Société
Ce que pensent les soignants de la réforme de la santé
12/10/2021 - 18:00
Khaoula BenhaddouC’est un secret de polichinelle : le système sanitaire marocain est malade. Malgré les efforts déployés par les professionnels de la santé, le secteur souffre toujours de plusieurs «carences», notamment en matière de ressources humaines et d’infrastructures. Conscient de cette situation critique, le gouvernement Akhennouch, s’est inspiré des Hautes Orientations Royales et a proposé un projet de réforme et de réhabilitation du secteur sanitaire.
Pour le réaliser, le gouvernement compte renforcer le budget du secteur afin de développer de nouvelles structures hospitalières, mais également pour remédier à la pénurie des professionnels du secteur. Cette pénurie, qui pourrait être de 3 fois mois pendant les 10 prochaines années, est due principalement à la migration croissante des médecins marocains, au non-remplacement des retraitées et à la concentration des soignants dans certaines zones au détriment d’autres.
Selon le document détaillant la réforme de la santé "cette situation menace gravement notre capacité à améliorer l’accès aux soins de santé, à l’heure où la généralisation de la protection sociale requiert de doubler le nombre de professionnels de santé et d’améliorer la couverture sur tout le territoire national".
Pour cela, le nouvel Exécutif promet d’augmenter le nombre de soignants et de réviser leurs statuts en fonction de leurs compétences et de leur sacrifice pour couvrir le territoire national.
Le gouvernement Akhennouch compte également rétablir la confiance des patients marocains dans l’hôpital public en assurant la mise en place d’une bonne offre de santé et en facilitant l’accès de tous les citoyens à des services de proximité. D’ailleurs, la généralisation progressive de la médecine de famille fait également partie des priorités du gouvernement.
Revoir les salaires pour stopper l’hémorragie
Afin de faire face à la migration des médecins, le nouveau gouvernement promet d’améliorer leurs situations financières. L’Exécutif promet, dans ce sens, d’ouvrir le dialogue social avec les syndicats représentatifs du secteur. Il promet également d’augmenter les salaires du personnel du secteur, d’améliorer le niveau de leur protection sociale, ainsi que les conditions de rémunération de leurs gardes et permanences. Le nouvel exécutif ambitionne aussi de renforcer la capacité de formation des facultés de médecine et d’ouvrir de nouveaux centres hospitaliers universitaires.
Infrastructures, carte électronique
À part le manque des ressources humaines, le gouvernement a pointé du doigt le manque d’infrastructures. Pour cela, il promet de faire de l’hôpital public une structure indépendante dans sa gestion et attractive pour tous les citoyens.
En plus du renforcement de l’attractivité des hôpitaux publics, ce qui aura un impact direct sur les dépenses santé des ménages, le gouvernement compte réduire davantage ces dépenses à travers la numérisation du système sanitaire. Ainsi, chaque citoyen sera doté, à l’horizon 2024, d’une carte médicale à puce. Une puce qui permettra d’assurer un suivi médical personnalisé et d’identifier chaque patient auprès de tous les établissements de santé publics ou privés.
Un programme "peu réaliste" pour les médecins
Si certains professionnels espèrent la mise en œuvre de cette nouvelle réforme, d’autres remettent en doute la capacité de l’Exécutif de faire de ces promesses, une réalité tangible. "C’est un programme prometteur, mais je me demande s’il est réalisable. À mon humble avis, c’est difficile de l’appliquer sur le terrain surtout en ce qui concerne la numérisation du secteur. Il faut voir la réalité en face, nos hôpitaux régionaux manquent du strict minimum. On demande toujours au patient d’acheter sa propre seringue", s’exclame Abdelghafour El Othmani, médecin et secrétaire provincial du Syndicat national de la santé affilié à la CDT.
Le médecin précise que plusieurs dossiers traînent toujours dans les tiroirs de la tutelle. "Le nouveau gouvernement promet d’ouvrir le dialogue social avec les syndicats les plus représentatifs du secteur alors qu’on a déjà établi une liste de priorités avec l’ancien gouvernement. Parmi ces priorités figure le renforcement des équipes puisque nous souffrons d’un manque atroce des professionnels de santé", tonne-t-il. Et d’ajouter : "Le nouvel exécutif promet de donner des primes aux médecins qui travaillent dans les zones éloignées. Une promesse qui n’a jamais été tenue par son prédécesseur qui parlait de 700 dhs pour chaque médecin. Je ne veux pas être pessimiste, j’espère que ce gouvernement pourra réaliser ses promesses dans les délais fixés".
Les infirmiers "exclus" du programme gouvernemental
Pour Fatima-Zahra Belline, coordinatrice du Comité information et communication du Mouvement des infirmiers et des techniciens de la Santé au Maroc, le nouveau gouvernement a exclu le corps infirmier de son programme. "C’est décevant de voir que les infirmiers ne figurent pas dans les priorités du gouvernement. Dans ce programme, on ne parle que de médecins ou d’agents de santé alors qu’il y a des techniciens, des infirmiers et des administratifs. N’oublions pas que les infirmiers et les techniciens de santé assurent 80% des soins prodigués aux patients et participent aux 20% restants", s’indigne l’infirmière.
Et d’ajouter : "J’appelle l’Exécutif à se pencher sur le volet formation, d’améliorer la qualité de la formation de base et continue des professionnels de santé. Le ministère de la Santé doit recruter davantage d’infirmiers et techniciens de santé et ne doit pas se contenter de recruter des aides médicales et des auxiliaires comme a fait l’ancien ministère. Ces aides ne remplaceront jamais les techniciens et les infirmiers".
La militante qui rappelle que les revendications des infirmiers sont passées aux oubliettes. "Nous demandons depuis des années l’instauration d’un Ordre national des infirmiers et techniciens de santé et d’améliorer la situation des professionnels de la santé et du cadre légal. Ces demandes ont été ignorées par le nouveau gouvernement qui ne s’est concentré que sur la situation des médecins", conclut notre interlocutrice.
Articles en relations
Sport
Politique
Société