Economie
Stress hydrique: une campagne agricole en péril?
09/02/2022 - 20:57
Lina IbrizMalgré de nombreux programmes et initiatives lancés au cours d’une bonne dizaine d’années, le secteur agricole demeure largement dépendant des précipitations et sa performance reste fortement corrélée à la pluviométrie. Malheureusement, la pluie est justement le facteur qui semble manquer de l’équation cette année.
Après une année 2021 marquée par une bonne campagne agricole favorisée par la grâce du ciel, le pays semble faire face à un nouvel épisode de sécheresse, semblable à celui vécu pendant les années précédentes, sinon plus sévère. Avec chaque semaine qui passe, la déception provoquée par le retard des pluies se transforme de plus en plus en une crainte d’une absence quasi totale de celles-ci. Les agriculteurs se retrouvent dans une situation de plus en plus délicate.
"La situation est très compliquée", affirme un responsable au sein de la Direction provinciale de l’Agriculture de Sefrou. "Les agriculteurs ont labouré leurs terrains et ont tout fait, mais sont restés en attente des pluies. Le programme de plantation a été exécuté à 100%, mais tout dépend de la pluie", détaille-t-il.
Alimentant son optimisme par l’espoir d’éventuelles pluies au printemps, notre interlocuteur souligne aussi qu’"il faudra attendre au moins jusqu’au mois de mars pour avoir une meilleure visibilité sur la production de cette année, mais au niveau de la pluviométrie, on a enregistré une régression de 40% par rapport à l’année dernière. Cela aura un impact grave sur les plantations".
Un peu plus proche du Sud du Royaume, l’espoir semble s’amenuiser. "La situation est très compliquée cette année. Elle pourra s’avérer catastrophique", se confie Aziz Mellouki, Directeur provincial de l’agriculture à Tiznit. "La production des plantations arboricoles connaîtra sûrement une dégradation par rapport à l’année précédente. La majorité des plantations sont irriguées par des techniques de goutte à goutte et nous déployons tous les efforts pour les préserver. Mais malheureusement cela n’est pas suffisant. Et les ressources ne couvrent pas la totalité du besoin en irrigation".
Interrogé sur les baisses de la production agricole estimées dans la province cette année, Mellouki avance des chiffres qui donnent froid dans le dos : une baisse de "30% de la production arboricole" et "pour les autres cultures la production peut baisser de 90% dans certaines zones non irriguées".
Ce qui est encore plus angoissant pour ce responsable, c’est le désespoir d’une grande partie des agriculteurs locaux. "On a constaté qu’à part quelques agriculteurs qui ont des ressources et réserves propres à eux en eau, une grande partie des agriculteurs n’ont pas labouré leurs terrains cette année. Cela se reflète sur les stocks de semences. L’année dernière on avait vendu 962 quintaux de semences contre 116 quintaux cette année", regrette-t-il.
Des mesures pour sauver la campagne agricole
Face à une situation aussi alarmante, il n’est pas question de rester les bras croisés. À Tiznit, la Direction provinciale de l’agriculture déploie tous les moyens pour répondre au besoin croissant en eau, assure Aziz Mellouki, le directeur provincial. "Nous avons mobilisé des camions-citernes pour répondre au besoin en irrigation dans certaines zones, mais aussi pour garantir les ressources hydriques nécessaires pour l’élevage et en eau potable. Nous essayons aussi d’accompagner les agriculteurs afin de préserver certaines cultures".
La situation de stress hydrique auquel est confronté le Royaume et qui a un profond impact sur le secteur agricole nécessite une intervention urgente. "Nous avons préparé une feuille de route pour solliciter une intervention urgente du gouvernement", indique pour sa part Mohamed Ammouri, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER).
Dans ce cadre, il faut "généraliser durant les années à venir les programmes de dessalement de l’eau de mer et mettre à la disposition un matériel de dessalement pour les eaux des nappes phréatiques d’un certain degré de salinité", souligne Ammouri.
Par ailleurs, le président de la COMADER juge primordial de tabler sur l’énergie renouvelable pour le pompage de l’eau et prévoir des subventions pour réduire le coût énergétique qui pèse lourdement sur les poches des agriculteurs.
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