Société
Collecte de dons: que dit la loi?
04/04/2022 - 22:25
Khaoula BenhaddouCasablanca s’est réveillé dimanche sur une affaire policière saisissante. Huit personnes dont une femme et le propriétaire d’une clinique ont été arrêtés par les autorités pour détournement et falsifications de factures médicales.
L’enquête de la Direction générale de la sûreté nationale a révélé l’implication des mis en cause dans la constitution d’une bande criminelle visant à collecter des sommes d’argent auprès des bienfaiteurs sous couvert de s'acquitter des frais d'hospitalisation de patients démunis, soignés dans la clinique où exercent la majorité des suspects qui gonflaient frauduleusement les factures afin de soutirer d'importantes sommes d'argent.
Que dit la loi de cette pratique ?
Si certaines personnes, qui en lançant l'appel à la générosité ont pour objectif de soutenir les personnes vulnérables, d’autres, par contre, profitent des fonds collectés pour s’enrichir.
Ce phénomène s’est développé durant la crise sanitaire et s’est amplifié notamment avec les réseaux sociaux. En effet, plusieurs personnes se portent volontaires pour préparer les paniers à l’occasion du Ramadan ou pour acheter des moutons et les offrir aux personnes nécessiteuses à la veille de l'Aïd Al Adha. D’autres sollicitent des dons pour soutenir une cause humanitaire telle le traitement d'une maladie ou le financement d'une intervention chirurgicale. Seulement, après la récolte de ces fonds, ces personnes disparaissent dans la nature privant les personnes nécessiteuses de leurs droits.
Pour Maître Houda Sabour, ces dons doivent être récoltés par des associations reconnues par l'Etat." Chaque association a un statut et une existence juridique qui lui permet de fonctionner. Quand il n'y a pas de reconnaissance légale et qu’il s’agit de quelques personnes, ces dernières agissent en leur qualité personnelle et doivent assumer leur responsabilité et prouver que l’argent collecté a été dépensé effectivement et réellement dans un acte ou une opération spécifique ou a été donné aux personnes concernées", a-t-elle expliqué.
Pour rappel, le projet de loi loi n 18.18 relatif à l'organisation des appels à la générosité publique et la distribution d'aides à des fins caritatives a été approuvée en novembre 2018 par le Conseil de gouvernement. Le projet de loi vise à organiser les opérations de collecte de dons auprès du public et la distribution d'aides à des fins caritatives, et ce afin de contrôler le cadre régissant les opérations de bienfaisance et combler le vide juridique relatif à la tradition d'entraide et de solidarité enracinée chez les Marocains, particulièrement en ce qui concerne le manque juridique en matière de collecte de dons et de distribution des aides et leurs contributions au développement.
Le projet de loi stipule de soumettre l'ensemble des opérations de collecte de dons auprès du public aux dispositions de cette loi, à l'exception des opérations de collecte de dons suivant les méthodes traditionnelles et coutumières, de déterminer les conditions d'appels à la générosité publique, de cerner les parties qui y font appel, de déterminer les règles régissant l'organisation des opérations de collecte et des façons de les utiliser, et les conditions et règles de distribution des aides à des fins caritatives.
S'ajoutent à celles-ci l'obligation de déposer les sommes d'argent collectées à travers les dons dans des comptes bancaires, de soumettre la partie organisatrice de l'opération de collecte de dons à l'obligation de communiquer à l'administration d'un rapport détaillé autour de l'action organisée et de déclarer, à l'avance, toutes les opérations de distribution d'aides à des fins caritatives au gouverneur de la préfecture ou de la province au sein de laquelle la distribution est prévue.
Pour sa part, la Loi n° 004-71 du 21 qui date de 1971, stipule qu'"iI ne peut être organisé, effectué ni annoncé d'appel à la générosité publique sur la voie et dans les lieux publics ou chez les particuliers par quelque personne et sous quelque forme que ce soit, sans autorisation du secrétaire général du Gouvernement"
Ce même texte précise que "par appel à la générosité publique, il faut entendre toute sollicitation adressée au public en vue d'obtenir au profit total ou partiel d'une oeuvre, d'un groupement ou de tiers bénéficiaires, des fonds, des objets ou produits, par un moyen quelconque (notamment quête, collecte, souscription, vente d'insignes, fête, bal, kermesse, spectacle, audition) indépendamment des loteries qui sont régies par des textes qui leur sont propres".
Ainsi, la loi réglemente également le travail des associations qui doivent d’abord constituer un dossier juridique complet et un document leur permettant d’agir, légalement, sur le territoire du Maroc. C’est à ce moment-là que l’association peut ouvrir un compte bancaire à son nom. La dite association doit alors délivrer un reçu comptable lors de chaque remise de don. Ce cadre légal permet d’assurer la transparence des opérations caritatives et la protection des donneurs.
Pénalités et jugement
L’article 6 de la loi n° 004-71 précise que "Tout appel à la générosité publique annoncé, organisé ou effectué dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article premier, en vue de l'indemnisation des amendes, frais, dommages -intérêts, prononcés par des condamnations judiciaires en matière criminelle ou délictuelle, sera puni de l'emprisonnement d'un à six mois et d'une amende de 1.000 à 100.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement ".
Ces peines peuvent variées selon la nature de l’infraction et peuvent aller à cinq ans de prison ferme dans certaines situations.
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