Société
Ce qu'il faut savoir sur la grossesse multiple
05/05/2021 - 21:25
Malak BoukhariLa nouvelle a fait le tour du monde. Une jeune Malienne, Halima Cissé, âgée de 25 ans qui pensait être enceinte de septuplés a fini par donner naissance dans une clinique privée au Maroc à neuf bébés, dont cinq filles et quatre garçons "qui se portent bien". Ce n’est pas la première fois qu’un tel événement se produise, puisqu’en 2012, une chaîne de télévision mexicaine avait annoncé qu’une jeune femme, Karla Vanessa Perez état enceinte de neuf enfants. C’est l’occasion donc de revenir sur les caractéristiques d’une grossesse multiple et tous les dangers qui y sont associés. Le point avec Nadia Meziane, gynécologue.
Nadia Meziane explique qu’il existe plusieurs types de grossesses multiples. "C’est une grossesse qui est issue d’un ovule. Première éventualité, c’est un ovule qui est fécondé par un spermatozoïde et cela va former un embryon qui va se diviser en deux ou en trois ou en plus. Deuxième éventualité, c’est plusieurs ovules et chaque ovule est fécondé par un spermatozoïde, ce qui va nous donner des grossesses multiples. Donc si c’est deux ovules et chaque ovule est fécondé par un spermatozoïde on aura une grossesse gémellaire, si c’est trois ovules et chaque ovule est fécondé par un spermatozoïde on aura une grossesse triple, et ainsi de suite".
Une grossesse à haut risque
La grossesse multiple n’est pas sans risques pour la maman les fœtus. "Les risques pour la maman sont malheureusement multiples parce que c’est un utérus qui va grossir et qui va être sous pression. Il y a d’abord le risque de l’hypertension artérielle pendant la grossesse qui se définit par une élévation de la tension artérielle, au-delà de 14/9 et à plusieurs reprises. Et parfois il y a de la pré-éclampsie, c’est-à-dire de l’hypertension avec la présence de protéines dans les urines" précise Nadia Meziane, notant que les risques liés à l’hypertension peuvent impacter la croissance fœtale.
Il y a aussi le risque de diabète gestationnel, et ce surtout, selon Nadia Meziane, "si la femme est à risque de développer un diabète pendant la grossesse. Le diabète doit être dépisté pendant la grossesse. En cas de diabète, celui-ci doit être traité soit par un régime adapté ou bien avec l’insuline".
Ensuite il y a un autre risque, c’est celui de menace d’accouchement prématuré. "C’est un risque qu’on comprend facilement parce que c’est un utérus qui est sur-distendu pouvant conduire à des contractions qui vont apparaître prématurément", révèle la spécialiste.
Et d’ajouter "idéalement, nous devons prévenir l’accouchement prématuré et le dépister par l’échographie du col. Malheureusement des fois malgré toutes ces mesures préventives ou thérapeutiques, l’accouchement prématuré peut se déclencher avec tous les risques de la prématurité pour les fœtus".
Un suivi rigoureux
Le risque d’accouchement prématuré est élevé dans le cas d’une grossesse multiple d’où l’importance du suivi de la grossesse. Il s’agit d’un "suivi qui est très particulier comparé à une grossesse monofoetale" prévient Nadia Meziane. "Les consultations sont nombreuses pendant le mois avec pleins de bilans sanguins, des échographies régulières pour voir la croissance, la circulation utéro-placentaire et aussi pour préparer l’arrivée des nouveau-nés dans des maternités niveau 3 avec une équipe multidisciplinaire composée de : l’obstétricien, le pédiatre, le néonatologiste et l’anesthésiste, etc", détaille-t-elle.
Et de poursuivre "Il peut même y avoir le besoin d’un plateau technique pour tout ce qui est ligatures vasculaires afin de traiter l’hémorragie de la délivrance qui risque certaines fois d’être mortelle".
Une structure apte à prendre en charge la maman
L’accouchement dans ce cas doit se faire dans des conditions médicales optimales, dans une structure qui est apte à prendre en charge la maman et les jumeaux prématurés ou non prématurés. "Généralement cet accouchement devrait avoir lieu dans des maternités niveau 3 qui disposent d’une réanimation et d’un service de néonatologie", insiste Nadia Meziane.
Un accouchement par voie basse est possible d’après notre interlocutrice, mais bien sûr sous plusieurs conditions en fonction de l’état de la grossesse ainsi que l’état de la mère et des fœtus. Néanmoins dans la majorité des cas c’est des césariennes, "soit des césariennes programmées ou des césariennes au cours du travail. On parle de césariennes qui techniquement ne posent pas de problème, mais l’accouchement de grossesse multiple présente un risque en particulier, c’est l’hémorragie de la délivrance" déclare-t-elle.
Dans le cas de l’hémorragie de la délivrance, "la dame risque de saigner parce que c’est un utérus qui est sur-distendu et qui aurait du mal à se contracter après la sortie des fœtus et du placenta. C’est un risque que nous, obstétriciens, devons prévenir par des procédés médicamenteux et mécaniques et surtout par des médicaments qui doivent être disponibles dans la maternité où celle-ci va accoucher", poursuit-elle.
Si la dame ne répond pas à l’hémorragie de la délivrance, l’équipe médicale sera amenée à faire des gestes chirurgicaux de ligature vasculaire. "Ces ligatures vasculaires vont diminuer l’arrivée du sang au niveau de l’utérus. Quoique des fois même ces ligatures vasculaires ne donnent pas de résultats et pour sauver la vie de la maman, les médecins sont parfois obligés d’enlever l’utérus, c’est ce qu’on appelle l’hystérectomie", fait savoir Nadia Meziane.
Bien évidemment, "tout cela devrait être expliqué au couple durant le suivi de la grossesse où un spécialiste va leur parler de ces risques et de comment il est possible de les prévenir et de les traiter", rappelle-t-elle.
Le syndrome transfuseur-transfusé
D’après la gynécologue, la grossesse multiple expose les fœtus à un sur-risque, notamment celui de la prématurité. Un fœtus prématuré, c’est un fœtus fragile. Il existe par conséquent un risque infectieux, un risque des problèmes pulmonaires et plusieurs risques inhérents à la prématurité, etc.
Il y a un autre risque appelé le syndrome transfuseur-transfusé. "Cela concerne les grossesses multiples ou gémellaires où les fœtus ont un seul placenta. Il peut donc y avoir un déséquilibre au niveau placentaire avec une inégalité au niveau de la perfusion placentaire. En effet, le sang va passer chez un fœtus d’une façon plus importante que chez l’autre. Un fœtus va dans ce cas grossir avec un excès de liquide amniotique autour et un fœtus va maigrir", explique Nadia Meziane.
Et de noter que "c’est un excès qui peut être traité via un traitement au niveau placentaire à l’aide de laser. Ce syndrome transfuseur-transfusé pose réellement des problèmes d’où la nécessité de le traiter afin d’éviter qu’il y ait la mort d’un fœtus dans le ventre".
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