Economie
OCDE: Stimuler l'emploi et améliorer sa qualité, un enjeu crucial pour la croissance économique du Maroc
11/09/2024 - 16:43
Mohammed FizaziL’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a présenté, ce mercredi 11 septembre 2024, son étude économique de 2024 sur le Maroc, mettant en lumière les enjeux majeurs auxquels le pays est confronté pour assurer une croissance inclusive et durable. Au cœur de ces défis : la nécessité de créer plus d’emplois de qualité pour répondre aux besoins d’une population jeune et croissante
Le rapport aborde plusieurs volets essentiels du marché du travail, dont l’informalité, le chômage des jeunes, la faible participation des femmes et la nécessité d'améliorer la qualité des emplois dans le secteur formel.
Contexte économique et marché du travail
Le rapport indique que le Maroc a montré une résilience remarquable face aux récents chocs économiques, notamment la pandémie de COVID-19, la crise énergétique mondiale et le tremblement de terre d'Al Haouz en 2023. Ces crises successives n'ont toutefois pas empêché le pays de maintenir une croissance moyenne de 3,4 % en 2023, portée par la reprise des exportations, du tourisme et des investissements. Cependant, pour soutenir une croissance durable à long terme, l'OCDE souligne l'urgence de réformes structurelles profondes, en particulier sur le marché du travail.
L'économie marocaine est marquée par un double défi structurel: d'une part, une prédominance de l'informalité, et d'autre part, un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes et les femmes. Ces deux problèmes freinent la capacité du pays à générer des emplois de qualité et à inclure pleinement ses citoyens dans l'économie.
L’informalité: un frein à la productivité et à la compétitivité
En 2023, environ 60% des emplois au Maroc se trouvaient dans le secteur informel, ce qui signifie que ces travailleurs n'ont pas accès aux droits sociaux, aux protections légales, ni aux avantages que procure le travail formel. Cette situation a des effets dévastateurs sur la productivité, car les emplois informels sont souvent peu qualifiés, précaires et faiblement rémunérés. L’OCDE souligne que cette dynamique contribue à la perpétuation d’un cercle vicieux de faible croissance et d’inégalités sociales.
L’informalité est particulièrement prévalente dans le secteur agricole et dans les zones rurales, où l'accès aux infrastructures et aux services publics est limité. Elle est également répandue dans les petites entreprises du secteur urbain, où la rigidité des réglementations sur l’emploi dissuade les employeurs d’enregistrer leurs travailleurs.
L'OCDE recommande au Maroc de renforcer l'application des lois du travail, tout en réduisant les charges sociales pour les travailleurs à faibles revenus afin d'inciter à la formalisation de l’emploi. Ces mesures devraient s’accompagner d'un renforcement des capacités d'inspection du travail et d'une meilleure surveillance des entreprises pour assurer le respect des droits des travailleurs. Des exemples de réussite d'autres pays sont cités pour illustrer comment la formalisation progressive peut améliorer la qualité des emplois et générer des recettes fiscales supplémentaires, essentielles pour financer des réformes sociales ambitieuses.
Le chômage des jeunes : une urgence sociale
Le chômage des jeunes reste l’un des problèmes les plus préoccupants pour le Maroc. En 2023, près de 30 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient sans emploi, un chiffre particulièrement élevé en milieu urbain. Cette situation est aggravée par le décalage entre les compétences enseignées dans les établissements éducatifs et les exigences du marché du travail. L’OCDE note que de nombreux jeunes quittent le système éducatif sans qualification suffisante pour accéder à des emplois décents, ce qui les pousse souvent vers le secteur informel.
Pour remédier à ce problème, l’OCDE préconise de renforcer les politiques actives du marché du travail (PAMT), qui visent à encourager l’emploi des jeunes par des programmes de formation, d’insertion professionnelle et de soutien à l’entrepreneuriat. Cependant, le système actuel est jugé trop fragmenté et peu efficace. Il serait nécessaire de simplifier et de rationaliser ces programmes pour qu'ils soient plus accessibles et mieux adaptés aux besoins des jeunes.
L’accent doit également être mis sur l'apprentissage en entreprise, qui offre des opportunités pratiques pour les jeunes d’acquérir des compétences en lien direct avec les besoins du marché du travail. En parallèle, l’OCDE recommande de promouvoir des contrats d’apprentissage et de stage davantage subventionnés par l’État pour faciliter l’insertion des jeunes dans le marché de l’emploi formel.
L’intégration des femmes dans le marché du travail
Le faible taux de participation des femmes au marché du travail est un autre enjeu de taille pour l’économie marocaine. En 2023, seules 15,5% des femmes étaient actives dans l’économie, soit l’un des taux les plus bas de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Les femmes marocaines continuent de faire face à des obstacles importants: discriminations, stéréotypes de genre, responsabilités familiales non partagées, et accès limité aux services de garde d'enfants et au financement pour les entrepreneuses.
L'OCDE propose plusieurs mesures pour renforcer la participation des femmes au marché du travail, notamment en augmentant l'offre de services de garde d'enfants subventionnés pour permettre aux mères de travailler. Actuellement, ces services sont gratuits uniquement pour les enfants à partir de quatre ans. Une extension de cette gratuité pour les enfants plus jeunes permettrait à davantage de femmes d’entrer ou de rester dans le marché de l’emploi. De plus, des politiques visant à lutter contre les discriminations sur le lieu de travail et à promouvoir la diversité sont nécessaires pour encourager l’inclusion des femmes.
La qualité des emplois dans le secteur formel: un défi à relever
Le rapport souligne que la qualité des emplois dans le secteur formel doit être améliorée pour attirer davantage de travailleurs dans l’économie formelle. Actuellement, les réglementations sur la protection de l’emploi sont jugées trop rigides, ce qui dissuade les employeurs d’embaucher. Par exemple, les règles encadrant les licenciements sont strictes, rendant coûteux et complexe le recours à des contrats de travail permanents.
L'OCDE recommande une réforme de la législation du travail pour assouplir les contrats de travail permanents et temporaires, tout en garantissant une protection suffisante des droits des travailleurs. Une plus grande flexibilité permettrait aux employeurs d’adapter leurs besoins en main-d’œuvre à la conjoncture économique, sans recourir à l’emploi informel. Par ailleurs, la mise en place de politiques salariales équilibrées, notamment un ajustement du salaire minimum en fonction des réalités économiques, pourrait favoriser une régularisation progressive des emplois informels.
Moderniser les outils de gestion du marché du travail
Le rapport préconise également de moderniser les outils de gestion du marché du travail, notamment à travers la digitalisation des services publics liés à l’emploi. L’utilisation accrue des technologies numériques pour l’enregistrement des travailleurs, le paiement des cotisations sociales et l’accès aux services de l’État faciliterait la transition vers l’économie formelle. De plus, ces outils numériques pourraient améliorer la transparence des interactions entre citoyens et administration, réduisant ainsi les risques de corruption.
L’OCDE conclut son rapport en insistant sur la nécessité pour le Maroc de poursuivre ses réformes afin de créer un environnement plus favorable à l'emploi de qualité. Cela passe par une approche multidimensionnelle, incluant la formalisation progressive de l’économie, le soutien à l'emploi des jeunes et des femmes, la flexibilisation du marché du travail et l’amélioration de l’éducation et de la formation professionnelle.
Ces réformes structurelles sont indispensables pour permettre au Maroc de réaliser les objectifs fixés dans son Nouveau modèle de développement, qui vise à accélérer la croissance, renforcer l’équité sociale et positionner le pays comme une force compétitive dans l'économie mondiale.
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