Monde
Gaza: l'Unicef alerte sur la vulnérabilité extrême des enfants
30/09/2024 - 19:18
AFPDe retour d'une mission d'une semaine dans la bande de Gaza, Jonathan Crickx, porte-parole de l'Unicef dans les Territoires palestiniens, alerte sur la vulnérabilité extrême des enfants dans la bande de Gaza où le Hamas et l'armée israélienne sont en guerre depuis près d'un an.
Trois ou quatre frappes israéliennes y ont été menées dans la nuit de dimanche à lundi, selon des journalistes de l'AFP, mais le nombre de bombardements a nettement diminué ces derniers jours dans la bande de Gaza à mesure qu'Israël augmente sa pression militaire sur le Hezbollah libanais à sa frontière nord.
Q: Qu'est-ce qui vous a frappé dans la bande de Gaza?
Jonathan Crickx: On voit des enfants partout étant donné qu'ils ne sont plus scolarisés et qu'ils doivent contribuer aux besoins de subsistance de leur famille. On en voit beaucoup porter des jerrycans en plastique jaunes et sales de parfois 25 litres, j'en ai même vu un qui le poussait sur un fauteuil roulant cassé. Ils essaient d'apporter de l'eau (chez eux, NDLR) car les difficultés d'accès à l'eau restent un problème majeur. On voit aussi beaucoup d'enfants qui essaient de trouver de la nourriture.
Enfin, nous avons vu, et c'est quelque chose que je n'avais jamais vu avant la guerre, de très jeunes enfants, âgés de cinq ou six ans, qui marchent dans d'énormes piles d'ordures et essaient de récupérer tout ce qu'ils peuvent, notamment du carton pour allumer un feu qui sert à cuisiner. En fait, on voit des enfants qui n'ont pas des vies d'enfants normales, et c'est très inquiétant pour leur avenir.
Ce que j'ai aussi remarqué, c'est que les visages des enfants sont très fermés, très tristes, ils ne sourient pas. Ces enfants sont extrêmement affectés par la violence, la force des bombardements et l'insécurité qu'ils subissent depuis un an.
Q: Quels échanges avez-vous pu avoir avec les enfants?
R: Par exemple, j'ai rencontré un garçon de 10 ans, qui s'appelle Ahmad. Il m'a d'abord demandé d'où je venais, et j'ai répondu que j'étais Belge. Il a alors mentionné Eden Hazard et Thibaut Courtois, et nous avons parlé de football (en référence aux deux joueurs internationaux belges).
Puis, très vite, il a commencé à parler de sa famille: ses deux parents sont encore en vie et ils vivent tous dans un camp à Khan Younès avec ses frères et sœurs, mais ensuite il a expliqué comment il avait vu son oncle se faire tuer, et il disait des choses qu'un enfant de 10 ans ne devrait pas dire, comment le corps était en morceaux, comment la tête en était loin.
C'est extrêmement difficile à entendre de la part d'un enfant de 10 ans. A la fin, il m'a demandé quand je devais retourner en Belgique et s'il pouvait venir avec moi, et il s'est mis à répéter: "sortir, sortir".
Q: Comment vivent ou survivent les enfants?
R: Il y a énormément d'enfants qui ont perdu un membre de leur famille, parfois un parent, parfois les deux. Il est extrêmement difficile d'obtenir des chiffres, mais nous rencontrons beaucoup d'enfants dans ces situations. L'Unicef estime à 19.000 le nombre d'enfants non accompagnés ou séparés de leurs parents.
La situation des écoles est un désastre complet: 85% des bâtiments scolaires sont détruits. Tous les enfants en âge d'être scolarisés n'ont pas suivi la moindre heure de cours au cours des 12 derniers mois.
Et lorsque nous voyons les enfants, ce qui est vraiment frappant, c'est qu'ils veulent aller à l'école, jouer avec leurs amis, voir leurs enseignants et apprendre. Pourquoi donc? Parce que l'éducation, l'apprentissage, donnent de l'espoir. Et pour l'instant, les enfants de Gaza n'ont pas cet espoir.
Q: Quels sont les risques sanitaires?
R: Quand on associe une grande promiscuité, une très forte densité de population, des conditions d'hygiène extrêmement mauvaises, des températures élevées, un accès trop limité aux toilettes, c'est la formule idéale pour l'émergence de maladies, notamment pour les enfants.
Beaucoup tombent donc malades et ont besoin d'être soignés, mais la majorité des hôpitaux ne fonctionnent pas, et ceux qui fonctionnent sont saturés. Donc il y a très souvent un retard de prise en charge de ces maladies qui touchent les enfants.
Nous avons également rencontré dans le nord, à l'hôpital Kamal Adwan, quatre enfants atteints de cancer, de leucémie ou de problèmes cardiaques. Ces enfants ont besoin d'une évacuation médicale immédiate, sans quoi ils ne s'en sortiront pas. Ils doivent être soignés en dehors de la bande de Gaza, car nulle part dans la bande de Gaza il n'est possible de les soigner correctement.
Articles en relations
Politique
Monde
Monde
Monde