Société
Grève nationale: les pharmaciens dénoncent le silence de la tutelle
04/04/2023 - 16:51
Khaoula BenhaddouComme annoncé, les pharmaciens seront en grève nationale le jeudi 13 avril. Pour expliquer les raisons de ce débrayage, les représentants des professionnels du secteur ont tenu ce mardi 4 avril une conférence de presse à Casablanca.
Lors de cette rencontre, les pharmaciens ont tout d’abord tenu à rappeler le rôle important que joue les professionnels dans le secteur médical en général. "Avant d’aller chez le médecin, le patient passe en premier chez le pharmacien pour lui demander conseil. Je tiens à souligner le lien de confiance qui lie le pharmacien à ses patients. On ressent ce lien dans l’accompagnement du patient mais aussi et surtout dans les crédits que font plusieurs pharmaciens. Des crédits qui leur permettent de faire face à l’inflation et le prix élevé de certains médicaments ", explique Oualid Amri, vice-président du Syndicat des pharmaciens du grand Casablanca.
Pour Mohamed Sabri, Président du Syndicat des pharmaciens de la province d'El Jadida, ces efforts comme tant d’autres "ne sont pas valorisés et ne sont pas pris en considération par la tutelle ni par le dernier rapport de la Cour des comptes"
Un secteur qui agonise
Contrairement aux données du dernier rapport de la Cour des comptes, les professionnels du secteur déplorent la dégradation de la profession. A en croire les propos des intervenants, "3.000 pharmaciens sont au bord de la faillite, certains se sont donnés la mort et d’autre sont en prison".
«Le rapport de la Cour des comptes, la goutte qui a fait déborder le vase»
A part les nombreux problèmes dont souffrent les pharmaciens, le dernier rapport de la Cour des comptes a suscité l’indignation des professionnels du secteur. Selon ce rapport, les marges bénéficiaires des pharmaciens varient entre 47% et 57% pour les médicaments dont le prix hors taxes est inférieur ou égal à 588 dirhams. Le même document rapporte également que ces marges varient entre 300 et 400 dirhams, par boite, pour les médicaments dont le prix de fabrication dépasse 558 dirhams.
Des données qui sont selon les professionnels du secteur complétement "erronées", comme l’explique Sabri Mohamed. "Le dernier rapport de la Cour des comptes est la goutte qui a fait déborder le vase. Ce rapport nous a mis en confrontation avec les citoyens et a nui à l’image des pharmaciens puisqu’il présente plusieurs données erronées sur notre marge de bénéfice".
Dans cette même lignée, les pharmaciens ont estimé que les chiffres présentés dans le rapport de la Cour des comptes sont incohérents avec la réalité de la fonction. "Le profit annoncé n’est pas net puisqu’il comprend le bénéfice des laboratoires mais aussi celui des distributeurs et celui de la taxe sans oublier les redevances. Conformément à la convention de la contribution libératoire avec les pharmaciens en 2020, notre marge ne dépasse pas généralement les 8%".
Les pharmaciens déplorent également la comparaison de leur secteur avec des pharmacies à l’international. "Selon le rapport de la Cour des comptes, la marge bénéficiaire serait relativement importantes par rapport à celles pratiquées par un benchmark de six pays, à savoir la Belgique, la France, l’Arabie saoudite, l’Espagne, la Turquie et le Portugal. Cette comparaison est loin d’être raisonnables", a tenu à faire savoir Sabri avant d’ajouter: "Nous n’avons pas le même niveau de vie ni les mêmes conditions de ces pays. Je tiens à souligner que les pharmaciens en Europe par exemple reçoivent des indemnités de vaccination, de dépistage, de dispensation, une rémunération des gardes, une indemnité de prolongation d’ordonnance et bien d’autres, alors que nous n’avons même pas le droit de substitution".
A part la marge de bénéfice, les pharmaciens pointent du doigt d’autres données erronées comme la fixation des prix des médicaments. "Le pharmacien n’intervient pas dans ce processus puisque le prix des médicaments est défini par une commission interministérielle. Une fois les prix définis par la commission, ils sont publiés dans le bulletin officiel ainsi que la marge du pharmacien dessus", explique Amri.
Le silence de la tutelle
Le silence de la tutelle ne fait qu'exacerber le mécontentement des pharmaciens comme l’explique Zine el abidine Handoule, représentant du Syndicat des pharmaciens de la région d’Oujda. "Nous appelons depuis longtemps à l’ouverture d’un dialogue avec le ministère de la Santé, mais nous n’avons reçu aucune réponse. La grève que nous mènerons le 13 avril est le résultat du silence de la tutelle. C’est aussi une réponse à la précarité que vivent des milliers d’officines. C’est notre dernier recours et espérons que cela apportera des fruits !", a-t-il martelé.
Pour rappel, une grève nationale a été annoncée par les représentations syndicales des pharmaciens d’officine. Un communiqué précise que si cette première grève ne réalise pas ses objectifs d’un dialogue pour se pencher sur la situation critique du secteur, une deuxième grève qui durera 48h sera décrétée.
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