Economie
Covid-19: le manque a gagner pour le secteur touristique marocain est estimé à 57 MMDH
10/03/2021 - 16:38
Imane BenichouLe secteur touristique est frappé de plein fouet par la crise Covid-19, une crise sanitaire à fort impact économique et social. Selon Othmane Chérif Alami, Président d'Atlas Voyages, qui a modéré mardi 9 mars la 26e édition des "Mardis du Tourisme", les sociétés touristiques ont essuyé des pertes énormes en cette année 2020. En se basant sur les résultats d'une étude réalisée par la Confédération nationale du tourisme (CNT) et qui a porté sur 35 entreprises touristiques, Chérif Alami a rapporté des régressions de 80% de l’activité et de la valeur ajoutée du secteur, en plus d’une baisse d’au moins 2,5 Milliards de Dirhams (MMDH) de trésorerie.
Des pertes colossales
On apprend également de cette étude que le rapatriement des devises en 2020 avec les paiements décalés de 2019 a atteint 38MMDH en devises sur les 80 MMDH, à peu près, que le Maroc a réalisé en 2019 et les 95 MMDH programmés pour 2020, a annoncé Chérif Alami également président de la Confédération régionale du tourisme de Casablanca-Settat. En d’autres termes, le manque a gagner pour le secteur touristique marocain est estimé à 57 MMDH en 2020. "La période de janvier-février (la période pré crise Covid, NDLR.) nous donnait espoir d’une augmentation de 15% à 20% du volume d’affaire pour la destination touristique marocaine", a-t-il affirmé.
Concernant les arrivées touristiques, le président d’Atlas Voyage a rappelé que le Maroc avait enregistré 2,8 millions d’arrivées en 2020. Toujours selon l’étude de la CNT, effectuée au près "d’un échantillon significatif, mais non représentatif d’entreprises touristiques", 8.000 personnes pourraient perdre leurs emplois et au moins 30% d’entreprises pourraient déposer le bilan.
Les enjeux d'un secteur en crise
El Mehdi Fakir, Expert-comptable et Conseiller juridique et fiscal, invité de ce débat, a annoncé que "malheureusement si aujourd’hui la crise est aussi grave, c’est que nous n’avons jamais pu concevoir un modèle de développement touristique proprement dit qui permettrait non seulement de gérer la prospérité, mais également de gérer la crise".
Fakir a ainsi tiré la sonnette d’alarme à l’intention des pouvoirs publics et des opérateurs du service pour bouger et "changer de logiciel". "Ce n’est pas les indemnités de 2.000 Dhs qui va falloir reconduire ne serait-ce que jusqu’à fin juin, mais une nouvelle manière pour traiter les engagements bancaires", a-t-il déclaré. L’expert-comptable a rappelé que nous sommes devant des décisions de souveraineté et que le secteur touristique "n’y est pour rien". Parler de relance, pour Fakir est impossible si l’État ne prend pas en considération ses responsabilités, "à partir du moment que c’est l’État qui a pris les mesures de restrictions qui sont bien sûr dans l’intérêt général et que l’écosystème touristique cautionne", a-t-il précisé.
Préservation des entreprises touristiques
"L’enjeu majeur n’est pas de survivre avec la crise, mais de sauvegarder ou préserver ce tissu entrepreneurial indispensable à toute relance. Ce n’est pas le moment pour faire des réformes ni sur le plan comptable ni sur le plan fiscal parce que la marge ne le permet pas et aujourd’hui il faut des mesures circonstancielles limitées dans le temps et dans l’espace par rapport à cette situation dramatique", a proclamé le Maitre de conférences.
Il a ainsi précisé que la situation nécessite des mesures volontaristes et à la mise en place "de coussins de sécurité financier", notamment "un fond, une provision qui va permettre de supporter une partie de ce fardeau financier".
"Aujourd’hui, nous ne pouvons pas parler par exemple d’exonération parce que nous ne pouvons pas changer les lois comme ça, mais parlons au moins d’abattement (réduction de la base imposable, NDLR.). Le secteur ne réclame pas d’être exonéré pour le moment, mais d’avoir au moins des abattements", a-t-il révélé, précisant qu’il s’agit d‘une décision "politique". "Il faut concevoir des abattements et non pas des exonérations et la différence est énorme. Le secteur va déclarer ses impôts, mais l’Etat doit intervenir en s’abstenant de collecter les impôts d’un secteur abattu", a expliqué Fakir.
Du brouillard face à la crise
"Au Maroc, nous n’avons jamais eu une cartographie des risques qui permet de définir la règle et l’exception", a déclaré Fakir, expliquant que le Maroc est train de gérer l’exception avec une logique de règle qu’il mobilise à tout moment y compris en temps de crise, "ce qui est en marge de l’esprit de la loi".
Il a affirmé que le Maroc ne dispose pas d’outils juridiques et techniques pour gérer cette crise et qu’il est devant une réalité juridique "très difficile", en appliquant des lois "sévères", à savoir la réduction temporaire du travail qui est limitée dans le temps et dans l’espace et l’obligation des paiements des coûts sociaux par des entreprises en difficulté financière. "Nous n’avons pas de parade si ce n’est la jurisprudence", a alors rétorqué Fakir. Une solution qui dure très longtemps et qui coûte cher pour les entreprises.
"Aujourd’hui, plus que jamais, il faut réformer le Code de travail. Non pas pour chasser les gens de leur travail ou les mettre en dehors de leurs postes. J’appelle à une prise de conscience de la part des syndicats et des représentants du patronat", a-t-il souligné.
L'improbable relance
Selon Othmane Chérif Alami, une grande partie des entreprises non pas été assujetties aux crédits Oxygène et Relance. Ces entreprises touristiques auront les plus graves difficultés si une solution n’est pas trouvée à leur égard, pour une éventuelle reprise à l’international au juillet-août dans les meilleurs des cas et au niveau national pour mai si cela est possible.
"Nous avons tellement souhaités avoir une belle visibilité d’ouverture pour une reprise certaine ou même incertaine, mais au moins avoir un espoir de retrouver en 2021, 20%, 30% ou 40% du chiffre d’affaire de 2019", a-t-il dit.
Pour gagner en visibilité et rassurer les acteurs du secteur touristique, la CNT a annoncé la tenue d’une réunion avec le groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM). A l’ordre du jour, la discussion de la situation des sociétés du tourisme en vue de trouver une solution pour le financement de la reprise.
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