Société
Cour des comptes: des expériences variées d'enseignement à distance mais un impact limité
07/03/2023 - 15:55
Sami NouaimLe rapport souligne que bien que le Maroc ait connu différentes expériences en matière d'enseignement à distance avant la pandémie, ce mode est resté limité dans son impact et son rayonnement. De plus, les textes et les documents régissant la place de l'enseignement à distance dans le système éducatif nécessitent plus de clarté et de maturité.
Bien que la crise sanitaire ait permis de dépasser l'état d'hésitation et d'opacité qui prévalait, l'intégration de ce mode d'enseignement dans le système éducatif en tant que composante complémentaire de l'enseignement présentiel ne semble pas être envisageable pour le moment.
Enseignement primaire: des disparités importantes
Concernant l'offre pédagogique scolaire, le rapport note que le ministère de l'Education nationale, du préscolaire et du sport a entrepris des efforts importants pour assurer la continuité pédagogique en proposant une offre pédagogique compatible avec le déroulement des cours à distance. Toutefois, l'effort le plus important du ministère a été concentré sur la production de ressources numériques et la création des canaux nécessaires pour la communication de leurs contenus. De plus, la majorité de l'activité d'enseignement à distance s'est déroulée en dehors du cadre officiel, ce qui soulève des questions de contrôle et de suivi.
Le rapport souligne également que la garantie des principes d'équité, d'égalité des chances et de qualité n'a pas été respectée, un quart des élèves n'ayant pas bénéficié de l'enseignement à distance, en particulier les élèves dans le milieu rural. De plus, des disparités importantes ont été enregistrées entre le secteur public et le secteur privé, et une faible prise en compte des besoins des élèves de l'enseignement primaire et des élèves à besoins spécifiques a été relevée. En outre, l'évaluation de cette expérience n'a pas permis de juger de l'efficacité et de la pertinence de cette mesure.
La production de ressources pédagogiques numériques est difficile
En ce qui concerne l’enseignement supérieur, la Cour des comptes a constaté des retards juridiques dans l'instauration de l'enseignement à distance au Maroc. Bien que les arrêtés portant Cahiers des Normes Pédagogiques Nationales (CNPN) aient introduit la possibilité de dispenser des cours à distance en 2014, cela est resté partiel, car ces cahiers ne permettent pas d'enseigner un module entièrement à distance ni de proposer des filières enseignées totalement à distance.
De plus, la loi-cadre n°51.17 relative au système d'enseignement, de formation et de recherche scientifique n'est entrée en vigueur qu'en août 2019, et le décret n°2.20.474 relatif à l'enseignement supérieur à distance n'a été publié qu'en septembre 2021.
Selon un questionnaire adressé aux enseignants par la Cour des comptes, plus de 48 % des enseignants n'ont pas d'expérience avec les outils et plateformes numériques du e-learning, ce qui rend difficile la production de ressources pédagogiques numériques.
Lors de la pandémie de la Ccovid-19, le ministère et les Universités ont pris plusieurs mesures pour assurer la continuité de la formation, notamment en améliorant les infrastructures et les équipements relatifs à l'ESAD et en accompagnant les enseignants à travers des sessions de formation et un appui technique pour la réalisation et la diffusion de ressources pédagogiques numériques. Cependant, le taux de couverture de formation en ESAD pour les enseignants et les formateurs est resté faible, avec des disparités importantes entre les universités.
D’un autre côté, l'indisponibilité du réseau internet et la mauvaise qualité de la connexion ont été considérées comme les principaux obstacles à l'accès aux cours à distance, en particulier pour les étudiants en milieu rural. Outre le manque d'outils nécessaires pour suivre les enseignements, près de 46 % seulement des étudiants ont déclaré disposer d'un ordinateur ou d'une tablette. Enfin, une bonne partie des étudiants n'a pas bénéficié de travaux pratiques ou dirigés à distance utilisant des dispositifs technologiques en vue de mettre en application les supports pédagogiques enseignés.
Quant au développement de l’enseignement supérieur, la Cour a constaté dans son rapport que le département chargé de l’enseignement supérieur avait lancé deux projets sur la période 2021-2023.
Le premier projet visait à généraliser l'utilisation des technologies de l'information dans l'enseignement supérieur, tandis que le second projet portait sur le renforcement du système d'information global et intégré.
Cependant, la réalisation de certaines actions prévues pour 2021 a été retardée, et les crédits budgétaires nécessaires à la mise en œuvre des deux projets n'ont pas été alloués pour les années 2021 et 2022. Ces contraintes risquent de compromettre la réalisation des objectifs des projets et de retarder davantage le développement de l'ESAD.
Recommandations de la Cour des comptes
Pour remédier à ces insuffisances, la Cour des comptes recommande au ministère de promouvoir progressivement l'intégration de l'enseignement à distance dans le système éducatif national et de préciser les conditions et les motifs justifiant le recours à ce mode d'enseignement, notamment dans les milieux ruraux.
Elle recommande également de suivre et d'évaluer les résultats des initiatives entreprises par le secteur de l'éducation pour élaborer un plan de continuité pédagogique en cas de crises potentielles.
D’autre part, la Cour des comptes recommande au ministère chargé de l'enseignement supérieur d'adopter un cadre juridique approprié pour mieux définir l'ESAD et ses finalités, son organisation, sa gouvernance, son pilotage, sa gestion et les mécanismes de contrôle.
Elle préconise également la mise à niveau des équipements universitaires dédiés à l'ESAD et le développement de programmes adaptés visant à généraliser l'équipement et à améliorer la connectivité des étudiants.
Articles en relations
Société
Société
Société
Société