont, selon vous, les grandes failles dont SM le Roi a parlé dans son discours ?
Après tant d’années de mise en œuvre de la Moudawana, il s’est avéré qu’elle a un caractère patriarcal qui a causé beaucoup de préjudices. La première chose qu’on comprend du discours c’est la question de l’inconstitutionnalité de plusieurs textes de la Moudawana. C’est ce qui a été révélé à l’arrivée de la constitution de 2011 notamment avec l’article 19 qui stipule que: «L'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume». Ce texte est inconstitutionnel puisque plusieurs textes négligent le concept même de la parité.
Cette parité est écartée notamment lorsqu’il s’agit de la garde des enfants après le divorce, et c’est justement votre cheval de bataille!
Exactement ! Cette garde est enlevée à la mère lorsqu’elle se remarie alors qu’elle n’est pas enlevée au père lorsqu’il se remarie ! De quelle parité parle-t-on? Dans ce sens, je pense que les articles 173 et 175 du code doivent être modifiés. Ce n’est pas tout, je pense qu’il faut mettre en place une garde partagée ou alternée et étendre le droit de visite à plus d’un jour par semaine. Tout cela, dans le but de permettre à l’enfant de bénéficier de ses deux parents malgré le divorce.
La femme divorcée est souvent menacée de perdre la garde de ses enfants !
Justement ! Certaines femmes perdent la garde de leurs enfants à cause de raisons parfois injustes. Par exemple, il suffit de 3 faux PV d’huissiers de justice qui stipulent que la maman n’a pas accordé le droit de garde les dimanches. La maman va donc perdre la garde de ses enfants à cause de PV dont elle n’a jamais eu connaissance. Mieux encore, une maman peut perdre la garde de ses enfants juste parce qu’elle s’est trouvé avec un autre homme dans une voiture. Il s’agit là de la notion de «droiture» qui est très vague et qui doit absolument être corrigée. Tout cela est le résultat de jurisprudence que nous avons cumulé et qui sont d’un ridicule inégalable. Pour cela, nous allons mettre en place un texte qui va être conforme réellement à l’éthique aux valeurs et à la logique.
A part la garde des enfants, quelles sont les autres failles concernant le divorce ?
J’avais fait une intervention au parlement en juin et j’avais soulevé toutes les anomalies et je les ai formulées en propositions qui ont été transmises au ministère de la justice. Dans cette présentation j’avais souligné le problème de pension et de tutelle. Il est inconcevable aujourd’hui de priver une maman divorcée d’inscrire son enfant à l’école, de voyager avec lui ou de faire opérer en urgence son enfant sans l’autorisation du tuteur légal. Il y a également le point concernant la pension alimentaire, les modalités de calcul, les délais…
Justement, comment fixer les modalités de calcul, y a-t-il une fourchette ?
C’est ce qu’on envisage de faire, je travaille sur le code suisse qui est très clair sur les modalités de calcul. Il s’agira de voir en matière de droit comparé comment ça se passe pour vraiment asseoir une pension alimentaire qui va être claire nette et précise parce qu’on parle des intérêts des enfants
Nous devons corriger dans les plus brefs délais ces lacunes qui causent la souffrance des mères, des pères mais surtout des enfants.
Qu’en est-il du mariage des mineurs ?
C’est une question cruciale parce qu’on parle du mariage d’un enfant de façon assez forcé. C’est une question qui soulève beaucoup de problèmes parce que si vous enlevez l’autorisation du juge ils finissent par les marier avec la Fatiha. C’est très compliqué à moins qu’on sanctionne le père, dans ce cas cette question relèvera forcement du code pénal.
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