Politique
De 1912 à 1956 ... l'histoire de l'indépendance
18/11/2021 - 16:00
Aïcha DebouzaNous sommes en janvier 1906. Une conférence internationale autour de la question marocaine s’ouvre à Algésiras, en Espagne. À bout, la souveraineté de l’Empire chérifien souffre depuis la conférence de Madrid de 1880 en vertu de laquelle, les pays européens avaient gagné la liberté de posséder des terres et des biens dans l’ensemble du territoire marocain.
Le Maroc, qui par ledit accord d’Algésiras, souhaitait échapper aux appétences des Européens, échoue. L’acte final de la conférence place le pays sous observation des grandes puissances européennes, sous couvert de réforme, de modernité, et d’internationalisation de l’économie marocaine.
Deux accords conclus en 1912
Arrivé au 30 mars 1912, le traité de Fès instaure le protectorat français sur le Royaume. Le 27 novembre de la même année, un second accord est conclu, mais cette fois avec l’Espagne. C’est décidé : les trois zones d’influence espagnole sont le Nord, le Sud et autour d’Ifni.
Une décision qui fait suite à un accord franco-britannique secret conclu en novembre 1904, destiné à égaliser les différends coloniaux entre les deux puissances. La zone de Tanger est quant à elle soumise à un régime particulier, de caractère international, qui ne sera précisé que par la Convention de Paris du 18 décembre 1923.
Dans son ouvrage "Histoire du Maroc", l’historien maroco-israélien Michel Abitbol explique que le pourcentage du flux migratoire européen, surtout des Français, fut décuplé, atteignant en 1920 jusqu’à 64% des nouveaux venus. Et ça ne s’est pas arrêté ici. Les Français sont passés de 100.000 personnes environ en 1926 à 170.000 au début des années 30 pour s’établir finalement à 475.000 en 1951. Le Maroc faisait partie, en cette période, de l’Afrique française du Nord, avec l’Algérie française et le protectorat de la Tunisie et plus largement de l’Empire colonial français.
Ces différents accords régissent le Maroc jusqu’à la reconnaissance de l’indépendance du pays en 1956. Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement en faveur de l’indépendance progresse. Les nationalistes marocains présentent à Feu SM le Roi Mohammed V un Manifeste pour l’indépendance du Maroc.
Le Souverain demande à plusieurs reprises l’indépendance du Royaume et en parle cette fois-ci ouvertement dans son célèbre discours de Tanger, prononcé le 10 avril 1947. Mais pas seulement. Feu SM le Roi Mohammed V demande encore une fois l’indépendance du Maroc dans son mémorandum du 11 octobre 1950 après lequel il entre en conflit avec les résidents généraux représentant la France.
De nombreuses manifestations contre la présence française
La tension est très forte dès la fin de l'année 1952, qui voit se dérouler les Émeutes des 7 et 8 décembre 1952 à Casablanca, causant de cent à trois cents morts selon les historiens. Le 20 août 1953 Feu SM le Roi Mohammed V est exilé en Corse puis à Madagascar après de nombreuses manifestations contre la présence française. Un nouveau sultan, Mohammed Ben Aarafa est donc élu à sa place par les Oulémas.
Dans son ouvrage Michel Abitbol, explique que la défaite française de Diên Biên Phû, le 9 mai 1954 a été de portée décisive sur le processus historique qui a conduit le Maroc vers l’indépendance. "Elle fit prendre conscience à la France qu’elle ne pouvait s’attaquer de front à la question marocaine (et tunisienne) en même temps en même temps qu’elle tentait de juguler le soulèvement de l’Algérie survenu dans la nuit du 30 octobre au 1er novembre 1954", détaille-t-il.
À partir des dernières semaines de l’année 1955, le statut juridique international du Royaume du Maroc subit un bouleversement profond. D’état "protégé", le Maroc est devenu un "Etat indépendant". Dans son ouvrage "Le statut international du Maroc depuis 1955", André de Laubadere explique que ce processus de réalisation de ce bouleversement a présenté des caractères propres.
Il s’agit d’abord de la "soudaineté", puisque cette mutation de statut s’est opérée sans que le Maroc ne soit passé par un stade intermédiaire et en brûlant, selon les dits du juriste français, la fameuse étape de "l’autonomie interne". Ensuite est arrivée l’étape de "la complexité" des actes conventionnels destinés à consacrer le changement. C’est une "complexité résultant du caractère composite que présentait le statut de l’Empire chérifien, divisé, on le sait en trois zones", explique André Laubadere.
Le retour de Feu Mohammed V ouvre la voie à l'indépendance
Edgar Faure, qui redevient chef du gouvernement français en février 1955, formule alors l'idée d'une "indépendance dans l'interdépendance", qu'il fait appliquer au Maroc par le Conseil des ministres du 5 novembre 1955, après avoir rappelé Feu SM le Roi Mohammed V, à La Celle-Saint Cloud. La déclaration commune du 6 novembre permet alors le retour du Sultan sur son trône, le 16 novembre et ouvre la voie à l'indépendance.
Un gouvernement est formé, sous la présidence de Sid Bekkaï ben Mbarek Lahbil, par un dahir du 7 décembre 1955, encore visé par le résident général français André-Louis Dubois. Le nouveau gouvernement de Guy Mollet poursuit la même politique et une déclaration commune, le 2 mars 1956, reconnaît la caducité du traité de Fès de 1912. Des accords, conclus le 28 mai, définissent les nouveaux rapports entre les deux pays.
L'Espagne reconnaît aussi l'indépendance du Maroc et la nécessité d'établir des relations nouvelles entre les deux pays, par une déclaration commune du 7 avril 1956, qui permet au gouvernement marocain d'établir son autorité sur la zone de Tétouan. Une conférence internationale réunissant les neuf puissances concernées reconnaît, par sa déclaration finale du 29 octobre 1956, l'abolition du statut international de Tanger (Dahir du 6 novembre 1956, BO de l'Empire chérifien, n° 2305 du 28 décembre 1956).
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