Société
Pénurie d'infirmiers: l'hémorragie se poursuit
03/01/2023 - 18:38
Mohamed BerradaL'année écoulée, le Conseil international des infirmiers (CIN), basé à Genève, est sorti avec une étude selon laquelle le monde connaitra une pénurie de 15 millions d'infirmiers à l'horizon 2030. Un chiffre que le CIN justifie par les conditions de travail difficiles et les dépressions vécues par ce corps médical durant la pandémie. "Nous savions que la situation était fragile en raison du sous-financement historique persistant relatif au métier dans le monde", estime Howard Catton, PDG du CIN, qui représente plus de 27 millions d'infirmiers dans 130 pays, "mais avec le dernières évolutions sur les postes d'infirmiers vacants, leurs taux d'intention de départ et les taux de maladie du personnel, nous estimons qu'il s'agit d'une crise mondiale".
En effet, poursuit le CIN, l'épuisement professionnel a tourmenté les infirmiers du monde entier : 40% en Ouganda, 60% en Belgique et 63% aux États-Unis. Au Sultanat d'Oman, 38 % des infirmiers ont déclaré être déprimés et 73 % avaient du mal à dormir. 57% des infirmiers britanniques prévoyaient de quitter leur emploi en 2021, contre 36% en 2020. 38% des infirmiers au Liban ne voulaient plus exercer ce métier, mais restaient dans leur poste parce que leurs familles avaient besoin d'argent.
Quid du Maroc?
Au Maroc, les derniers chiffres relatifs au nombre d'infirmiers remontent à janvier 2022. Au micro de l'agence de presse Reuters, le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Ait Taleb, avait reconnu que les hôpitaux marocains ont encore besoin de 32.000 médecins et de 65.000 infirmiers pour remplir le besoin.
Nous avons essayé de joindre le ministère de la Santé pour obtenir de nouvelles données sur le nombre de médecins exerçant dans les hôpitaux, sans résultat. De son côté, Fatima Zahra Beline, coordinatrice du Comité information et communication du Mouvement des infirmiers et des techniciens de la Santé au Maroc dit également ne pas disposer de chiffres plus récents. Mais selon ses estimations et constatations sur le terrain, la pénurie se serait aggravée au cours des douze derniers mois: "en plus des départs à la retraite, beaucoup d'infirmières et infirmiers ont quitté le métier, ou ont préféré s'installer à l'étranger, notamment en Allemagne ou au Canada", a-t-elle regretté.
En juillet, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a présidé la cérémonie de signature d'un accord-cadre portant sur la mise en œuvre d'un programme d'augmentation du nombre de professionnels de santé à l'horizon 2030. Cet accord-cadre vise à réduire la pénurie actuelle de ressources humaines dans la santé et à réformer le système de formation, et permettra au Maroc de passer de 17,4 professionnels de santé pour 10.000 habitants actuellement à 24 d'ici 2025, puis à 45 d'ici 2030. Il prévoit, entre autres, le triplement du nombre de diplômés des instituts supérieurs des professions infirmiers et techniques de santé d'ici 2025. Le coût de mise en œuvre de ce programme s'élève à plus de 3 milliards de dirhams, auxquels s'ajoutent les coûts de création des trois nouveaux hôpitaux universitaires.
La tentation de l'étranger
Cependant, la fuite des cerveaux pourrait constituer un défi considérable aux chantiers gouvernementaux. Comme soulevé par Fatima Zahra Beline, de plus en plus d'infirmières et infirmiers préfèrent poursuivre leurs carrières à l'étranger, notamment au Canada. Selon le ministère de l'immigration, des réfugiés et de la citoyenneté du Canada, le pays prévoit accueillir 485 000 résidents permanents en 2024 et 500 000 en 2025. Une grande partie de ces nouveaux arrivants provient des pays francophones d'Afrique, dont le Maroc.
Contacté par SNRTnews, un expert en immigration au Canada, explique que les dossiers des professionnels de santé et les infirmiers sont favorisés. "Si le traitement d'un dossier de demande de résidence permanente au Canada peut prendre six mois en moyenne en temps normal, le délai peut descendre à moins de trois mois pour les professionnels en nouvelles technologies et dans le système de la santé, comme les infirmiers", a-t-il confié. Pour se rapprocher des talents marocains, le gouvernement canadien n'hésite pas à organiser des journées de rencontre au Maroc pour convaincre les plus hésitants à traverser l'Atlantique. En octobre dernier, le forum "Destination Canada" a été tenu à Rabat, et a permis aux jeunes Marocains de rencontrer directement des représentants des provinces canadiennes et du secteur privé. En plus de ce forum, "les journées du Québec" sont régulièrement organisées et ciblent directement les cadres de la santé.
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