Société
Harcèlement scolaire: d’une simple rigolade au suicide
25/10/2024 - 23:08
Khaoula BenhaddouComme chaque rentrée scolaire, un sujet épineux refait surface: le Harcèlement scolaire. Ce phénomène qui sévit au Maroc, comme partout dans le monde, commence souvent par une simple taquinerie et risque de finir avec des conséquences lourdes comme le suicide.
En chemin vers l’école, plusieurs élèves ont la boule au ventre, non pas par peur de donner de mauvaises réponses ou d’échouer à l’examen mais d'être sujet au harcèlement scolaire.
Selon une étude réalisée en 2022 par le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS), en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour l'Enfance (UNICEF), le harcèlement scolaire est un phénomène qui se propage d’une manière inquiétante au Maroc.
Cette étude a précisé que les violences verbales sont des pratiques courantes et banalisées dans les établissements scolaires; "dans les écoles primaires, bon nombre d’élèves déclarent être victimes d’insultes, de sobriquets, d’ostracisme ou de moqueries, de manière sporadique ou plus ou moins régulière pour certains d’entre eux. Environ un élève sur dix au primaire affirme avoir été -souvent- affubler d’un sobriquet: un surnom méchant ou méprisant et insultant rapporté par les élèves dans le cadre de l’enquête qualitative tels que âne, ânesse, chauve, cafard, gros, grosse, abruti, paresseux, nègre, moche, paralytique, etc".
Et d’ajouter "Dans les mêmes proportions, les élèves ont déclaré avoir été –souvent- mis à l’écart (11,7%) ou insultés (11,1%). Pour ce qui est des moqueries, celles-ci concernent 36,3% des élèves", lit-on dans l’étude qui souligne que les filles sont parfois moins victimes que les garçons, c’est dans des proportions bien limitées. À titre d’exemple, 12,4% des garçons indiquent avoir été souvent insultés, contre 10,3% des filles.
La violence physique n’est pas de mise. 25,2% des élèves des écoles primaires ont déclaré avoir été frappés et 28,5% bousculés, tandis qu'au secondaire, 25,3% des écoliers affirment avoir été frappés et 37,4% bousculés dans le but de leur faire du mal. Et de préciser que les garçons sont plus exposés à des actes de violence physique comparés aux filles.
Toujours selon la même étude, ces types de violence touchent respectivement 27,1% et 38,6% des élèves du primaire et du secondaire.
Environ 15,2% des élèves du primaire et 29,7% des élèves du secondaire ont déclaré avoir été harcelés dans leurs écoles, dont respectivement 34% et 25,4% ont précisé avoir subi un harcèlement à caractère sexuel.
Qu’est-ce que le harcèlement scolaire?
Pour le pédopsychiatre Bouchaib Karroumi, on parle du harcèlement scolaire quand un comportement agressif envers un élève se reproduit et s’intensifie dans le temps; "le harcèlement scolaire commence dès le primaire et devient plus fréquent au collège. Au primaire, on peut parler de comportements qui ciblent un élève parce qu'il est sensible, fragile, ou susceptible, et qu'il est ainsi identifié par ses camarades".
Et d'ajouter "il s’agit des comportements menés par un élève ou par un groupe à l’encontre d'un camarade qui ont pour but de provoquer des réactions et souvent pour s'amuser. Cela devient même un jeu".
Ce phénomène s’intensifie au collège où les harceleurs font subir de manière répétée à un camarade des propos ou des comportements négatifs, voire violents. "Au collège, on trouve toujours un adolescent ou pré-adolescent sensible, ou avec une personnalité un peu fragile. Cet élève fera objet de moqueries de ses camarades qui s'amusent à le harceler voire, à le violenter. Ça devient à ce moment-là un synonyme d'agression. Ce comportement qui aura lieu à la récréation, soit même en classe, est souvent très dur à supporter".
Souvent, le harcèlement est basé sur la stigmatisation de certaines caractéristiques comme l’apparence physique, le genre ou un trouble de communication.
Le harcèlement scolaire a souvent pour but de porter atteinte à la dignité d’un élève en l’humiliant ou en l’offensant en présence de ses camarades. Cela devient plus compliqué en cas de harcèlement physique.
Des conséquences lourdes
Isolement, perte de la confiance en soi, baisse des résultats scolaires, mal être, troubles de comportement alimentaire, insomnie… sont entre autres les conséquences du harcèlement scolaire. Ces conséquences peuvent même atteindre des niveaux plus graves comme le suicide comme l’explique Bouchaib Karroumi; "les conséquences psychologiques du harcèlement sont durs à supporter surtout quand personne ne se rend compte de la souffrance de l’élève. Ce dernier va avoir dans des attitudes de repli, de tristesse. Il peut entrer en dépression et peut avoir des idées suicidaires. Certains élèves sont même passés à l’acte".
Comment protéger les élèves harcelés?
Pour faire face à ce phénomène, le pédopsychiatre appelle à l’implication des parents et des enseignants; "Les parents et les enseignants ont un rôle crucial à jouer en restant attentifs à d’éventuels signaux ou changements de comportement. J’invite les parents à échanger avec leur enfants, être à son écoute et alerter les enseignants et l’administration de l’école en cas d’inquiétude.
Et de conclure "pour prévenir ce phénomène, j’invite également les écoles à organiser des ateliers, des conférences et des groupes de paroles ppur sensibiliser les élèves et leurs donner les outils nécessaires pour faire face aux situations de harcèlement".
Pour rappel, le ministère de l’Education Nationale, du Préscolaire et des Sports a mis en place un projet de lutte contre le cyber harcèlement et l’intimidation en milieu scolaire, et a organisé des ateliers en partenariat avec le Centre de ressources et d’études systémiques contre les intimidations scolaires (ReSIS), avec le soutien d’Orange Maroc. Ces ateliers ont pour objectif de former des spécialistes dans ce domaine pour faire face à toute menace à la sécurité et la sûreté des élèves,
Cette formation vise à prodiguer aux enseignants des bases théoriques, des consignes pratiques et des conseils concrets en vue de mettre en place des équipes en mesure de composer avec les cas d’intimidation au niveau des établissements ciblés, selon la méthode d’intérêt commun, en plus des méthodes de protection et de traitement des cas de cyber harcèlement,
Ce projet constitue un plan de prévention du cyber harcèlement et du cyber intimidation en milieu scolaire, en ciblant 2191 établissements d’enseignement secondaire collégial dans l’ensemble des académies régionales d’éducation et de formation sur une période de trois ans jusqu’en 2026, et à travers la formation de 6579 encadrants, avec une moyenne de trois personnes de chaque établissement scolaire (enseignant, spécialiste du soutien pédagogique et conseiller d’orientation).
Le programme comprend également l’organisation de formations sur la prévention du harcèlement et le développement des compétences psychosociales des élèves, outre la formation d’élèves ambassadeurs dans ce domaine au sein des lycées, relève le communiqué, notant qu’un protocole visant à traiter les cas de harcèlement au sein des établissements scolaires sera mis en place à cet effet.
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