Art & Culture
FIFM 2022 : A la quête de la pierre précieuse
15/11/2022 - 01:01
Mohammed Bakrim
Belle métaphore de notre rapport au cinéma que nous offre le beau film d’Adnane Baraka, Fragments from heaven. Ses personnages, portés par une sobriété et une patience héroïques, sont lancés dans ces immenses espaces à la recherche de la pierre précieuse tombée du ciel. Tel le cinéphile qui avec patience et optimisme, dans l’obscurité de la salle est relié à la lumière de l’écran à la recherche de la pépite rare: un film, une scène, un visage qui font vivre l’amour du cinéma.
Vivre tout simplement, se marier, avoir une maison ou voyager vers un ailleurs… C’est ce que nous dit Mohammed pour expliquer l’abnégation de ses personnages de conditions diverses qui sont là, dans le désert, le regard fixé au sol, et de temps en temps scrutant le ciel, à la recherche de ces fragments de pierres qu’une pluie de météorite a éparpillés, parcimonieusement, dans le désert. Une pratique courante dans le sud marocain, le sud est en particulier mais qui est resté longtemps dans le non-dit de l’espace public. Comme un trafic illicite. L’Université Ibn Zohr d’Agadir a ouvert une brèche académique pour aborder le sujet. Des reportages, des films de facture variée ont accompagné cet intérêt désormais devenu public. Le film d’Adnane s’inscrit dans cette démarche en lui offrant sa dimension quasiment épique. Son documentaire est à voir et à écouter. L’image et le son sont mobilisés dans une quête sur la quête. Les immenses espaces disent l’étendue de l’espoir qui anime ses gens. Des paysages filmés à la John Ford avec carrément un clin d’œil à Monument Valley, lieu mythifié par le western fordien. Mais le film reste à dimension humaine. On en sort avec humilité et de grandes interrogations que la séquence universitaire rend bien ; et le silence des étudiants face aux questions sur les origines de la matière posées par le professeur, lui-même protagoniste du film. Peut-être que la séquence illustrative du Big Bang en images numérique est venu un peu casser cette dimension méditative et mystique qui anime ces chercheurs d’or des temps modernes.
Moderne, c’est le qualificatif qui me vient à l’esprit pour le film de Faouzi Bensaïdi, Jours d’été. Revenu à ses premières amours, le théâtre via une pièce de Tchékhov, Bensaïdi en profite pour proposer une hymne aux actrices et aux acteurs. Ce soir-là au Palais des congrès ce fut une célébration des comédiens avec un accueil exceptionnel réservé à Faouzi-le-bien aimé, et à ses comédiens. Il les aime bien et le lui rende bien. Le film démarre avec une certaine ambiance d’allégresse. Il y a du théâtre, une formulation inédite des dialogues, et beaucoup de cinéma dans la mise en scène. La première demi-heure est faite de jeu, de clins d’œil, de mise en abyme avec une dynamique qui finit par nous enchanter. Si pour Tchékhov, le théâtre est l’achèvement de son art, son aboutissement, pour Faouzi, il demeure une source d’inspiration pour la formation de l’acteur, l’animation de la scène (théâtre dans le théâtre chez Tchékhov /cinéma dans le cinéma chez Bensaïdi) et une voie insolite pourl’exploration de l’âme humaine.

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