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Abdelfattah Kilito: un géant marocain de la littérature
05/01/2023 - 12:00
Mohammed FizaziAbdelfattah Kilito est né le 10 avril 1945 à Rabat, il a fait ses études au lycée Moulay Youssef, puis à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat (FLSHR). Il obtient son doctorat à l'Université Sorbonne Nouvelle en 1985, avec une thèse sur la narration et des modèles culturels dans les Maqamat d'al-Hamdhani et d'al-Hariri. Il est, depuis 1968, professeur à la FLSHR.
Il a donné de nombreuses conférences, participé à des rencontres culturelles au Maroc et à l'étranger, et est membre de l'Union des Ecrivains Marocains. Il a également enseigné en tant que professeur invité dans plusieurs universités européennes et américaines, dont l'Université Bordeaux, Sorbonne Nouvelle, le Collège de France, l'Université de Princeton et l'Université de Harvard.
Son oeuvre, très riche a été commentée et étudiée aussi bien dans des articles de presse que dans des ouvrages et publications universitaires en arabe et en français. Outre le prix du Roi Fayçal qu'il vient de recevoir, il a également remporté le Grand prix du Maroc en 1989, le Prix Grand Atlas en 1996 et le prix de l'Académie Française la même année.
Parmi ses écrits, on pourrait citer, de manière non exhaustive "Tu ne parleras pas ma langue" (2008), "Les Séances" (1998), "Dites-moi le songe" (2010), "La Querelles des images" (1995), "Le Cheval de Nietzche" (2007) etc.
Une oeuvre d'une grande diversité
Il est effectivement intéressant de noter que l'oeuvre d'Abdelfattah Kilito comprend des ouvrages en arabe et en français. Tandis que ses oeuvres de fiction sont écrites uniquement en français. De plus, ses écrits sont caractérisés par une grande diversité générique, en couvrant un large éventail de genres littéraires. Parfois, il est même difficile de déterminer avec précision le genre auquel appartient un de ses écrits.
Dans son oeuvre, Abdelfattah Kilito a exploré la relation entre l'essai et le récit, en mettant en avant l'importance de la mémoire et de l'oubli dans l'écriture. Selon lui, écrire est un processus de mémorisation qui consiste à se souvenir de soi-même et des autres textes. Cependant, il a également mentionné le concept de l'intertextualité, selon lequel toute littérature est la répétition d'une littérature antérieure. Kilito a également évoqué l'idée selon laquelle l'oubli ne serait pas réel et que la mémoire ne s'effacerait pas vraiment, mais serait plutôt cachée par des couches de nouvelles inscriptions.
Il a en outre souligné l'importance du palimpseste, un support écrit sur lequel de nouvelles inscriptions viennent recouvrir des inscriptions précédentes, qui n'ont pas complètement disparu mais deviennent illisibles. Selon Kilito, lire un palimpseste revient à analyser les interstices entre les lignes pour y découvrir des signes cachés. Enfin, Kilito a également mis en avant l'idée que la littérature est le confluent de tous les savoirs et qu'une analyse d'un texte littéraire nécessite la connaissance de nombreux domaines différents.
Dans son ouvrage "Le Cheval de Nietzsche", l'auteur examine le concept de la copie et de la transcription en tant qu'outils pour apprendre à écrire. Selon lui, la copie est un "monde magique" où l'originalité n'existe pas et où tout texte est une reproduction exacte d'un autre. Kilito considère que pour devenir écrivain, il faut d'abord copier, tel un élève ayant reçu une punition. La copie, la création d'un double du texte copié à travers celui qui le copie. Pour être écrivain, il ne s'agit donc pas d'apprendre puis d'oublier, comme le suggère le maître d'Abou Nawas, mais plutôt de recopier les oeuvres des autres sans altérer ni leur graphie, ni leur sens.
Dans ses écrits, Kilito aborde de nombreux auteurs et ouvrages, notamment les Mille et Une Nuits, les auteurs arabes classiques, les chefs-d'oeuvre de la littérature mondiale particulièrement Borges. Son livre "L'auteur et ses doubles" explore les thèmes de l'identité et de la création de doubles dans l'écriture. D'autres ouvrages, comme "Le Scribe et son double" de Abdelkébir Khatibi, "L'ombre du poète" de Mahi Binebine et "L'ombre du chroniqueur" de Noureddine Sail, abordent également ces thèmes, mais Kilito ne semble pas chercher à établir une hypothèse épistémologique sur les liens entre la copie et l'original, l'oubli et la mémoire, mais plutôt à explorer ces concepts de manière réflexive.
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