Société
Cour des comptes: le secteur des médicaments sous la loupe
07/03/2023 - 19:29
Khaoula BenhaddouLa crise sanitaire a révélé au grand jour l’importance vitale de la souveraineté médicamenteuse. Conscient de cela, le Royaume s’est investi dans le renforcement de la production locale. Hélas, cette production se trouve confrontée à plusieurs freins.
Procédures et lois
Le rapport de la Cour des comptes rappelle que le processus d’autorisation, de contrôle et de fixation des prix des médicaments à usage humain sont encadrés par la loi n° 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie et ses textes d’application.
Ils commencent par le dépôt de l’établissement pharmaceutique industriel (EPI), auprès de la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP), d’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Après l’évaluation administrative et technique des dossiers appuyant cette demande, la décision d’octroi de l’AMM est prise par le ministère de la Santé et de la protection sociale après avis de la Commission nationale d'autorisation de mise sur le marché des médicaments à usage humain (CNAMUM), pour les médicaments princeps, et la Commission des études de bioéquivalence (CEB) dans le cas des médicaments génériques.
L’obtention de l’AMM est suivie par le dépôt d’une demande de fixation du prix du médicament, auprès de la DMP qui l’instruit avant de la soumettre à la commission interministérielle des prix qui est tenue de fixer le prix du médicament concerné.
Concernant le cadre juridique, la mise en œuvre de toutes dispositions de la loi 17.04 portant code du médicament et de la pharmacie et du décret n°2.14.841 relatif à l'autorisation de mise sur le marché des médicaments à usage humain nécessitent l’adoption d’un ensemble de textes d’application, néanmoins, 10 de ces derniers n’ont pas vu le jour.
Ambiguïtés
A en croire le rapport de la Cour des comptes, des ambiguïtés ont été constatées au niveau des dispositions réglementaires liées aux stocks de sécurité des médicaments et à la méthode de fixation des prix des médicaments génériques.
De même, le décret n° 2-13-852 du 18-09-2013 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés ne précise pas la méthode de détermination des prix des médicaments dits sans statut.
Ce n’est pas tout, le rapport souligne que le cadre juridique actuel est peu incitatif à la production nationale de manière globale et à la pénétration des médicaments génériques en particulier et, par conséquent, à la disponibilité des médicaments et à leur accessibilité économique.
Le rapport souligne que le cadre juridique actuel encourage les importations au détriment de la production locale en accordant une marge bénéficiaire supplémentaire de 10% du PFHT sur chaque médicament importé.
En ce qui concerne le développement du marché des médicaments génériques, la durée des brevets des médicaments princeps au Maroc (entre 20 et 25 ans, selon la loi n°17-97 relative à la protection de la propriété industrielle) est relativement longue par rapport à d'autres pays. A titre de comparaison, cette durée est de dix ans seulement dans les Etats membres de l’Union européenne.
Disponibilité et stock des médicaments
S’agissant des mécanismes pour assurer la disponibilité et la qualité des médicaments, il n’a pas été possible de s’assurer que les processus mis en place par le ministère permettent de garantir la disponibilité des médicaments de qualité sur le marché national. En effet, le ministère ne dispose pas de données sur la production nationale des médicaments et le système d’évaluation des besoins en médicaments essentiels reste incomplet et imprécis.
De plus, le contrôle des stocks de sécurité se limite à l’enregistrement des stocks déclarés par les EPI. Quant aux établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs, ils ne procèdent pas à la déclaration de leurs stocks de sécurité comme prévu par la réglementation en vigueur.
Fixation des prix
Les prix des médicaments sont impactés par les marges des grossistes et des officines, et par le taux de la TVA qui dépassent ceux appliquées par les pays du benchmark.
Les différentes révisions des prix des médicaments, appliquées durant la période 2014-2021, n’ont pas eu un impact significatif sur la baisse des prix et par suite sur son accessibilité économique. Les baisses peu significatives des prix sont le résultat de l’adoption d’une méthode de révision des prix des princeps basée sur la moyenne des PFHT des pays du benchmark, telle que prévue par l’article 14 du décret n° 2-13-852 précité. L’application de cette formule se traduit par des baisses peu significatives, ou le maintien du prix initial lorsque le PFHT en vigueur au Maroc au moment de la révision est inférieur au prix obtenu.
Les recommandations
La Cour des comptes a recommandé de veiller à la complétude et à la mise à jour régulière du cadre juridique régissant le secteur des médicaments.
Elle a recommandé, également, au ministère de la Santé de mettre en place une politique pharmaceutique nationale axée sur le développement de la production nationale, et de revoir les processus d’autorisation, de contrôle et de fixation des prix des médicaments, notamment les délais réglementaires d’octroi des AMM et les méthodes de fixation et de révision des prix de manière à garantir leur disponibilité et accessibilité économique continues.
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