Société
Indépendance: le visage féminin de la lutte contre le colonisateur
18/11/2021 - 10:42
Khaoula Benhaddou"La mémoire historique et les parcours de lutte nationale sont marqués d'exemples de diligence, de générosité et de sacrifice dont la femme marocaine avait fait preuve dans la lutte pour l'indépendance", avait déclaré Mustapha El Ktiti lors d’une conférence sur l’impact de la femme marocaine sur le mouvement de libération nationale.
Le responsable avait aussi rappelé que la femme s’est engagée corps et âme lors de l’épopée de la Révolution du Roi et du Peuple, qu’elle avait participé dans les manifestations, contribuait aux opérations des Fidayines et prenait en charge les blessés.
Les militantes de l’ombre
L’histoire ne garde que quelques noms de femmes qui ont participé dans le mouvement de libération du Maroc, mais des milliers d’autres ont durement travaillé dans l’ombre. "Dans le quartier, nous étions une dizaine de femmes à militer contre le colonisateur, chacune à sa manière. Personnellement, je me souviens que j’étais enceinte des jumeaux lorsque mes trois frères étaient emprisonnés, malgré ma grossesse, j'informais les militants des dates des réunions secrètes. Pour aider mon mari qui était dans la Moukawama, je cachais les armes dans les jarres de viande séchée. Un Français a tenté de fouiller la cuisine et j’ai lutté férocement pour l’empêcher à le faire", raconte fièrement Rkia, une octogénaire de Fès.
Rkia n’est pas la seule à défendre les constantes de la Nation. Des milliers de femmes ont participé de plusieurs manières à la résistance. Si certaines transmettaient les informations aux militants, d’autres distribuaient les armes, l’eau et la nourriture aux combattants ou assistaient les blessés.
Les étapes d'une lutte "féminine"
À ce propos, des auteurs marocains et étrangers mentionnent dans leurs ouvrages que plusieurs femmes ont joué un rôle remarquable lors des nombreuses batailles. D'ailleurs, la chercheuse marocaine Assia Benadada avait publié un précieux article sur "Les femmes dans le mouvement nationaliste marocain". Dans cet article paru dans la revue "Clio. Femmes, Genre, Histoire", la chercheuse précise que le militantisme féminin est passé par plusieurs périodes. "En 1913, la France voulant déshériter une femme de la tribu berbère de Zemmour appliquant de ce fait Al orf (le droit coutumier), les femmes de cette tribu se réunirent dans la ville de Khemisset pour protester. Ce fut la première manifestation contre la politique berbère avant qu’elle ne devienne officielle le 16 mai 1930", lit-on dans l'article.
La chercheuse poursuit : "La deuxième étape de la lutte anti coloniale est la création d’un mouvement politique à caractère urbain et pacifique qui a commencé dans les années trente…Quelle a été la place des femmes dans ce mouvement ? Les sources sont surtout masculines, les femmes n’ayant laissé aucune trace écrite directe sur elles-mêmes contrairement à certains chefs politiques ... Néanmoins, on sait qu’elles ont participé au mouvement comme le montrent les actions qu’elles ont menées au sein des associations féminines. En 1944, le parti de l’Istiqal crée l’association des femmes indépendantes. En 1947, le parti démocrate de l’Indépendance crée l’association Akhaouat Assafa (Sœur de la pureté). D’autres associations naissent également dans la région du Nord".
Toujours selon la même source, plusieurs femmes comme Aicha Bent Abi Ziane, Mama Al Farkhania, Aicha Al Ouarghalia, Haddhoum Bent Al Hassan ont farouchement lutté contre le colonisateur.
Les femmes du Moyen Atlas sont également connues par leur militantisme. D’ailleurs, Itto la fille de Moha ou Hammou Azzayani a lutté aux côtés de son père et a poursuivi sa mission même après son décès.
L’histoire raconte également que des femmes du Sud du Royaume ont participé directement aux combats et ont même été tuées dans la guerre. Le cas par exemple d'Aicha El Amrania qui a été assassinée dans la guerre d’Assak en 1916. D’autres femmes ont également participé dans des guerres comme El Hri, Anoual, Boughafer.
À part la participation directe dans les batailles, les femmes villageoises avaient également un rôle important dans la lutte contre le colonisateur, mais aussi contre les traîtres. "Les femmes marocaines ont joué un rôle primordial durant la période coloniale. Par exemple dans les villages de l’atlas, les femmes marquaient les traîtres et les hommes qui fuyaient les combats avec du henné pour les humilier et les marginaliser. Elles leur interdisaient même de s’approvisionner en eau des puits", explique à SNRTnews, Bouchaib Radif, chercheur en communication politique.
"Certaines femmes demandaient même le divorce si leur mari refuse de participer au combat. D’autres femmes jetaient des pierres ou de l’eau bouillante sur les agents de police étrangers sans oublier les messages codés transmis dans les chansons de l’Aita comme la fameuse chanson (libgha Habibou yemchi yjibou) le Habib dans cette chanson n’est autre que Feu SM le Roi Mohammed V", développe le chercheur.
Les icônes de la résistance
Plusieurs noms sont gravés en lettres d’or dans l’histoire du militantisme national. Inutile de rappeler Malika El Fassi, l’unique femme signataire du manifeste de l’indépendance, Fatima Zahra Bent Moulay Hassan El Belghiti, première femme martyre assassinée lors de la manifestation du Mchouar à Marrakech, sans oublier Touria Sekkat et Zhor Zerka qui se sont mobilisées pour la sensibilisation des femmes ou encore Fatima Benslimane qui a mobilisé les femmes à sortir dans les rues et à lire le Latif en signe de protestation contre le Dahir Berbère…
Qui plus est plusieurs mouvements féminins se sont constitués pour éduquer, sensibiliser et améliorer la situation des filles et des femmes qui ont joué par la suite un rôle primordial pour le développement du Royaume.
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