Economie
Secteur aval du gaz naturel: le Conseil de la concurrence s'oppose au monopole
06/01/2022 - 20:31
Lina Ibriz
Le monopole, qui était nécessaire au développement du secteur aval du gaz naturel auparavant et qui a été consacré dans le cadre du projet «Gas to Power» ne répond plus aux besoins du secteur. D’autant plus, "la demande prévue n’est plus destinée à satisfaire les besoins de l’Office National de l’Electricité et de l’Eau Potable (ONEE). Le développement du gaz naturel est désormais lié à la demande croissante du secteur industriel, d’où la nécessité de développer un réseau permettant d’alimenter cette demande multiple et dispersée", avait estimé le ministère de la Transition énergétique et du développement durable (auparavant nommé ministère de l’Energie, des mines et de l’environnement) cité dans l’avis du Conseil de la concurrence.
En effet, selon le Conseil, le monopole, d’une part, du Gestionnaire du réseau de transport (GRT) "sur l’ensemble des prestations et des moyens de transport risque de porter atteinte au développement rapide du marché du gaz naturel, à la diversification des moyens de transport, à l’innovation au niveau des nouvelles technologies de transport et à la liberté d’entreprendre des fournisseurs d’approvisionnement et des distributeurs".
D’autre part, l’"exclusivité de distribution régionale risque d’entraver le développement d’un marché compétitif car elle maintiendrait la position dominante des opérateurs historiques, notamment celle les distributeurs de solutions de substitution comme le GPL avec le risque d’une exploitation abusive de leur position dominante vis-à-vis de leurs clients industriels", souligne le Conseil.
La concurrence, clé du développement du secteur
Le développement du secteur aval du gaz naturel au Maroc nécessite le renforcement de la concurrence sur le marché en permettant l’intégration de nouveaux opérateurs et l’expansion de ceux existants au niveau des différentes activités, qu’il s’agisse de l’approvisionnement, de la distribution, du transport ou du stockage. "Etant donné que le secteur du gaz naturel n’est pas encore établi, il est impératif de profiter des bienfaits de la concurrence sur ce marché et d’éviter, dès la mise en place initiale de ce secteur, de figer des positions, d’établir des monopoles et d’octroyer des exclusivités qui auront un impact négatif sur le développement du secteur", lit-on dans l’avis du Conseil de la concurrence.
Pour ce faire, le gendarme de la concurrence a considéré qu’une première étape serait d’améliorer la visibilité et la prévisibilité du projet de loi n° 94.17 en apportant davantage de clarté et de précision à certaines de ses dispositions. Cela permettrait de mettre en place un cadre juridique stable, équitable et attractif.
Ensuite, il serait question de bannir le monopole et de garantir le libre jeu de la concurrence sur le segment transport et stockage et le segment distribution.
Pour ce qui est du transport et stockage, le conseil recommande "de ne pas octroyer le monopole sur la totalité des prestations et des moyens de transport car il portera atteinte à la concurrence sur un marché embryonnaire, et empêchera le développement rapide du secteur du gaz naturel au Maroc". Il juge ainsi important de permettre aux opérateurs économiques "de pouvoir réaliser et exploiter tout ouvrage de transport et développer les terminaux GNL ainsi que les ouvrages de regazéification sous le contrôle de l’ANRE" (Autorité Nationale de Régulation de l'Electricité.
S’agissant de la distribution, le Conseil recommande "de ne pas octroyer des exclusivités de distribution régionales et d’encourager les opérateurs à réaliser les ouvrages de distribution". La concurrence étant nécessaire sur ce segment, "les consommateurs finaux, notamment les clients industriels (qui n’ont pas accès directement au réseau de transport) doivent avoir le choix entre plusieurs distributeurs (tels que les producteurs locaux, l’ONEE, etc.) afin d’anticiper tout risque d’atteinte à la concurrence par les distributeurs historiques établis qui migreraient des sources énergétiques utilisées actuellement par les industriels GPL-Fuel vers le gaz naturel", estime-t-il.
Réformer le cadre réglementaire
Le conseil a appelé à la suppression des barrières réglementaires à l’entrée au marché du gaz en remplaçant le système d’autorisation préalable octroyée par l’Autorité gouvernementale chargée de l’énergie par un système de déclaration directement auprès de l’ANRE.
Le producteur local devrait être exempté de l’autorisation d’approvisionnement pour importer le gaz naturel, recommande le conseil. Cette mesure ouvrirait le champ devant les producteurs locaux ayant la volonté de "développer les opportunités d’approvisionnement du marché domestique par la mise en place de solutions d’importation du gaz naturel vers le territoire national".
Une autre recommandation est la mise en place des mesures garantissant les principes de séparation des activités et de la neutralité concurrentielle de façon à garantir l’indépendance des GRT et des opérateurs assurant le stockage vis-à-vis des fournisseurs et des producteurs est . "Cette séparation permet de préserver la transparence du marché et de garantir un accès équitable au réseau pour les nouveaux arrivants", fait valoir le conseil.
En outre, "le Conseil de la concurrence considère qu’un effort d’harmonisation entre la loi n° 21.90 portant code des hydrocarbures et le projet de loi relatif au gaz naturel est indispensable pour accroître la visibilité des opérateurs du secteur et pour garantir des conditions de concurrence équitables", souligne ledit organisme dans son avis.
Pour une meilleure régulation du secteur
Pour garantir la concurrence sur le marché, la transparence et la neutralité concurrentielle sont des prérequis, sont les garants sont les différentes instances de régulation. La révision "en profondeur la rédaction du projet de loi concernant les compétences de l’ANRE (Autorité Nationale de Régulation de l'Electricité)" et la mise en place d’une régulation ex-ante, toutes deux recommandées par le Conseil de la concurrence, prennent ainsi toute leur importance. Ce projet de loi "devra prévoir explicitement que l’ANRE devra être juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de toute autre entité publique ou privée et pourra prendre des décisions de manière autonome, indépendamment de tout organe politique ou administratif", souligne le Conseil.
Et d’ajouter : "L’ANRE doit également disposer de pouvoirs permettant de dissuader les opérateurs économiques d’enfreindre les obligations qui pèsent sur eux. Ces pouvoirs ne doivent pas se limiter à des missions de contrôle, mais intégrer des pouvoirs d’orientation en amont, afin de garantir le respect de la réglementation sectorielle".
En parallèle à la consécration des droits des consommateurs, le Conseil recommande la mise en place des procédures et des mécanismes pour surveiller les pratiques contractuelles restrictives et de veiller à concilier entre les impératifs liés aux contrats à long terme des concessions conclus en vertu de la loi n° 21.90 portant code des hydrocarbures et le respect de l’ordre public concurrentiel.
Enfin, le Conseil a exprimé "une position défavorable à l’octroi du monopole à tous les niveaux de la chaine de valeur gazière" et a recommandé de garantir à tous les utilisateurs l’accès non-discriminatoire et transparent au réseau de transport.

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