Société
D'une simple esclave, Zaydana contribue au règne de Moulay Ismaïl et bien plus...
24/04/2022 - 21:34
Aïcha DebouzaEntant que sultane, Lalla Aïcha, future Zaydana ou Zidana, a joué plusieurs rôles et a contribué au pouvoir de son conjoint, Moulay Ismaïl. Au prix d’une répression sanglante, celui-ci a régné en monarque absolu de 1672 à 1727, et a mené le Maroc à l’apogée de sa puissance. Mais pour les comprendre tous les rôles que notre héroïne jouera, il faudra étaler quelques épisodes de sa vie.
Une esclave pour Moulay Ar-Rachid
De sa jeunesse, nous connaissons peu. Mais une chose est sûre: Lalla Aïcha Al Mubaraka (عائشة بنت مبارك الرحماني) est d’abord une esclave comme toutes les autres, offerte à Moulay Ar-Rachid, frère du sultan Moulay Ismaïl. Très tôt, elle sait se faire remarquer par ce dernier. "Certes, Zidana ne correspond pas tout à fait aux canons de la beauté. Cependant, elle a une intuition et une pénétration exceptionnelles. Elle a été donc capable de comprendre le sultan, ses ambitions démesurées et ses méthodes tyranniques. La préférant à une foule de belles jeunes esclaves, il va l’acheter à son maître et l’épouser", explique dans son livre, "Femmes politiques au Maroc d’hier à aujourd’hui", l’historienne Osire Glacier.
C’est ainsi que Lalla Aïcha devient la première des quatre épouses légitimes du sultan. Elle devient ensuite la sultane Zaydana lorsqu’elle donne naissance à Zaydan (Zidan), premier enfant du sultan. Et c’est à partir de cet instant-là, que ses rôles commencent à prendre forme. "Elle a contribué à assurer la sécurité de son conjoint. Par exemple, elle goûte elle-même la nourriture, qui est d’ailleurs préparée dans son appartement, avant de la servir au sultan. Ensuite, elle règne sans compromis dans le harem de son conjoint. À ce propos, les chiffres avancés par les historiens varient. Certains parlent d’un sérail composé de 500 femmes, pendant que d’autres avancent les chiffres de 2.000, provenant de toutes les nations", relate ladite écrivaine.
Rappelons qu’à cette époque, ces femmes ne vont en ville qu’une fois par an, pour se rendre à la mosquée le jour d’anniversaire de la naissance du prophète. De plus, elles ne peuvent sortir de leur chambre sans la permission du Roi. Seule Zaydana a le privilège d’aller où bon lui semble, elle se promène dans le sérail, en se faisant porter un sabre par une servante qui marche devant elle. "Inversement, elle intervient auprès du sultan en faveur de ceux et celles qui lui font cour. C’est d’ailleurs connu : pour obtenir les grâces du Roi, il faut passer par Zidana, en lui faisant quelques présents", détaille dans son livre, Osire Glacier. Le sultan Moulay Ismail avait donc des milliers de concubines esclaves dans son harem et des centaines d'enfants. Avec Lalla Aisha, il avait trois épouses légales supplémentaires : Lalla Halima Al Sufyaniyah , Lalla Umm al-Iz at-Taba et Lalla Khanata bent Bakkar.
Une rivale, puis un autre
Tout semble fonctionner comme Zaydana l’avait prévu. Mais à son malheur, l'histoire prend un tout autre tournant. Moulay Ismaïl tombe amoureux d’une autre femme dont le nom n’a pas été retenu par les historiens. Et cette femme va devenir sa campagne préférée. Lorsqu’elle donne naissance à un enfant qu’elle nomme Mahamet, cette dernière ignore complètement ce qui l’attend. Le môme attire l’attention de son père qui s’occupe personnellement de lui et lui apprend les sciences et les exercices guerriers. "Dès son jeune âge, Mahamet fait partie des toulbas (docteurs reconnus du pays). Ses réussites lui valent le surnom de Mahamet al-alim (le savant) et lui valent aussi le courroux de la sultane Zidana puisqu’il semble devenir un rival de son fils Zidan qui, en tant qu’aîné, est l’héritier présomptif au trône", raconte l’historienne.
La sultane conçoit alors le double projet de se débarrasser de Mahamet et de sa mère. Elle réussit donc à faire croire au sultan que sa nouvelle préférée le trompe. Indigné, ce dernier la condamne à mort par strangulation. Dans un second temps, Zaydana parvient à éloigner Mahamet du Royaume puis lui fait croire que son père va lui retirer sa charge dès son retour de la guerre. Et son plan fonctionne à merveille, car Mahamet va se révolter contre son père et tenter d’occuper le Maroc en 1703.
Dès que le sultan réalise qu’Al-Alim est innocent, il le désigne comme gouverneur de Taroudant. Cependant, trois ans plus tard, il le démet encore une fois de ses fonctions. Las du comportement de son père, Al-Alim se rebelle et réclame le gouvernorat de Marrakech. En guise de réponse, le sultan défie le fils de Zaydana de vaincre son frère pour prendre sa place.
Ironie du sort : c’est frère et rival Zaydan qui dirige l’armée du sultan, qui le vainc. Une fois capturé, Mahamet est supplicié par son père. Il décède en 1706. Mais si Zaydana réussit à se débarrasser une fois pour toutes de Mahamet, son fils Zaydan, n’accédera pas au trône comme elle l’espérait. En fait, ce dernier connaîtra un sort semblable à celui de son rival. Car au final, Zaydan sera nommé gouverneur de Sous et de sa capitale, Taroudant.
Peu de temps après sa nomination, il se soulève contre son père et finit donc par mourir étouffé en 1707. "Si les sources divergent concernant le rôle joué par Zidana durant l’épisode de la rébellion de son fils, une fois ce dernier décédé, elles ne mentionnent plus la terrible sultane. Zidana est décédée en 1715", formule Osire Glacier.
Articles en relations
Société
Société
Société
Société