L'intelligence artificielle navigue entre risques et opportunités

Les avis divergent en effet entre ceux qui voient en l’IA un élément clé pour un accès rapide à de grandes quantités de données et ceux qui y détectent de nombreux risques sur les plans éthique et sécuritaire.

Cette technologie ouvre indéniablement de larges perspectives allant de la détection des fraudes aux méthodes d'embauche efficaces, en passant par la prévision de la maintenance des machines, la reconnaissance vocale et la perception visuelle.  L’usage de l’IA se répand actuellement à grande vitesse et se popularise de plus en plus à travers notamment les voitures sans conducteur ou encore les appareils à commande vocale. Toutefois, cette expansion "trop rapide" suscite la préoccupation de plusieurs parties, y compris dans les rangs des groupes technologiques.

C’est ainsi que des dizaines de leaders de cette technologie, d'universitaires et de célébrités ont récemment appelé à réduire les risques liés à l'intelligence artificielle.

"Atténuer le risque d'extinction de l'IA devrait être une priorité mondiale aux côtés d'autres risques à l'échelle de la société tels que les pandémies et la guerre nucléaire", lit-on dans la déclaration publiée par l'ONG américaine Center for AI Safety.

La déclaration a été signée par les principaux responsables de l'industrie, dont le PDG d'OpenAI Sam Altman, le "parrain" de l'IA Geoffrey Hinton, des cadres supérieurs et des chercheurs de Google DeepMind et Anthropic, Kevin Scott, directeur de la technologie de Microsoft, Bruce Schneier, le pionnier de la sécurité Internet et de la cryptographie et le défenseur du climat Bill McKibben.

De même, le document souligne les préoccupations de grande envergure concernant le danger ultime d'une intelligence artificielle incontrôlée. Les flux des investissements dans l'industrie de l'IA ont aussi conduit à des appels à la réglementation, avant que des accidents majeurs ne se produisent.

Cette déclaration fait suite au succès viral du ChatGPT d'OpenAI. Un nombre croissant de dirigeants politiques, de groupes de défense et d'experts de la technologie ont sonné l'alarme quant au potentiel d'une nouvelle génération de chatbots alimentés par l'IA qui risque de propager la désinformation et de supprimer des emplois.  Hinton, dont le travail de pionnier a contribué à façonner les systèmes d'IA d'aujourd'hui, avait précédemment déclaré à CNN qu'il avait décidé de quitter son poste chez Google et de "dénoncer" la technologie après avoir "soudainement" réalisé "que ces choses deviennent plus intelligentes que nous".

Un facteur de développement ou un élément à risque? 

La course à l’IA a suscité plusieurs appels à une réglementation de la part des législateurs qui ont exprimé leurs inquiétudes quant aux risques d’un développement incontrôlé de l’IA.

Dans ce contexte, un rapport du site de recherche d’emploi américain Indeed a indiqué que près d’un emploi sur cinq est "fortement exposé" à l’intelligence artificielle (IA) générative ou requiert des compétences qui peuvent en grande partie être exercées par cette technologie.

Environ 19,8 pc des emplois répertoriés sur Indeed ont été classés comme "fortement exposés" à l’une des formes de l'IA, comme ChatGPT, relève la même source, soulignant que la grande majorité des emplois sont confrontés à une exposition plus limitée à l’IA générative, avec 45,7 pc des postes considérés comme "modérément exposés" à la technologie et 34,6 pc comme "peu exposés".

Les emplois dans les opérations informatiques et le service d'assistance, en mathématiques ainsi qu’en matière de conception et de documentation de l'information se trouvent également dans le spectre d'exposition potentielle à l'IA générative.  Les postes pouvant être exercés à distance ont également été considérés comme plus vulnérables à la nouvelle technologie. 

À l’autre extrémité du spectre, les emplois de conducteur sont les moins exposés à l’IA générative, la technologie ne pouvant réaliser que 29 pc des compétences nécessaires. Les emplois dans le domaine de la beauté et du bien-être, des soins personnels et de la santé à domicile, ainsi que les soins infirmiers étaient également confrontés à certains des niveaux d'exposition potentielle à l'IA générative les plus faibles.

Signe de la préoccupation liée à la croissance de l'IA, des sénateurs américains ont récemment examiné avec des PDG de grandes compagnies technologiques la question de la réglementation de l’IA, les inconvénients et les avantages potentiels de l'IA ainsi que les moyens de réglementer cette technologie.  Selon les résultats d'un récent sondage, la majorité des Américains se disent préoccupés par le développement rapide de l'IA.

Dans une enquête auprès d’un échantillon d’électeurs américains, 62% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles étaient préoccupées par la croissance de l'IA, 21% ont indiqué qu'elles étaient enthousiasmées à ce sujet et 16% ont affirmé qu'elles étaient "totalement neutres".

Selon cette enquête, 76% des personnes sondées ont affirmé que l'IA pourrait éventuellement constituer une menace pour l'existence de la race humaine, et 72% ont déclaré préférer ralentir le développement de l'IA.

Malgré ces préoccupations, les investissements continuent d’affluer dans le secteur. C’est ainsi que le géant américain du commerce en ligne Amazon a récemment annoncé jusqu'à 4 milliards de dollars d’investissement dans la start-up d'intelligence artificielle Anthropic. Anthropic utilisera Amazon Web Services (AWS) comme principal fournisseur de cloud, tandis que les utilisateurs d'AWS bénéficieront d'un accès anticipé à des fonctionnalités uniques pour la personnalisation des modèles et les capacités de réglage, a souligné la startup basée à San Francisco.

Cet investissement intervient alors que les géants de la technologie rivalisent dans le développement des technologies d’IA. Google avait lancé un nouvel outil d'IA appelé Bard, largement considéré comme un produit rival de l'outil ChatGPT et Elon Musk, PDG de Tesla et SpaceX, a annoncé en juillet le lancement d'une nouvelle société d'IA xAI.

Pour les experts, l’intelligence artificielle va continuer à se développer à vive allure au fil des ans. Le défi pressant est de pouvoir la réguler pour asseoir les bases d'une technologie saine et éthique.