Technologie
Le revirement de Meta sur le fact-checking continue de provoquer l'inquiétude
10/01/2025 - 15:00
AFP"Le monde réel" va souffrir de la décision du patron de Meta de mettre fin au programme de fact-checking aux Etats-Unis, a averti un réseau international de fact-checking, peu avant que l'ONU et le Conseil de l'Europe s'alarment également.
L'International Fact-Checking Network (IFCN) a fait cette déclaration jeudi, deux jours après l'annonce en forme de coup de théâtre de Mark Zuckerberg.
L'IFCN a également rejeté comme étant "faux" l'argument avancé pour justifier sa décision par le fondateur et patron de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) selon lequel la vérification des informations "était orientée politiquement" et apportait "trop de censure".
Si Meta généralisait au monde entier sa décision, qui pour l'instant ne concerne que les Etats-Unis, cela aurait des conséquences dramatiques, a averti le réseau international qui regroupe plus de 130 organisations, dont l'AFP.
"Il est presque certain qu'il en résultera(it) un préjudice pour le monde réel dans de nombreux endroits", a estimé ce réseau, faisant référence, par opposition, au monde virtuel de l'internet.
Parmi les plus de 100 pays dotés d'un programme de fact-checking, certains sont "très vulnérables à la désinformation qui engendre de l'instabilité politique, des ingérences dans les élections, de la violence de masse et même des génocides", explique l'IFCN.
Le réseau international de fact-checking a également rejeté les propos de Mark Zuckerberg selon lesquels "les fact-checkers ont plus contribué à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée, en particulier aux Etats-Unis" et ses allégations de "censure".
"C'est faux et nous voulons rétablir la vérité, à la fois pour le contexte actuel et pour l'Histoire", a réagi l'IFCN.
Mark Zuckerberg a justifié sa décision mardi par son souci de "restaurer l'expression libre sur (ses) plateformes", à l'approche du retour, le 20 janvier, à la Maison blanche de Donald Trump, qui a durement critiqué Facebook pendant des années et dont il tente de s'attirer les bonne grâces.
L'annonce du patron de Meta a provoqué l'émoi dans de nombreux pays, de l'Europe à l'Australie, en passant par le Brésil et jusqu'à l'ONU.
Réguler les contenus haineux en ligne "n'est pas de la censure", a ainsi affirmé vendredi le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, après la volte-face de Meta.
"Autoriser les discours de haine et les contenus malfaisants en ligne a des conséquences concrètes. Réglementer ces contenus n'est pas de la censure", a affirmé M. Türk, sur le réseau social X, dont le propriétaire, Elon Musk, accuse lui-même depuis des années les programmes de fact-checking de "censurer" les voix conservatrices.
A Strasbourg, le Conseil de l'Europe s'est également inquiété vendredi.
La décision de Meta "pourrait avoir des conséquences négatives pour les droits humains", a prévenu le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Michael O'Flaherty.
"Il est important de souligner que combattre les mensonges et empêcher que se répandent des messages violents ou haineux, ce n'est pas de la censure. Il s'agit d'un engagement à protéger les droits humains", poursuit-il.
Facebook utilise les fact-checks de quelque 80 organisations dans le monde.
L'Agence France-Presse est en première ligne à l'échelle mondiale. Elle participe dans plus de 26 langues à un programme de Meta qui rémunère ces médias à travers le monde pour utiliser leurs fact-checks sur Facebook, Instagram et WhatsApp. "Nous sommes en train d'évaluer la situation", indique la direction de l'agence.
Alors qu'une vague massive de désinformation inondait la planète, le fact-checking est devenu un format journalistique à part entière.
Il s'est développé au début des années 2000 aux Etats-Unis grâce à l'internet et sous l'impulsion de médias soucieux de confronter la parole des personnalités politiques à la réalité, à l'instar du site PolitiFact, lancé en 2007 et lauréat du prix Pulitzer en 2009.
Correction de chiffres en direct à la télévision, articles en ligne barrés de la mention vrai ou faux... la méthode a essaimé partout dans le monde, jusqu'à la bascule survenue en 2016 avec l'élection de Donald Trump et le Brexit.
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