Société
Rabat: la pénurie des anesthésistes menace la vie des femmes enceintes
29/03/2022 - 13:21
Aïcha DebouzaÀ Rabat, les femmes enceintes, notamment celles présentant des complications et nécessitant une opération césarienne, ne peuvent plus être prises en charge au niveau de la Maternité des Orangers au-delà de 16h00. Celles-ci sont directement transférées à un Centre hospitalier provincial ou au Centre hospitalier universitaire de la capitale des lumières. Une situation qui échappe à toute logique, mais qui s'explique par l'insuffisance de l'effectif des médecins anesthésistes au niveau de cet établissement public pour assurer un système de garde. Ce n'est pas tout. Un mouvement revendicatif des infirmiers anesthésistes au niveau dudit hôpital qui défendait ses droits se tient aussi derrière cette anomalie. Ces derniers ont réclamé leur "droit institutionnel d’exercer leur activité d’anesthésie en présence effective d’un médecin anesthésiste tel que stipulé dans l’article 6 de la loi 43-13 relative à l’exercice des professions infirmières", lit-on dans la Note interne adressée par le directeur de l'Hôpital de maternité et de Santé reproductrice les Orangers à ses différents responsables.
"Tenant compte de l'insuffisance de l'effectif des médecins anesthésistes au niveau de notre hôpital pour assurer un système de garde, et dans l'attente d'affectation de nouveaux médecins anesthésistes, un certain nombre de mesures organisationnelles sont miss en place pour veiller sur la qualité et la sécurité de la prise en charge des patientes", lit-on dans une Note. Et de poursuivre: "À partir du jeudi 17 mars 2022, l'activité chirurgicale est assurée uniquement durant l'horaire normal (de 08h00 à 16h00)". Et en dehors de cette plage horaire, le devenir des patientes dépendra de leur état de santé, et surtout de ce qu’en décidera le médecin de garde. Mais ce qui est sûr c'est qu'aucune opération césarienne ne sera programmée, même pas en urgence, au niveau de cet hôpital sis à quelques pas du Parlement marocain.
Dans le détail, les mères examinées au niveau de l’unité des admissions ne présentant pas de contre-indications pour un accouchement par voie basse sont admises et prises en charge au niveau de l’hôpital même. Celles qui présenteront par contre des complications, ne serait-ce qu’une indication probable d’évolution vers une césarienne, sont transférées à l’hôpital de la Maternité Souissi "dans les conditions de qualité et de sécurité suivant le système d’orientation opérationnelle en vigueur". Maintenant, dans le cas où la patiente admise à l’hôpital présente un cas d’extrême urgence, pouvant engager son pronostic vital (cas d’hémorragie, par exemple), son transfert doit absolument être conclu par le médecin de garde, sinon celui-ci devra déclencher "le code rouge". En d’autres termes, il devra réaliser l’acte au niveau de l’hôpital en utilisant les moyens et ressources disponibles (médecin, panseur, infirmier anesthésiste de garde) afin de "préserver la vie et le bien-être de la patiente", précise la Note.
Une décision que le ministère de la Santé et de la protection sociale conforte sans pour autant la mettre en cause. Interpellé par SNRTnews sur ce point, le département dirigé par Khalid Aït Taleb se défend: "Le bloc opératoire de l’hôpital de Maternité et de santé reproductrice les Orangers ferme à 16h00 comme tout autre hôpital. Il ne dispose pas d’un service des urgences, donc tous les cas urgents sont accueillis à l’hôpital de maternité Souissi".
Des recrutements en vue?
A quand alors la résolution de ce problème de pénurie des médecins anesthésistes. Des recrutements seraient-ils prévus? "En ce qui concerne le plan de recrutement, une réunion des parties concernées est prévue cette semaine pour en discuter", annonce la tutelle, sans donner plus de précisions sur la date de la réunion.
Force est de noter que cette situation ne concerne pas uniquement l'hôpital des Orangers, mais s'étend sur les quatre coins du Royaume. Et les statistiques la confirment. Au Maroc, on dispose de 876 médecins anesthésistes réanimateurs (dont 436 dans le secteur public et 440 dans le secteur privé) et 2.213 infirmiers en anesthésie-réanimation qui peuvent prodiguer des soins spécifiques à environ 37 millions de Marocains. Ces chiffres sont largement en deçà des recommandations de l’Organisation mondiale de santé (OMS). Celle-ci préconise d’avoir 6 médecins anesthésistes par 100.000 habitants. Ainsi, le Maroc aurait besoin de 2.220 médecins en anesthésie-réanimation pour permettre à l'ensemble des Marocains un accès équitable aux soins "dans des conditions de qualité et de sécurité".
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