Société
Légalisation du cannabis, la solution à une "tragédie environnementale" selon Laftit
02/05/2021 - 16:15
Ghita Ismaili"Ce qui se passe dans les régions (ndlr, cultivatrices du cannabis) est un drame sur le plan environnemental et ceux qui sont originaires de la région le savent. Est-ce que cela est dû à ce projet de loi ? Non, c’est dû plutôt à la situation actuelle", a déploré jeudi ministre de l’Intérieur, lors d’une intervention inédite sur le sujet au parlement. C’était pendant la première séance de discussion générale du projet de loi sur l’usage légal du cannabis au Maroc, devant la commission de l’Intérieur à la Chambre des représentants.
Selon Abdelouafi Laftit, la variété de cannabis locale est mieux adaptée au climat de la région. "L’ancienne plante (la variété marocaine dite "beldia") consommait moins d’eau. Aujourd’hui, à cause de la kherdala, il n’y a plus d’eau dans aucun des oueds de la région et je le sais parce que je suis moi-même originaire de cette région", a assuré le ministre natif de la commune de Tafersit, dans la province de Driouch.
"Il n’y a plus aucune goutte d’eau, alors que c’est la zone la plus pluvieuse du Maroc. Cette nouvelle plante nous porte préjudice. Avec cette façon de cultiver, l’environnement de cette région est en danger. Si nous ne faisons rien, on ne trouvera rien à ramasser. C’est pour cela que c’est urgent", a plaidé encore le ministre.
Une urgence
Depuis l'introduction de la culture du cannabis au Maroc, plusieurs variétés autres que la locale ont été développées, souvent hybrides, importées de l'étranger et plus productives. Ces plants consomment toutefois davantage d'eau, au contraire des locaux, moins abrasifs.
"Dans cette zone, il y a effectivement des sources et des puits qui ont été asséchés à cause de la culture du cannabis. Quand j’étais en fonction, nous avions fait une visite dans la région de Chefchaouen. Je me souviens qu’une variété du cannabis étrangère posait problème et avait même créé des tensions parmi les locaux à cause de la consommation abusive de l’eau", affirme Charfat Afilal, ancienne ministre PPS chargée de l'eau dans le gouvernement Benkirane II, puis secrétaire d'État chargée du même portefeuille dans le gouvernement El Othmani.
"C’est une des régions qui reçoit le plus de précipitations, sauf que mis à part les barrages, il n’y a pas de réservoirs souterrains", poursuit-elle, précisant qu’"il n’y a pas vraiment de nappe ou d’aquifère qui peut stocker de l’eau, surtout dans la région de Nador, Hoceima et Chefchaouen et ce, en raison de la nature du sol".
Épuisement de la nappe
Récemment, l’Istiqlal a organisé une journée d’étude autour du projet de loi en question. Driss Benhima, qui a dirigé l'Agence de promotion et de développement des provinces du Nord (APDN) entre 2004 et 2006, était parmi les invités du débat. Il y a assuré, entre autres, que la culture actuelle du cannabis "ne laisserait d’eau que pour les dix prochaines années" à cause de "l’épuisement de la nappe phréatique".
L’agro-économiste, chercheur et universitaire Larbi Zegdouni estime lui que le projet de loi repose essentiellement sur "la création d'un organe de contrôle et de gestion" qui est l’Agence nationale pour la légalisation des activités liées à la culture du cannabis. L’établissement public qui sera basé à Rabat "supervisera la culture de cette plante" et fera en sorte que les agriculteurs soient encadrés et formés aux conditions climatiques de la région.
"L’agence préparera d'abord des cartes pour déterminer les zones dans lesquelles la culture et la production du cannabis seront autorisées. Des licences seront accordées aux agriculteurs concernés par cette activité, en tenant compte de son impact sur le sol et la nappe phréatique", poursuit-il. Ce projet de loi, assure-t-il, "rétablira la considération des agriculteurs ruraux, qui étaient le maillon le plus faible de la chaine, car les plus grands bénéficiaires sont les commerçants".
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